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Interview de Marcel Disko, président de la Miviludej

Le décret annonçant la création de la Mission interministériel de vigilance et de lutte contre les dérives journalistiques (Miviludej) est paru au Journal officiel ce mercredi 27 avril 2016. Son président nous accorde sa première interview.

Marcel Disko, président de la Miviludej.

Marcel Disko, président de la Miviludej.

Débredinoire.- Qu’est-ce qui a motivé la création de cette instance ?

Marcel Disko.- Cette instance a vu le jour après l’échec de différentes tentatives de créer en France un organe de régulation. La profession journalistique est l’une des rares en France à ne pas s’être organisée pour faire le ménage dans ses pratiques déviantes à l'échelle nationale. Les organisations professionnelles et les syndicats n’ont pas réussi à s’entendre pour élaborer une veille sur ces comportements dommageables pour nos concitoyens et la démocratie. Ainsi, de nombreuses dérives ne sont pas sanctionnées. Or, pour la qualité du débat démocratique, la plus grande rigueur doit être apportée à l’élaboration des nouvelles. Rappelez-vous ce que disait Hannah Arendt : « La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat ».

- Mais en créant une instance gouvernementale, n’empiétez-vous pas sur la liberté de la presse ?

Miviludej- La liberté d’expression est une liberté fondamentale reconnue par notre Constitution. En effet, son exercice « est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale ». La loi du 29 juillet 1881 stipule clairement que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». Et l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Mais il précise, et c’est là que la responsabilité de l’État intervient : « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

C’est parce que ces abus ne sont pas suffisamment réprimés, et en l’absence d’une autorégulation efficace des professionnels de l’information, que nous agissons. Notre objectif premier est de veiller à ce que nos concitoyens ne soient pas manipulés par les médias comme ils le sont trop souvent aujourd’hui.

- N’y a-t-il pas un risque que cette instance fonctionne de façon arbitraire ?

- La Miviludej est placée sous la responsabilité du premier ministre. Interministérielle, elle aura des liens étroits avec toutes les administrations importantes aux niveaux national et local. Ses membres ne visent que l’intérêt général. Ils rendront un rapport tous les ans afin que leurs activités soient connues de tous.

Je précise que, bien évidemment, nous ne nous battons pas « contre » les médias mais uniquement contre leurs agissements dérivants.

Pour être complet, j’ajoute que nous travaillerons en étroite collaboration avec les associations qui luttent contre les excès des médias et qui défendent leurs victimes. Nous déposerons d’ailleurs très prochainement un projet de loi pour que ces associations soient reconnues d’utilité publique.

- Qu’appelez-vous « agissements dérivants » des médias ?

- Ils sont innombrables : erreurs, affabulations, reprises des rumeurs sans vérification, mensonges, amalgames, partis pris outranciers, mises en scène, refus de corriger ou d’accorder un droit de réponse, pression invisible de la publicité, conflits d’intérêt chez les patrons de presse, atteintes à la vie privée ou à la présomption d’innocence, « ménages », copinages, etc.

C’est un véritable fléau social dont les victimes, qui n’ont pas toutes les moyens de saisir la justice, sont abandonnées à leurs souffrances.

Et puis, il y a une difficulté : comme la justice consacre la liberté d’expression, elle ne saisit pas toujours la manipulation qui sous-tend nombre d’articles ou d’émissions. Nous réfléchissons d’ailleurs à la création d’un nouveau délit qui serait « l’abus journalistique de crédulité ».

> Rubrique : Infaux.

Projet de création d’un Conseil de presse : où en est-on ?

L’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP), qui existe depuis fin 2006, fait le point sur son projet d’instaurer en France une instance de dialogue et de régulation de la presse. Beaucoup d’obstacles mais des avancées certaines, conclut Yves Agnès, qui ne se représentera pas à la présidence de l’association.

> Télécharger le bulletin de juillet 2015 - Newsletter N°49-1

Yves Agnès, président de l'APCP depuis sa création, ne postulera pas un nouveau mandat.

Yves Agnès, président de l'APCP depuis sa création, ne postulera pas à un nouveau mandat. Photo : Ouvertures.

" Derrière la création d’un conseil de presse, il y a plusieurs questions fondamentales en jeu. D’abord, c’est l’instrument adéquat pour conforter et défendre la liberté d’expression et d’information. Et c’est, en corollaire, le droit des citoyens d’une société démocratique à disposer d’une information de qualité : seul un conseil de presse peut combattre la pente fatale collective vers la médiocrité. C’est aussi l’affirmation que l’instance chargée d’y veiller doit associer les trois parties prenantes [Journalistes, éditeurs, public]. Le public a son mot à dire, autrement que par des commentaires hargneux en réaction à ce qui est publié ou diffusé. Une balise, un phare qui indique les récifs dangereux."

Ces mots concluent l'article d'Yves Agnès, président de l'APCP, dans son article bilan de cette association publié dans le dernier bulletin n° 49 (juillet 2015).

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Trois des six syndicats de journalistes (représentant 70 % aux récentes élections de la carte professionnelle) soutiennent le projet de création d'un Conseil de presse en France dont le dernier bulletin décrit le fonctionnement proposé.

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Votre serviteur est co-fondateur de cette association APCP qui a vu le jour l'année de parution de mon livre "L'Information responsable. Un défi démocratique", ECLM.

Ce livre est en téléchargeable gratuitement sur le site de l'éditeur !

 

 

 

 

Journalisme : il faut défendre l’exigence d’objectivité

L’Observatoire de la déontologie journalistique (ODI), présidé par Patrick Eveno, publie les conclusions du groupe travail constitué pour éclairer les concepts d’objectivité et d’honnêteté de l’information. Photo de Une : Patrick Eveno

Ojectivité ODISous prétexte que « l’objectivité » n’existe pas, les journalistes avaient pris l’habitude de refuser ce mot pour le remplacer par celui d’« honnêteté ». Un groupe de travail mis en place par le président de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), suite à mon interpellation, remet l’objectivité à l’honneur, au moins comme horizon à atteindre.

Dans un article publié ici le 20 octobre dernier, je réagissais à la publication du deuxième rapport du 2e rapport de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI).

L’un de mes commentaires avait pour but de protester contre le remplacement de la notion d’objectivité par celle d’honnêteté, et même de subjectivité.

Or, l'honnêteté ne suffit pas à remplacer l'objectivité. Et la subjectivité doit justement être limitée le plus possible (sauf dans les cas où elle peut être justifiée, dans certains reportages, par exemple).

Dans mon article, j’écrivais ceci : « Le § sur l’objectivité et honnêteté (dans « 4. Distinctions et précisions »), qui fait, je le sais, consensus dans la profession, me paraît en fait devoir être revisité (« L’objectivité journalistique n’existe pas. La pratique du journalisme repose sur une série de choix et les mots « objectif, objectivité » doivent être bannis à son sujet et réservés aux sciences exactes, les seules à pouvoir y prétendre. Les journalistes préfèrent donc parler d’honnêteté dans leur travail »). » Et je donnai mes raisons.

Patrick Eveno, président de l’ODI, a alors proposé qu’un petit groupe de réflexion réexamine les termes de ce débat. Le document présenté ici résume les points de convergence.

Le souci commun du groupe a été de respecter scrupuleusement la finalité du métier de journaliste telle qu’elle est définie dans une Déclaration de l’UNESCO de 1983.

 

 

 

 

Comment les médias occultent les infos positives sur les minorités spirituelles

Deux exemples où les médias occultent les informations positives concernant les «sectes». Afin que le public n’ait surtout pas une vision juste et équilibrée de la réalité à ce sujet.

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De gauche à droite, Jean-Lux Maxence, poète, écrivain et éditeur, et J-L M-L, ancien rédacteur en chef d’Ouvertures. Photo : E. L.

Lors du colloque sur « Le traitement du fait religieux dans les médias et l’édition », qui a eu lieu à Paris le 7 novembre dernier, j’ai présenté deux cas récents où les médias ont péché par omission.

Aucun journal français, aucune télévision n’a par exemple rapporté l’échec essuyé par la délégation française au Conseil de l’Europe à exporter son modèle antisecte, ni le refus d’EELV (Europe Écologie Les Verts) d’approuver le rapport d’une commission d’enquête parlementaire sur « l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ».

> Le texte de mon intervention : Les faits positifs que les médias occultent.

 

Pleure, ô ma presse bien aimée ! (à propos du Fig Mag)

Où en est rendu le journalisme ? Pour son dossier de Une, j’ai acheté le Figaro (22/11/14), ce qui ne m’était pas arrivé depuis des lustres. J’ai été effaré, globalement, par son indécente débauche de publicités, parfois au mépris des règles déontologiques les plus essentielles.

Fig MagAu Figaro, le journalisme fait la part belle au « commercial ». Le numéro de cet avant-dernier week-end de novembre l'illustre de façon éclatante. Les barrières qui avaient cours jadis pour protéger l’indépendance rédactionnelle de la publicité, alors déjà fragiles et poreuses, sont aujourd’hui démantelées sans vergogne.

La qualité journalistique des produits de presse n’étant surveillée par aucun organisme professionnel, les journaux ne cherchent même plus à cacher leur mariage avec le diable. Union contre nature qui signe la mort du journalisme à vocation culturelle et politique. Enterrons donc l’intérêt général et buvons à sa santé !

Je vous invite à me suivre dans l'analyse de ce numéro de fin d’année.

D’abord, le quotidien proprement dit est vendu avec toute une série de suppléments :

- Le Figaro Magazine

- Le Figaro Madame

- TV magazine

- Deux suppléments de produits de consommation : Cadeaux de Noël, Conran Shop + C'est Noël Rive Gauche, le Bon Marché. Je les ai d’emblée abandonnés au kiosquier.

Ajoutez à cela le Figaro week-end, le Figaro et vous, le Figaro économie (cahier qui comporte le moins de pubs).

Enfin, un cahier nommé Figaro Partner entièrement consacré au Bénin : huit pages de publicité rédactionnelle achetées par ce tout petit pays d’Afrique. Nulle part, en infraction avec une règle majeure du métier qui veut que l’on distingue clairement rédaction et publicité, il n’est indiqué qu’il s’agit d'achat d'espace.

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Cahier de 8 pages. Nulle part est fait mention de son caractère publicitaire si ce n'est cette note, en minuscule caractères au bas de la page : "La rédaction du Figaro n'a pas participé à la réalisation de ce supplément"...

Seule une mention, en minuscules caractères en bas de la première page, précise : « La rédaction du Figaro n’a pas participé à la réalisation de ce supplément ».

Regardons maintenant le Fig Mag. Quand j’étais étudiant à l’Ecole de journalisme de Lille, j’avais reçu de mes professeurs quelques conseils pour juger de la qualité des médias. Parmi eux, il y avait ce principe : la page de droite est celle qui a le plus de valeur car c’est celle qu’on voit en premier quand on ouvre un journal ou un magazine. Pour savoir si le journal que vous lisez donne priorité ou non à l’information, regardez où il place ses articles. Si c’est à gauche, la pub étant alors à droite, vous savez à quoi vous en tenir.

Dans le Fig Mag, hormis quelques dossiers ou enquêtes qui s’ouvrent sur une double page, la plupart des pubs sont à droite…

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Face à face, ce qui faisait scandale il y a quelques années, la publicité et un petit article sur le même sujet : ici, le calva Boulard.

Le numéro compte 172 pages, dont 70 pages de publicité (dont 8 de petites annonces immobilières s’étalant sur une page entière et 2 demies et quarts de page). Donc 102 pages d’articles rédigés par les journalistes du magazine, soit un peu plus de 59 % de l’ensemble (contre 41 % de pub).

Mais, dans cette proportion, il faut retirer, déontologiquement parlant, la publicité déguisée :

- soit parce que les articles sont écrits par le service commercial (ce qui est indiqué en tout petit)

- soit parce qu’ils présentent des biens de consommation exactement comme des publicités, indiquant notamment leurs prix (ce qui constituait un critère de publicité aux yeux de la Commission qui délivre la carte de presse). Il faudrait enquêter à l’intérieur du journal pour savoir si ces articles sont accompagnés ou non d’achats d’espaces publicitaires

- soit parce que les articles sur certains produits sont accompagnés carrément de publicités pour ces mêmes produits.

C’est ce qui se passe, par exemple, pour le dossier « Spécial spiritueux », qui fait l’apologie de marques et de producteurs de whisky, de cognac et de calvados. 26 pages au total dont 11 de pubs pleine page, placées juste à côté des interviews ou articles qui évoquent leur marque.

Si donc l’on place ces pages de promotion masquée non plus dans le lot des articles d’information mais dans la pub, il faut retirer 30 pages aux 102 rédactionnelles calculées précédemment.

Au final, nous avons donc en réalité 100 pages de publicité et seulement 72 pages de rédaction ! Le ratio s'inverse carrément : 58 % pour la pub et plus que 42 % pour la rédaction...

Et si on évalue l’ensemble du package livré considéré comme un tout, le ratio rédaction/publicité diminue encore nettement pour passer bien en dessous de la barre du « tiers de la pagination consacré à l’intérêt général ». Ce tiers constitue le critère majeur de l’organe officiel qui délivre la qualité de « quotidien d’information générale donnant droit aux aides publiques, la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).

Aides publiques qui se montent à près de 8 millions d’euros en 2013 pour le Figaro

Pour avoir une idée de l’évolution des choses, il faut savoir qu’auparavant, la CPPAP exigeait que le ratio rédaction/publicité dans un média dépasse 50 % pour le déclarer « d’intérêt général ».

Aujourd’hui, un tiers de rédaction lui suffit…

> Je n'ai pas fait le décompte pour le Figaro Madame, cela m'aurait trop déprimé...

Réaction au 2e rapport de l’Observatoire de la déontologie de l’information

L’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI) vient de rendre public son deuxième rapport annuel. Un recueil riche en descriptions de dérives médiatiques et en analyses pertinentes sur le travail journalistique. A quelques petits bémols près.

2e rapport ODICe 2e rapport annuel de l'Observatoire de la déontologie de l'information (ODI) a été rendu public lors des 8es Assises internationales du journalisme et de l’information, le 17 octobre 2014, à Metz.

Dans le message adressé aux Assises, la ministre de la culture et de la communication Fleur Pellerin a estimé que l’ODI est « à [s]es yeux une étape précieuse vers la structuration d’une déontologie du journalisme en France » et « peut constituer le socle d’une véritable autorégulation de l’information à la française et constituer le socle d’une véritable autorégulation de l’information à la française ».

Pour consulter ce rapport, cliquez sur l'image ci-jointe.

En tant que membre co-fondateur de l'Association de préfiguration d'un conseil de presse (APCP), elle-même membre de l'ODI, j'ai formulé quelques remarques sur ce texte. Les voici :

La difficile indépendance du journalisme par rapport à son employeur

« - § 2.1 : La référence à l’article 3b de la convention collective, à propos de l’utilisation de Twitter par les journalistes, mériterait discussion. Ici, elle est présentée comme allant de soi :

« Il faut rappeler l’article 3b de la Convention collective des journalistes : « Les organisations contractantes rappellent le droit pour les journalistes d’avoir leur liberté d’opinion, l’expression publique de cette opinion ne devant en aucun cas porter atteinte aux intérêts de l’entreprise de presse dans laquelle ils travaillent ». »

La discussion porte sur ce point : Qu’en est-il dans les cas où le devoir d’informer ou l’intérêt du public pourrait/devrait primer sur les « intérêts de l’entreprise » ?

Ces cas ne sont pas rares. L’on ne peut se contenter ni d’affirmer que l’expression publique d’un journaliste ne doit « en aucun cas » y porter atteinte… Quel tribunal déontologique, quelle tierce partie peut se saisir de ces cas de figure en l’absence d’un conseil de presse ? On ne peut laisser le journaliste seul avec sa conscience : c'est une question d'intérêt général.

Le rôle d'Internet et des médias sociaux sous-estimé

- Dans le même chapitre consacré au « rôle croissant d’Internet et des réseaux sociaux », leur impact est traité en un seul paragraphe (« Si les réseaux sociaux sont un outil d’alerte, de diffusion et de réaction sans précédent, (…) peut aussi amener les médias à modifier leurs pratiques au regard de la déontologie, pas toujours à bon escient »).

L’analyse me paraît superficielle et trop succincte. Internet et les réseaux sociaux ont produit une nouvelle donne qui bouleverse en profondeur tant les formes que le fond de l’activité journalistique.

Et, à mon sens, leur apport est bien plus bénéfique que ce qui est seulement dit ici. Leur influence mériterait un travail plus conséquent.

L'honnêteté ne suffit pas à remplacer l'objectivité

- Le § sur l’objectivité et honnêteté (dans « 4. Distinctions et précisions »), qui fait, je le sais, consensus dans la profession, me paraît en fait devoir être revisité (« L’objectivité journalistique n’existe pas. La pratique du journalisme repose sur une série de choix et les mots « objectif, objectivité » doivent être bannis à son sujet et réservés aux sciences exactes, les seules à pouvoir y prétendre. Les journalistes préfèrent donc parler d’honnêteté dans leur travail »).

Pour plusieurs raisons :

- Si l’objectivité était possible, demanderait-on au journaliste d’être objectif ? Oui, en tout cas le public l’exigerait. Si l’on pense que non, il faudrait expliquer de quel droit le journaliste pourrait faire passer son point de vue avant celui du constat objectif (le public serait d’accord pour qu’il le place après).

- Il est vrai que l’objectivité totale est impossible, y compris d’ailleurs pour les sciences « exactes », comme le reconnaissent aujourd'hui les épistémologues. Il est impossible, quel que soit le domaine examiné, de faire totalement abstraction du sujet qui observe et relate. En sciences, on parle aujourd’hui d’« objectivité faible » pour désigner une connaissance qui fait l’objet de consensus et qui est reproductible par tous, mais qui est toujours susceptible d’amendement ou de dépassement.

- L’honnêteté ne peut suffire à remplacer l’objectivité. Je peux être honnête et naïf ou manipulable ou ignorant ; honnête et partial (je peux croire honnêtement être juste ou dans le vrai en privilégiant telle source ou tel point de vue) ; etc.

Le devoir d’objectivité, à mon avis, comme celui de vérité, demeure comme horizon, que cet horizon soit atteignable ou non.

Simplement, l’objectivité n’est plus à attendre seulement de l’attitude morale du journaliste, mais des conditions concrètes d’élaboration de son information : A-t-il été sur le terrain ? A-t-il interrogé toutes les parties en lice dans un conflit ? En a-t-il manifestement privilégié l’une sur l’autre ? A-t-il su faire la part entre faits et opinions ? Etc. Une analyse qui peut très bien être du ressort d’un Conseil de presse…

On peut alors reparler de l’objectivité d’une information, en l’abordant, non plus par l’attitude morale de son rédacteur, mais par le biais de sa procédure de fabrication.

> En attendant, je trouve très insuffisant ce remplacement à la mode de l’objectivité par l’honnêteté sans y joindre une exigence d’impartialité, d'objectivité ou de vérité concernant les faits rapportés (les opinions étant libres). C'est même là que se situe, à mon sens, le principal point faible de notre métier et l'origine principale de la défiance du public. Car si tous les journalistes acceptaient cette exigence d'objectivité concernant la présentation des faits (principe inscrit d'ailleurs noir sur blanc dans les statuts de l'AFP), ils accepteraient dans la foulée le principe du Conseil de presse, condition nécessaire (mais pas suffisante) d’un retour de la crédibilité. »

Le dernier bulletin de l’APCP (n° 36, avril 2014)

Le bulletin des citoyens exigeants en matière de qualité de l’information, réalisé par l’Association de préfiguration d’un conseil de presse (APCP).

Décryptez - APCP

Présentation de mon livre dans le bulletin. Cliquer sur l'image pour télécharger la lettre.

Au sommaire, notamment :

- Confusions en tous genres. La liberté d'expression n'autorise pas tout, la liberté d'information encore moins ; il convient de distinguer les faits (sacrés) et les commentaires (libres) ; le pluralisme n'est pas l'expression dans un même média de toutes les opinions ; distinguer aussi information et "communication", déontologie et ligne éditoriale...

- La Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) peine à pénétrer les rédactions. Un guide publié par le "Forum RSE médias" peut y aider.

- Le rapport 2013 du médiateur de France 2. Nicolas Jacobs observe la véhémence croissante des téléspectateurs.

- Contre-pouvoirs : les "affaires" concernant des "politiques" et la campagne électorale des municipales mettent en lumière la fonction nécessaire des médias comme "contre-pouvoirs".

- Le Conseil de presse britannique (la Press Complaints Commission) a conduit 461 médiations et pris 118 décisions sur les manquements à l'éthique du journalisme en 2013.

- Ask a mentor, une aide à distance pour les journalistes canadiens isolés.

- Et les rubriques Bibliothèque, Ici et là.

 

Le bulletin de l’APCP n° 35 mars 2014 est paru

Le dernier bulletin de l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP), qui oeuvre pour la création d’une instance de régulation de la presse, est sorti.

APCP 35> Télécharger le bulletin sur le site de l'association.

Au sommaire, notamment :

- Le rapport de Marie Sirinelli à Aurélie Filippetti sur l'autorégulation des médias : les points principaux du rapport ; la position de l'APCP

- La loi sur l'égalité hommes / femmes et la formation des journalistes

- Patrick Eveno, nouveau président de l'Observatoire de la déontologie de l'Information (ODI)

- Un colloque à l'IPJ (Institut pratique du journalisme, Paris) sur les conseils de presse

- Militantisme de l'information, militantisme de conviction : Faut-il que les journalistes s'organisent autour des combats auxquels ils croient ?

- Un rapport parlementaire sur l'information scientifique

- "Selfisme" ou journalisme : se mettre en scène, une forme de marketing

- Egypte, Tunisie : à la recherche d'une autorégulation des médias.

Journalisme et discriminations : une règle fondamentale à respecter

Tout journaliste désireux de participer à la construction de la paix sociale devrait abandonner sa propension à attiser les polémiques et les haines. Et se donner une exigence absolue : bannir toute généralisation discriminante.

Plus jamais

Affiche commanditée par la SFIO pour les élections législatives de 1928. Document : Bibliothèque de documentation internationale contemporaine/MHC.

« Plus jamais ça ! » disaient nos pères et déjà nos grands pères. Si l’on veut donner une garantie de réalisation à ce vœu, nous devrions nous aussi "désarmer" nos esprits, extirper tout germe de guerre en nous­-même en considérant chaque homme comme notre égal, et même comme un frère potentiel ainsi que nous y enjoint le troisième terme de notre devise nationale. Terme que l’on méprise trop aisément quand on se pense meilleur qu’un autre ou supérieur à lui d’une quelconque façon.

Telle est la condition d’un climat social apaisé et constructif, respectueux des différences et de la diversité.

Dans ce contexte, le journaliste et son média, en raison de leur pouvoir et de leur responsabilité, ont un rôle majeur à jouer.

Le ferment de toute guerre fratricide réside dans le fait d’apposer publiquement des étiquettes sur des individus et des groupes d’individus, ce qui permet et facilite la discrimination à leur encontre (“Tous les XXX sont des YYY”). En effet, toute généralisation dans la pensée et dans l’action, s’agissant d’humains et tout particulièrement de minorités (juifs, arabes, extrême droite/extrême gauche, immigrés, roms, fous, etc.), est nécessairement stigmatisante, arbitraire et abusive.

Les formules utilisées aujourd'hui dans les campagnes contre les "sectes", par exemple, ne sont pas sans rappeler celles qui avaient cours sous l’Occupation.

Le journaliste soucieux de la qualité du climat social évitera de recourir à ces catégorisations, à ces généralisations. Il renoncera dès lors aux étiquettes et s’efforcera, au contraire, d’étudier chaque fait, chaque situation dans le concret, au cas par cas et avec précision. Et ce, le plus objectivement possible, c’est­-à­-dire, professionnellement parlant, à charge et à décharge. Non comme un procureur, mais pour saisir contradictoirement une réalité complexe...

Si tous les journalistes adoptaient cette attitude, ils gagneraient en crédibilité et en image auprès du public. Et toute la société, qui aujourd’hui semble animée d’un étrange “Haïssez­-vous les uns les autres”, s’en porterait mieux.

Bien évidemment, beaucoup me traiteront de bisounours. Adopter cette proposition serait pourtant LE moyen de garantir le “Plus jamais ça !” de nos pères.

D’autres clameront que contribuer à la paix sociale n’est pas dans leur attribution. Ce serait oublier que, s’ils sont journalistes, ils sont aussi citoyens.

Projet Conseil de presse : l’info de février

Voici le dernier numéro (n° 34, février 2014) du bulletin de l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP). Cliquez sur l’image pour accéder au document.

APCP 34- Trente années de déboires déontologiques : "l'affaire Grégory", qui commence en octobre 1984, marque le début des dérapages.

- Les hiérarchies rédactionnelles devraient veiller à la déontologie... et non parfois la combattre.

- Dieudonné : la liberté d'expression jusqu'où ? Les questions posées aux médias. Cartes de presse 2013 : nouveau tassement. Tous les chiffres et l'évolution sur vingt ans.

- Nouveaux sondages : la confiance dans les médias et les journalistes reste très faible.

- Continent européen : les pays qui ont un conseil de presse et ceux qui n'en ont pas.

- En Ukraine, l'action difficile du conseil de presse créé en 2001. Des avancées sur la formation et l'adoption d'un code unique.