Lors d’une conférence tenue à l’université de la Rochelle le 17 novembre 2022, à l’occasion du lancement du concours Promotion de l’éthique professionnelle par le Rotary, le journaliste Jean-Luc Martin-Lagardette explique pourquoi il est choqué par l’abandon du « respect de la vérité » comme premier principe du journalisme dans la nouvelle version de la Charte mondiale d’éthique des journalistes.
Au pied du cylindre vert, les teintes des carreaux A et B paraissent opposées : gris foncé pour le carreau du haut ; gris clair pour celui en dessous.
Cette vision correspond celle du journaliste qui se contente de « respecter les faits ». Il voit, objectivement à ses yeux, un fort contraste entre les 2 carreaux.(et qui n'a plus à « respecter la vérité », comme le dit désormais la nouvelle Charte mondiale des journalistes) Et son article rendra compte de cet antagonisme, pour lui évident.
Si l’informateur ne se contente pas de « respecter les faits » qui se présentent à lui mais a l’idée d’approfondir les choses, il va, par exemple, projeter un tunnel entre A et B. Déjà, les deux carreaux lui semblent de couleurs plus proches l’une de l’autre.
S’il poursuit sa recherche, il constate avec stupeur que les deux carreaux sont en fait exactement de la même intensité de teinte ! C’est seulement leur relation avec le contexte qui permet d’observer cette vérité. Ne s’étant pas contenté de « respecter les faits », conscient qu’il peut facilement être personnellement le jouet d’une illusion, il a poursuivi son « exigence de vérité ». Son article sera donc plus « vrai », plus juste, que celui de son confrère insuffisamment formé, naïf ou paresseux…
"Le journalisme, à l’échelle mondiale, guillotine la « vérité » ! Lors de son 30e congrès, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a adopté le 12 juin 2019 à Tunis une actualisation de la Charte mondiale d’éthique des journalistes.
Ce document vise à renforcer les normes déontologiques pour les journalistes dans le monde entier. Il contient des innovations et des clauses nouvelles susceptibles, en effet, d’adapter la profession aux nouveaux défis apparus dans le monde ces dernières années. J’en détaille les principales mesures dans un article paru le 19 juillet 2019.
Malheureusement, le nouveau code revient sur un des principes majeurs du métier. L’ancien article 1 (« Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primordial du journaliste ») est remplacé par : « Respecter les faits et le droit que le public (...) ».
Abandonner cette quête et cette exigence est une démission et un danger pour la démocratie. Dans ma conférence à la Rochelle intitulée « Se connaître soi-même comme base de l’éthique journalistique », je m’efforce de montrer en quoi.
Or, à mes yeux, la quête et le respect de la vérité sont un devoir essentiel du journaliste, même s’il est difficile de définir ce qu’est cette valeur suprême. Sans cette exigence, n’importe quel fait, même rigoureusement décrit, peut, s’il n’est pas placé dans une recherche plus haute de justesse et de pertinence, servir un intérêt masqué (économique ou idéologique), le mensonge, la confusion, l’à peu près ou l’erreur."