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L’exigence de vérité doit rester le 1er principe

Lors d’une conférence tenue à l’université de la Rochelle le 17 novembre 2022, à l’occasion du lancement du concours Promotion de l’éthique professionnelle par le Rotary, le journaliste Jean-Luc Martin-Lagardette explique pourquoi il est choqué par l’abandon du « respect de la vérité » comme premier principe du journalisme dans la nouvelle version de la Charte mondiale d’éthique des journalistes.

Un cylindre vert sur un damier à carreaux gris

Au pied du cylindre vert, les teintes des carreaux A et B paraissent opposées : gris foncé pour le carreau du haut ; gris clair pour celui en dessous.

Cette vision correspond celle du journaliste qui se contente de « respecter les faits ». Il voit, objectivement à ses yeux, un fort contraste entre les 2 carreaux.(et qui n'a plus à « respecter la vérité », comme le dit désormais la nouvelle Charte mondiale des journalistes) Et son article rendra compte de cet antagonisme, pour lui évident.

Si l’informateur ne se contente pas de « respecter les faits » qui se présentent à lui mais a l’idée d’approfondir les choses, il va, par exemple, projeter un tunnel entre A et B. Déjà, les deux carreaux lui semblent de couleurs plus proches l’une de l’autre.

le même cylindre vert sur le même damier avec un tunnel entre deux cases
Détail du tunnel entre les cases du damier

S’il poursuit sa recherche, il constate avec stupeur que les deux carreaux sont en fait exactement de la même intensité de teinte ! C’est seulement leur relation avec le contexte qui permet d’observer cette vérité. Ne s’étant pas contenté de « respecter les faits », conscient qu’il peut facilement être personnellement le jouet d’une illusion, il a poursuivi son « exigence de vérité ». Son article sera donc plus « vrai », plus juste, que celui de son confrère insuffisamment formé, naïf ou paresseux…

"Le journalisme, à l’échelle mondiale, guillotine la « vérité » ! Lors de son 30e congrès, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a adopté le 12 juin 2019 à Tunis une actualisation de la Charte mondiale d’éthique des journalistes.

Ce document vise à renforcer les normes déontologiques pour les journalistes dans le monde entier. Il contient des innovations et des clauses nouvelles susceptibles, en effet, d’adapter la profession aux nouveaux défis apparus dans le monde ces dernières années. J’en détaille les principales mesures dans un article paru le 19 juillet 2019.

Malheureusement, le nouveau code revient sur un des principes majeurs du métier. L’ancien article 1 (« Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primordial du journaliste ») est remplacé par  : « Respecter les faits et le droit que le public (...) ».

Jean-Luc-Conference- Rochelle
Jean-Luc Matin-Lagardette dans une conférence à la Rochelle

Abandonner cette quête et cette exigence est une démission et un danger pour la démocratie. Dans ma conférence à la Rochelle intitulée « Se connaître soi-même comme base de l’éthique journalistique », je m’efforce de montrer en quoi.

Or, à mes yeux, la quête et le respect de la vérité sont un devoir essentiel du journaliste, même s’il est difficile de définir ce qu’est cette valeur suprême. Sans cette exigence, n’importe quel fait, même rigoureusement décrit, peut, s’il n’est pas placé dans une recherche plus haute de justesse et de pertinence, servir un intérêt masqué (économique ou idéologique), le mensonge, la confusion, l’à peu près ou l’erreur."

Diversité Spirituelle : pour nous soutenir

Vous appréciez les vidéoconférences postées gratuitement sur notre chaîne YouTube de la Diversité Spirituelle (DS)  ? Vous pouvez alors faire un don à l’Association Grilles de Lecture (AGL) qui, en collaboration avec Débredinoire, organise ces rencontres.

conferance-bintu-mulongo

Visioconférence avec Bintu Mulongo

Bonne nouvelle : une fois inscrit par l’intermédiaire du lien figurant sur le communiqué annonçant chaque vidéoconférence d’un Acteur de la Diversité Spirituelle, vous pouvez désormais y participer gratuitement.

Il vous suffit de vous inscrire un peu à l’avance, grâce au lien indiqué dans l’article ou le communiqué d’annonce, pour recevoir ensuite un lien zoom.

Visioconférence Christian Roesch

Visioconférence avec Christian Roesch

Cela dit, vous pouvez aussi aider l’association AGL à organiser ces rencontres en faisant un don par le biais de HelloAsso :

  • Soit au moment de vous inscrire sur la billetterie et en rajoutant un montant libre,
  • Soit avec le lien donation ci-dessous.

Motivations

L’Association Grilles de Lecture (AGL), en collaboration avec le site Débredinoire, a choisi d’écouter des citoyens et citoyennes qui vivent une spiritualité en actes. Par le biais de vidéoconférences, elle donne un écho à la façon dont elles ressentent, expriment et concrétisent leur réalité intérieure.

Les Acteurs de la Diversité Spirituelle (DS) exposent les éléments marquants de leur foi ainsi que leurs motivations.

Les conférenciers interviennent toujours en leur nom personnel, qu’ils soient ou non, par ailleurs, membres d’une religion ou d’une minorité spirituelle ou philosophique.

Il s’agit, pour AGL, de promouvoir la Valeur spirituelle dans sa diversité, de rendre visible le lien d’Esprit qui unit tous les êtres, chacun développant son originalité en complémentarité avec celle des autres.

Les conférences sont enregistrées et font l’objet ensuite de montages visibles gratuitement sur la chaîne YouTube de la DS (les participants ne sont pas filmés).

L’équipe de la DS 

Guy Curcio, physicien, ingénieur, théosophe  :
« LHomme nest pas limité à son corps, ses pensées, ses émotions  ; il est pure Conscience… en chemin vers la Réintégration Divine ».
Daniel Jacquier, ingénieur informatique  :
« La liberté spirituelle pour soi passe par le respect de la religion de l’autre. »
Laurent Ladouce, consultant, directeur de culture-et-paix.org  :
« Vivre pour les autres. »

Jean-Luc Martin-Lagardette (président AGL), journaliste, essayiste, apprenti Humain  :
« La connaissance de soi et des autres favorise la perception de l’Esprit en tant que Réalité qui nous unit par delà et à travers les apparences. »
Michel Raoust Michel Raoust, chef d’entreprise, président d’association  :
« De formation scientifique poussée, je suis fasciné de constater à quel point Science et Spiritualité se rejoignent de plus en plus dans une explication rationnelle du monde. La découverte de démarches spirituelles différentes de la mienne me permet d’élargir mon horizon. Dans une culture où le matérialisme est martelé à chaque instant, c'est aussi un acte militant. »

Une voie originale : journaliste et internautes associés pour enquêter

Pendant trois mois, fin 2007, je m’étais engagé avec des internautes bénévoles dans une grande enquête sur un sujet sensible et épineux : la brusque aggravation, par décret gouvernemental, des sanctions contre les réfractaires vaccinaux. Dans un article paru dans la dernière livraison des Cahiers du Journalisme, je détaille et analyse cette démarche originale.

CDJ UneOn oublie trop souvent qu’une information publiée par un journaliste n’est pas le pur reflet d’un fait, la captation passive d’un événement. Une information journalistique est un « objet » fabriqué, créé, construit par un être humain d’après ses perceptions, ses croyances et ses intérêt. C’est dire combien toutes les étapes de fabrication de l’information peuvent être l’occasion d’erreurs, d’approximations, de fausses interprétations, etc.

Comment, dans ces conditions, se garantir de ne pas dériver, de ne pas déformer la « vérité », de générer des contresens ? Une ardente exigence déontologique et des processus d’enquête et de rédaction très rigoureux peuvent assurer un certain niveau de qualité. Malheureusement, comme j’ai pu le constater, rares, très rares sont les titres de presse qui assurent un degré élevé de qualité sur ce plan.

Cuisine interne

Fort de ce constat, je me suis dit qu’un bon moyen de garantir une grande transparence sur le processus de fabrication de l’information, ce serait de le mener en continu sous les yeux de citoyens intéressés à la démarche.

 J’ai donc décidé de construire une enquête en toute transparence, sous les yeux du public, pour qu’il puisse juger lui-même de la pertinence de toutes les étapes et de tous les choix effectués que j’effectuerais.

En adressant mes questions à tous (grand public ou spécialistes) et en sélectionnant mes voies d’exploration au su et au vu de tous, je voulais réduire à un minimum le risque de m’orienter à partir de mes propres préjugés.

De plus, projeter la lumière sur la « cuisine » interne, sur la façon dont sont recherchées, sélectionnées et façonnées les informations, ne pouvait qu’être utile à une bonne compréhension du fonctionnement de la presse. Un tel éclairage, devenu rare, manquait à l’éducation de l’esprit critique du citoyen.

« Révolutionner le journalisme »

CDJ Article JL ML

Pour lire l'article en entier, cliquer sur la Une ou ci-contre.

Pour toutes ces raisons, j’avais entrepris en 2007 une démarche originale qui fut considérée à l’époque comme « un nouveau concept [pouvant] révolutionner le journalisme. Le principe ? Allier la force de frappe de dizaines de milliers d’internautes au savoir-faire d’un journaliste. Pour faire quoi ? Une enquête sur un sujet d’utilité publique », Emmanuelle Anizon, « Internet mène l’enquête », Télérama, 26 septembre 2007.

Les modalités et les leçons de cette enquête participative hors norme sont présentées et analysées dans cet article paru dans Les Cahiers du Journalisme n° 6, 1er semestre 2021.

Malheureusement, à ma connaissance, cette démarche ne fut pas reproduite. Du moins pas avec les mêmes méthodologie, ampleur ni exigence.

Un article des « Cahiers du journalisme » propose une nouvelle définition de la profession

Le numéro des « Cahiers du journalisme » qui vient de paraître contient notamment mon article sur la question de savoir si le journaliste a le devoir ou non de « rechercher la vérité ».
L’occasion de proposer une nouvelle définition de la profession basée sur la pratique, l’épistémologie et la déontologie.

Tout le monde ayant aujourd’hui accès facile aux moyens d’expression de toute nature, chacun peut se croire journaliste. Et ce, d’autant plus facilement que les journalistes professionnels ne donnent pas toujours toutes les garanties souhaitées de rigueur, d’impartialité et de neutralité. Si bien qu’il devient difficile de déterminer ce qui distingue nettement l'information journalistique.

Et l’affaire s’aggrave quand on apprend que la Fédération internationale des journalistes (FIJ), vient d'acter (le 12 juin 2019) que "respecter la vérité" n'est plus le premier devoir du journaliste. Si le journaliste n’est plus attendu pour rechercher la vérité, de quel professionnel, ou de quel citoyen, cette exigence peut-elle alors être espérée  ?

Sur mon site et dans le dernier numéro des « Cahiers du journalisme » (été 2020), je m’élève contre cet abandon de la vérité comme horizon, abandon qui m’apparaît comme une démission de la part de la profession, au moins comme une facilité dommageable pour la citoyenneté.

Lire la suite sur le site des Cahiers.

J’y explique pourquoi, à mon sens, il faut garder cette exigence de vérité. Et comment on peut le faire. Ce qui me conduit à proposer au débat une définition épistémologiquement et déontologiquement construite.

Revue francophone de recherches et de débats

« Les Cahiers du journalisme », grande revue francophone de réflexion et de recherches sur le journalisme, « ont été conçus en 1995 à l’initiative de Patrick Pépin, alors directeur de l’École supérieure de journalisme de Lille, et du sociologue Pierre Bourdieu, qui en a signé le premier article. Dirigée par Bertrand Labasse, la nouvelle formule conjugue une partie « Débats », ouverte aux propositions des professionnels et des chercheurs sur le journalisme, et une partie « Recherches » qui accueille des travaux.

Publiée par les Presses de l’ESJ, désormais associées aux Presses de l’université d’Ottawa, les Cahiers rassemblent, en lien avec le Réseau Théophraste des centres francophones d’enseignement du journalisme, des équipes de l’École supérieure de journalisme de Lille, de l’Université d’Ottawa et l’Université Laval.

 

 

 

Face aux « fake news », savoir déceler chacun.e la vérité devient crucial

La confusion est telle, par la prolifération des sources d’information, qu’aucune d’entre elles ne peut être considérée comme entièrement fiable. D’où la nécessité, pour chacun.e de nous d’acquérir les techniques de base pour éliminer autant que faire se peut les risques d’erreur. Ce que propose la "démarche véritale".

Designer : Basile Morin.

Aujourd’hui, notamment face aux incohérences et contradictions révélées par la gestion de la pandémie en cours, la défiance est partout.

La population ne croit plus les instances officielles ni les médias classiques. Ces derniers, s’instituant « décodeurs » ou « débunkeurs » de l’information, prétendent trancher entre le "vrai ou le fake". Mais ils sont vus, souvent, comme des relais, voire des « complices », des pouvoirs politiques ou économiques.

Dans ce contexte, comment le citoyen peut-il s’y retrouver  ? Avide de savoir, il cherche et trouve alors sur Internet des personnalités combatives qui se disent lucides et non manipulées. Celles-ci diffusent articles et vidéos dévoilant des « faits cachés par les pouvoirs » et qui « prouvent » leurs mauvaises intentions à l’égard du « peuple ». Faut-il pour autant les croire entièrement  ?

Mon expérience de journaliste et de passionné d’épistémologie (l’étude des conditions qui président à l’élaboration d’un savoir fiable) me conduit à cette conclusion radicale  : ne vous fiez à personne, à aucun média ni à aucun pouvoir.

Apprenez à déceler par vous-même les critères d’une information crédible.

Mais également, ne vous défiez définitivement de personne, d’aucun média et d’aucun pouvoir. En effet, en chaque information, même manipulée, peut résider une part de vérité.

Et, en fin de compte, après ces efforts pour savoir ce qui est dit, apprenez à entendre et oser suivre votre for (guide) intérieur.

Pour vous aider, j’ai conçu la « démarche véritale », une méthode pour approcher au plus près de la vérité par le fait d’éliminer le plus possible les facteurs d’erreur. Car il est plus facile de prouver l’erreur que la vérité.

La démarche “véritale”, une méthode pour favoriser l’information responsable

 

Se former à l’esprit critique constructif

Le 1er mai 2020, j’ai tenu une vidéoconférence (voir le lien ci-dessous) devant une vingtaine de personnes, de tous âges et de différents milieux socioculturels, concernées par ces questions.


J’y ai partagé mon parcours personnel. Mon intérêt pour la déontologie et la recherche de la vérité (philosophique comme professionnelle) m’a conduit dès le début de ma carrière à m’intéresser à la qualité déontologique de l’information journalistique qui, malheureusement, est mal assurée dans notre pays.

J’explique mon combat pour la création d’un Conseil de presse (qui a vu le jour en décembre 2019 après des décennies de militance) et dont vous pouvez voir les différentes étapes dans cet article (Comment est né le tout nouveau Conseil de déontologie journalistique et de médiation).

Malheureusement, cette initiative arrive bien tardivement. Et je crains qu’elle n’ait qu’un assez faible impact sur le débat démocratique. Car, aujourd’hui, si la presse nationale et régionale conserve encore une légitimité, le doute qui s’est installé dans l’esprit des Français déplace les enjeux sur la question de la régulation (quasi inexistante) de l’information diffusée sur le Net (sites, blogs et réseaux sociaux).

C’est pourquoi j’invite chacune et chacun des mes compatriotes à se former à l’esprit critique constructif*, au doute et au débat méthodiques, ainsi qu’à la démarche véritale qui en contient l’essence.

* Par "esprit critique constructif", j’entends la capacité de recul et d’analyse par rapport aux données exprimées par autrui (personnes, médias, etc.), mais aussi – et d’abord – par rapport aux données (impressions, connaissances, croyances, certitudes, etc.) qui circulent dans mon propre cerveau.

Lettre ouverte à Dominique Pradalié, S. G. du Syndicat national des journalistes (SNJ), à propos de « la vérité »

Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes, s'étant offusquée de l'affirmation du président de la République regrettant que "la presse ne recherche plus la vérité", je lui fais part de la contradiction que je vois entre sa réaction et le fait que la profession elle-même, par le biais de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), vient d'acter que "respecter la vérité" n'est plus le premier devoir du journaliste.

« Chère Secrétaire générale, chère Dominique,

Tout d’abord, mes félicitations pour ta réponse, parue le 4 février 2020 sur le site d'Acrimed à propos de ses doutes concernant le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).

On ne peut effectivement laisser dire n’importe quoi par nos confrères sur ce sujet. Et, à elle seule, la somme des contrevérités qu’ils ont publiées pour tenter de discréditer le nouvel organisme plaiderait précisément en sa faveur.

Le deuxième point que je voulais aborder avec toi est la contradiction qui m’est apparue dans ton texte entre une affirmation du président de la République (« nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité »), que tu qualifies "d'attaque choquante", et la récente position adoptée le 12 juin 2019 à Tunis par la Fédération internationale des journalistes (FIJ).

En effet, la FIJ a modifié l’article 1er de la Charte mondiale d’éthique des journalistes (« Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primordial du journaliste ») pour le transformer en : « Respecter les faits et le droit que le public a de les connaître constitue le devoir primordial d’un.e journaliste ».

Mais qu'est-ce que respecter les faits sinon respecter la vérité des faits ?

J’ai bien compris les motifs de cette décision, mais je la conteste, comme tu pourras le lire dans mon article qui fait état de la discussion que j’ai eue avec M. Bellanger, secrétaire général de la FIJ.

La quête de la vérité, qu’elle soit sa recherche ou son respect, est à mes yeux un devoir essentiel du journaliste, même s’il est difficile de définir ce qu’est cette valeur suprême.

D'une certaine façon, l’affirmation de M. Macron déplorant que « la presse ne recherche plus la vérité » vient d’être officiellement validée par la première organisation mondiale représentant 600 000 journalistes dans 146 pays, qui revendique, déontologiquement, ne plus avoir comme premier devoir de « respecter la vérité ».

Tu comprends que tout cela n’est pas que nuances mais choix épistémologique majeur dont la profession devrait bien, à mon avis, en étudier bien-fondé, enjeux et répercussions, afin de prendre une position plus claire sur le sujet.

Jean-Luc Martin-Lagardette
Carte de presse 36 261. »

(En Une : Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay)

 

Les journalistes adoptent une nouvelle Charte mondiale d’éthique

Lors de son 30e congrès, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a adopté le 12 juin 2019 à Tunis la Charte mondiale d’éthique des journalistes. Ce document renforce les normes déontologiques pour les journalistes dans le monde entier.

 

A l’heure où fakenews et autres métastases de l’infox prolifèrent et polluent les rapports entre les hommes sur toute la Planète, 300 délégués issus de plus de 100 pays, réunis à Tunis le 12 juin 2019 pour le 30e Congrès de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), ont adopté une nouvelle version, renforcée, de leur bible professionnelle : la Charte mondiale d’éthique des journalistes.

Ce texte rappelle et renforce les normes définies par le précédent Code de principes de la FIJ sur la conduite des Journalistes, « le seul texte relatif à la déontologie journalistique internationalement reconnu à ce jour ».

C’est au congrès de Bordeaux, en France, en 1954, que ce Code avait été conçu. Après une mise à jour en 1986, le paysage médiatique ayant connu depuis de profonds bouleversements, le besoin d’un nouveau code adapté aux défis actuels s’était fait ressentir.

Les principales innovations sont introduites dans le nouveau préambule qui insiste sur deux aspects importants pour la profession :

- « La responsabilité du/de la journaliste vis-à-vis du public prime sur toute autre responsabilité (je souligne), notamment à l’égard de ses employeurs et des pouvoirs publics. »

- « Le journalisme est une profession, dont l’exercice demande du temps et des moyens et suppose une sécurité morale et matérielle (je souligne), indispensables à son indépendance. »

Plusieurs clauses nouvelles ont été inscrites au long de ses 16 articles (au lieu de 9 précédemment). Elles concernent :

- les nouvelles technologies : « [le journaliste] sera prudent dans l'utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux »

- les conditions d’exercice du métier : « La notion d’urgence ou d’immédiateté dans la diffusion de l'information ne prévaudra pas sur la vérification des faits, des sources et/ou l’offre de réplique aux personnes mises en cause » ; « Le/la journaliste gardera le secret professionnel concernant la source des informations obtenues confidentiellement »

- le respect de la vie privée, de la dignité des personnes et de l’interlocuteur interrogé (le « off » par exemple)

- la discrimination et l’incitation à la haine ou aux préjugés

- la corruption, le conflit d’intérêt, la propagande

- l’indépendance rédactionnelle et la conscience professionnelle, etc.

Le dernier article (art. 16) intéressera particulièrement les confrères français qui estimaient jusqu’à il y a peu qu’ils n’avaient de compte à rendre qu’à leurs pairs : « Reconnaissant le droit connu de chaque pays, le/la journaliste n’acceptera, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction d'instances d'autorégulation indépendantes, ouvertes au public (je souligne), à l’exclusion de toute intrusion gouvernementale ou autre ».

Selon Anthony Bellanger, secrétaire général de la FIJ, « ce nouveau document reprend les devoirs professionnels édictés en 1954, mais on y a également ajouté des droits, dans un monde où la profession est malmenée. Les journalistes du monde entier pourront désormais se reconnaître dans la Charte mondiale d'éthique de la FIJ et l’opposer à des employeurs peu scrupuleux. »

> Un vif regret personnel : la modification de l’article 1 (« Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primordial du journaliste ») en cette formulation : « Respecter les faits et le droit que le public a de les connaître constitue le devoir primordial d’un.e journaliste ». La quête de la vérité est à mes yeux un devoir essentiel du journaliste, même s’il est difficile de définir ce qu’est cette valeur suprême. Sans cette exigence que s’impose tout informateur honnête et sérieux, n’importe quel fait, même rigoureusement décrit, peut, s’il n’est pas placé dans une recherche plus haute de justesse et de pertinence, servir l’intérêt masqué (notamment idéologique), le mensonge, l’à peu près voire l’erreur.

- Sur le même sujet :

> Faut-il ou non conserver le mot « vérité » dans la charte internationale des journalistes ?

 

Comment détecter une fake news ?

Les critères élaborés par la déontologie de la profession journalistique permettent d’établir un faisceau d’indices facilitant la caractérisation de « fake news ».

Illustration Nick Youngson.

La liberté d’expression, vitale dans une saine démocratie, n’est acceptable qu’accompagnée du respect des règles déontologiques par ceux qui fabriquent les informations. Quand ces règles sont ignorées ou bafouées, toute la communauté en souffre.

Comme il n’existe en France aucune instance chargée de faire respecter les règles déontologiques de la profession, tout citoyen est invité à se montrer très vigilant sur la qualité des « informations » que les médias lui fournissent. Pour l’aider, voici une liste de critères qui lui permettront de se prémunir contre leurs manipulations – et pas seulement contre les fake news « complotistes »…

Omission d’avis contestataires et/ou de faits contradictoires

Omission de faits significatifs

Partialité (pour ou contre, juge et partie, deux poids-deux mesures)

Rabaissement systématique et/ou désignation d'un bouc émissaire

Malveillance, mensonge, calomnie

Viol de la présomption d’innocence

Emploi de techniques de manipulation (sophismes, pétition de principe, argument ad hominem, argument d'autorité, faux dilemme, etc.)

Exagération, absence de hiérarchisation

Non mention des sources

Reprise de faits ou d'idées sans vérification

Recours à des « experts » partiaux ou intéressés

Infantilisation du lecteur/auditeur

Appel à l'émotion (peur, espoir, etc.) plus qu'à la raison

Culpabilisation du lecteur

Excès d’insinuations et/ou de jugements moraux

Amalgames, généralisations abusives (les Noirs, les Juifs, les sectes, les jeunes, les fonctionnaires…)

Excès de coupures/encarts publicitaires

Absence de signature de l’auteur…

Un seul critère ne suffit pas pour établir l'existence d'une fake news et tous les critères n'ont pas la même valeur.

> Voir aussi  : Dérives journalistiques - Interview de Marcel Disko, président de la Miviludej. « Le décret annonçant la création de la Mission interministériel de vigilance et de lutte contre les dérives journalistiques (Miviludej) est paru au Journal officiel ce mercredi 27 avril 2016. Son président nous accorde sa première interview » (source : France Infaux/Débredinoire).

Face aux fake news et pour une information fiable : le label vérital

La lutte contre les fake news pourrait passer par l’engagement de tout informateur à respecter les règles déontologique et épistémiques de fabrication de l’information qui rendent celle-ci fiable et intégrant le plus grand degré de vérité possible : la démarche véritale.

Les fake news, notion qui englobe les fausses informations et les canulars, sont aujourd’hui à la une. Des initiatives ponctuelles, comme celles des Décodeurs de l’info, voient le jour pour tenter de les déjouer. Parfois utiles, elles ne vont guère plus loin, cependant, dans un grand nombre de cas, que le souci de re-coder autrement l’information.

Il y aurait bien un moyen simple, bien que demandant beaucoup de volonté pour être mis en place, d’apporter une certaine garantie de fiabilité de l’information : la démarche véritale.

L’originalité de cette démarche est qu’elle ne s’attache pas à décider si une information est vraie ou fausse, ce qui conduit à des débats et polémiques interminables, mais à savoir si l’informateur a procédé à toutes les étapes constitutives d’une information digne de ce nom. Autrement dit, ce n’est pas le produit lui-même qu’on examine pour savoir s’il est vrai ou faux, c’est la démarche de l’informateur, du fabricant de la nouvelle : satisfait-elle aux exigences présidant à la construction d’une information fiable ?

Un exemple simple : ferez-vous plus confiance à une ou à deux sources d’information sur un sujet donné ? Bien évidemment à deux. C’est ainsi que l’un des critères d’une information fiable est que cette information a été élaborée à partir de plusieurs sources, ou de plusieurs points de vue, notamment en cas de situation conflictuelle opposant nécessairement des protagonistes opposés.

Autre idée : ferez-vous plus confiance à une information émise par le témoin oculaire d’un événement ou par quelqu’un qui dit avoir entendu que, etc. ? Un autre critère sera donc de privilégier l’information de personnes qui sont allées « sur le terrain », qui ont assisté directement à l’événement dont il est question.

Troisième exemple : ferez-vous confiance à un informateur qui ignore les remarques ou revendications qu’on lui adresse, qui évite le débat sur son travail, qui ne corrige pas ses erreurs, etc. ? Un autre critère sera donc l’acceptation et même la mise en musique de la critique sociale sur le plan déontologique.

Et ainsi de suite.

La démarche véritale nomme les différentes étapes de la procédure que doit mettre en œuvre tout informateur sérieux et rigoureux, et qui espère conquérir la confiance de son public. Ces étapes – on le voit – ne concernent pas le FOND de l’article ( ou de l’émission), mais la façon dont cet article a été fabriqué. C’est pourquoi elle ne limite en rien la liberté d’expression. Et pourquoi elle peut être éventuellement vérifiée par des observateurs extérieurs. Ce qui permettrait de « labelliser » l’information ainsi élaborée.

En attendant, tout informateur sérieux pourrait s'engager à respecter l'essentiel de cette procédure, en tout cas dans son esprit.

On a compris en quoi cette démarche ne garantit pas la vérité de telle ou telle information. Seulement, elle certifie que l’informateur a honnêtement et sérieusement suivi toutes les étapes qui permettent de produire une information crédible. Et le degré de vérité de ce type d’information labellisée est assurément plus élevé que la plupart des autres informations qui ne donnent aucune assurance sur la qualité du processus de fabrication de l’information.

La démarche véritale réunit de façon exhaustive l’ensemble des éléments de cette procédure de qualité :

Plan factuel (descriptif, constat)

1 – Exactitude (vérité, conformité, justesse, cohérence, …)

2 – Précision (concision, rigueur, clarté, particularité, …)

3 – Complétude (logique, complexité, exhaustivité, circonstancié…)

4 – Vérification (sur le terrain, auprès des acteurs concernés,…)

5 – Recoupement (avec d’autres sources, auprès d’autres acteurs…)

6 – Distinction fait/opinion (dans la mesure du possible)

7 – Investigation (originalité, information recherchée ou rapportée, de première ou seconde main, etc.)

8 – Éléments fournis par le public (commentaires, rectifications,…)

Plan de la signification (interprétatif, jugement)

1 – Test du contradictoire (les thèses autres ou inverses ont été étudiées)

2 – Honnêteté intellectuelle (conscience, sincérité, bonne foi, hiérarchisation, absence de manipulation, etc.)

3 – Impartialité (neutralité, absence d’animosité, équité, objectivité…)

4 – Respect de la loi (en général + en particulier loi juillet 1881)

5 – Intégrité (ni pub ni autocensure, refus des cadeaux, du copinage masqué…)

6 – Indépendance rédactionnelle interne (pub, actionnaire) et externe (Etat, acteurs puissants,…)

7 – Relativisme (nuance, prudence, pas de jugement moral sur les personnes, se mettre à la place de l’autre, modestie,…)

8 – Tact, humanité (respect, sensibilité, ouverture d’esprit,…)

Toute information, même la plus descriptive et objective possible, comporte nécessairement une part de subjectivité : choix du sujet, de l’angle, du périmètre (lieu, temps, personnages, etc.), interprétation, etc. C’est pourquoi nous pouvons étudier toute information publiée sous ses deux aspects descriptif et interprétatif, factuel et significatif, du constat et du jugement.

>> Pour les articles d’opinion (éditorial, commentaire, critique, caricature, tribune libre, interviews, etc.), la tolérance envers l’aspect interprétatif est évidemment plus grande que dans le cas d’un article se voulant purement ou essentiellement informatif.

Pour en savoir plus :

- « L’information responsable, un défi démocratique » : Analyse et propositions pour une information fiable et responsable

- « Décryptez l’information ; pour ne plus vous laisser manipuler par les médias »

- « Le Guide de l’écriture journalistique » : Un classique référencé dans les écoles de journalisme

- « Ethique de l’information » Rubrique de réflexion et d’actualité sur Débredinoire + les fondamentaux

 

 

La méthode ‘Véritale’ pour décrypter l’information

RCF, la radio chrétienne francophone, a réalisé deux interviews de votre serviteur. L’une porte sur mon combat pour une meilleure prise en compte de la déontologie dans le journalisme. L’autre concerne mon parcours spirituel et mon action pour l’établissement d’une vraie fraternité.

rc-jl-mlLa radio RCF est un réseau qui compte désormais 63 radios locales et 250 fréquences en France et en Belgique.

L'antenne bourbonnaise qui a réalisé les émissions est audible sur 96.9 FM. Elle diffusera deux interviews de moi aux dates suivantes :

  • Mardi 18 octobre 2016 à 11 :30
  • Dimanche 23 à 17 :00
  • Mardi 25 à 11 :30
  • Dimanche 30 à 17 :00.

> Les émissions sont réécoutables en ligne sur le site de la radio.