Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes, s'étant offusquée de l'affirmation du président de la République regrettant que "la presse ne recherche plus la vérité", je lui fais part de la contradiction que je vois entre sa réaction et le fait que la profession elle-même, par le biais de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), vient d'acter que "respecter la vérité" n'est plus le premier devoir du journaliste.
« Chère Secrétaire générale, chère Dominique,
Tout d’abord, mes félicitations pour ta réponse, parue le 4 février 2020 sur le site d'Acrimed à propos de ses doutes concernant le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM).
On ne peut effectivement laisser dire n’importe quoi par nos confrères sur ce sujet. Et, à elle seule, la somme des contrevérités qu’ils ont publiées pour tenter de discréditer le nouvel organisme plaiderait précisément en sa faveur.
Le deuxième point que je voulais aborder avec toi est la contradiction qui m’est apparue dans ton texte entre une affirmation du président de la République (« nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité »), que tu qualifies "d'attaque choquante", et la récente position adoptée le 12 juin 2019 à Tunis par la Fédération internationale des journalistes (FIJ).
En effet, la FIJ a modifié l’article 1er de la Charte mondiale d’éthique des journalistes (« Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primordial du journaliste ») pour le transformer en : « Respecter les faits et le droit que le public a de les connaître constitue le devoir primordial d’un.e journaliste ».
Mais qu'est-ce que respecter les faits sinon respecter la vérité des faits ?
J’ai bien compris les motifs de cette décision, mais je la conteste, comme tu pourras le lire dans mon article qui fait état de la discussion que j’ai eue avec M. Bellanger, secrétaire général de la FIJ.
La quête de la vérité, qu’elle soit sa recherche ou son respect, est à mes yeux un devoir essentiel du journaliste, même s’il est difficile de définir ce qu’est cette valeur suprême.
D'une certaine façon, l’affirmation de M. Macron déplorant que « la presse ne recherche plus la vérité » vient d’être officiellement validée par la première organisation mondiale représentant 600 000 journalistes dans 146 pays, qui revendique, déontologiquement, ne plus avoir comme premier devoir de « respecter la vérité ».
Tu comprends que tout cela n’est pas que nuances mais choix épistémologique majeur dont la profession devrait bien, à mon avis, en étudier bien-fondé, enjeux et répercussions, afin de prendre une position plus claire sur le sujet.
Jean-Luc Martin-Lagardette
Carte de presse 36 261. »
(En Une :
… Vieux débat ! Dans l’Évangile de Jean (XVIII/37-38), à la question de Pilate : « C’est donc que tu es roi ? » – Jésus répond : « Je suis venu dans le monde pour ceci : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est du côté de la vérité écoute ma voix ». Et Pilate de rétorquer : » … Qu’est-ce que la vérité ? »
Une vraie réponse de romain ! Ce qui est frappant, c’est que plus de 2000 ans plus tard, on en soit encore à poser la question. La différence entre les deux termes, « fait » et « vérité », c’est que les faits peuvent s’interpréter – et notre époque ne s’en prive pas ! – alors que la vérité est une notion avec laquelle on ne transige pas ! Même si, comme l’affirme le proverbe : « Chacun voit midi à sa porte »…
T.O.
« On ne peut effectivement laisser dire n’importe quoi par nos confrères sur ce sujet. Et, à elle seule, la somme des contrevérités qu’ils ont publiées pour tenter de discréditer le nouvel organisme plaiderait précisément en sa faveur ».
Est-ce que c’est des manières que d’accuser Acrimed de publier des contre-vérités sans dire de quelles contre-vérités il serait question ? Qui êtes-vous pour vous faire l’arbitre des élégances et qualifier de « contre-vérités » (autrement dit de mensonges) de simples désaccords à propos de la façon d’appréhender un organisme nouvellement créé ? Pour un formateur en journalisme, votre façon de faire est plutôt légère.
Dans sa lettre à Acrimed, Dominique Pradalié élargit son propos et répond à des observations qui ne sont pas celles que fait Acrimed. Elle parle bien « des autres pourfendeurs du CDJM », qui disent que « que le CDJM va détruire la loi de 1881 ou que le SNJ était proche du Conseil de l’ordre de Vichy alors que tous les syndicats avaient été dissous… » J’ose espérer que vous ne faites pas la confusion que Dominique Pradalié ne fait pas.
Si vous faites allusion à autre chose, je vous saurais rien de préciser quelles sont les contre-vérités que nous aurions publiées.
Cher Monsieur Ducrot,
Dans votre commentaire, vous écrivez : « J’ose espérer que vous ne faites pas la confusion que Dominique Pradalié ne fait pas ».
Votre espoir ne sera pas déçu. En effet, ma phrase : « On ne peut effectivement laisser dire n’importe quoi par nos confrères sur ce sujet [création du CDJL] », ne visait aucunement, dans mon esprit, les propos d’Acrimed, mais bien plutôt les affirmations péremptoires et les fausses accusations portées par de nombreux confrères, « autres pourfendeurs du CDJM ».
Maintenant, si je me penche sur votre texte, je note votre scepticisme sur la nature du nouvel organisme, votre suspicion quant à sa réelle indépendance (« On peut croire aux coïncidences…) ainsi que votre vision des conditions qui auraient dû présider à sa naissance.
J’aurais bien des remarques à formuler sur tous ces points, remarques qui mériteraient plus que de simples commentaires égrenés en fin d’article sur mon modeste site.