Archives par étiquette : secte

J’aide une « blessée de l’info » à faire publier un droit de réponse dans un quotidien

Les personnes et les groupes discriminés (spiritualité, médecines douces…) sont pris fort au dépourvu quand ils se trouvent tout d'un coup victimes de maltraitance médiatique. Voici comment je mets mon expertise journalistique à leur service.

Dans un article paru le 5 avril 2018, le quotidien l’Aisne Nouvelle dénigre le Cercle des Amis de Bruno Gröning (CABG), le présentant comme « secte avançant masquée », selon le fantasme habituel. Cela, simplement parce que cette association annonçait une conférence sur la guérison spirituelle selon l’enseignement de ce guérisseur allemand du milieu du siècle dernier.

Bruno Gröning, guérisseur spirituel allemand, mort à Paris en 1959.

A cause du bruit formé autour de l’article, la conférence a carrément été annulée par la communauté d’agglomération, propriétaire du bâtiment où devait avoir lieu l’événement. Un pur acte de censure, selon moi, motivé par l’habituelle calomnie de la Miviludes qui considère, sans autre forme de procès de procès, que la « dérive sectaire est absolue » dans le cas de ce mouvement.

Personne ne va remettre en cause la parole d’un organisme interministériel, même si cette parole est totalement arbitraire, dénuée de définition juridique et controuvée !

La correspondante locale du mouvement m’a demandé si je pouvais l’aider. Voici le Droit de réponse que j’ai conçu pour elle, et qui est paru le jeudi 7 juin dans ce journal. Bien évidemment, le journal, légalement obligé de le publier puisqu’il respectait les critères, l’a présenté sous sa forme la plus épurée possible, sans même la référence au contenu de l’article déclencheur (je le retranscris pour en faciliter la lecture) :

« M. le Directeur de l’Aisne Nouvelle,

Dans un article publié dans votre édition du 5 avril 2018, sous le titre : « La conférence annulée cachait-elle une secte ? », votre journaliste M. de Saint-Riquier me cite nommément. Etant ainsi parfaitement identifiée, la loi m’octroie le droit à une réponse dans votre journal.

Je souhaite donner les précisions suivantes :

1.­– L’association le « Cercle des Amis de Bruno Gröning » (CABG), organisatrice de la conférence prévue le 16 mai 2018 à l’espace Créatis et annulée par la communauté d’agglomération, propriétaire de la salle, n’a nullement cherché, contrairement à ce qu’écrit votre journaliste, à « se cacher ». Tout a été fait au grand jour, comme le prouve amplement la photo d’annonce de la manifestation que vous publiez en illustration de votre article.

2.– L’association CABG est une association loi 1901 légalement inscrite au Journal Officiel. Jamais condamnée pour ses activités, elle n’a jamais été interdite ni dissoute et bénéficie dans leur plénitude des mêmes droits républicains que toute autre.

3.– Le discrédit jetée sur elle par votre article tient au fait d’être « épinglée » par la Miviludes, que votre journaliste cite, un organisme d’Etat qui se permet de mettre au pilori des mouvements qui « dérangent ». Si votre journaliste avait voulu renseigner loyalement vos lecteurs, il se serait renseigné sur le fonctionnement de ce ministère particulier. Il aurait appris qu’il jette des anathèmes sur des groupes sans que leur dossier n’ait été étudié à charge et à décharge, sans les écouter et en refusant d’apporter les rectifications nécessaires, sauf quand la Justice l’y contraint, comme deux décisions récentes l’ont montré (arrêt fasciathérapie du 07/12/17 et médecine anthroposophique du 28/04/18). De ce fait, les règles du débat démocratique sont faussées, car qui oserait croire qu’une instance d’Etat, qui plus est placée auprès du premier ministre, puisse se comporter de façon aussi partiale, arbitraire et discriminatoire ?

4.– Le CABG est un mouvement ouvert et généreux qui s’efforce de faire bénéficier les gens qui souffrent des pouvoirs de la prière. Rien de criminel ! Et cela d’autant moins que ses membres sont bénévoles, que la liberté de penser, d’aller et venir en son sein est totale et que l’argent n’a cours que pour régler les charges indispensables à toute activité sociale.

5.– Outre la stupeur et la douleur d’être ainsi mise au pilori, la parution de votre article a déjà eu des répercussions très dommageables sur mon environnement personnel. Sans doute même sont-elles irréparables. Au moins cette mise au point permettra à tout lecteur osant penser par lui-même de prendre de la distance avec ces accusations de « secte » apposées sur le CABG comme sur d’autres communautés, à l’instar de certaines étoiles de sinistre mémoire. »

> L’article d’origine.

> Le droit de réponse.

Des ONG lors d’une session hébergée par l’Onu : «La France doit cesser de financer la Fecris qui persécute les minorités religieuses»

« Vous pouvez discriminer et persécuter des minorités religieuses, car c’est ce que fait le « pays des droits de l’homme » » : tel est le message que la France envoie au reste du monde en finançant des groupes « antisectes » comme la Fecris. C’est ce qu’ont dénoncé ce lundi 15 janvier plusieurs ONG et une avocate en droit international, en marge de l’Examen périodique universel (Epu) de la France, dans le cadre d’une session hébergée par l’Onu à Genève.

Plusieurs ONG et Patricia Duval, une avocate en droit international, ont adressé, ce lundi 15 janvier 2018, un appel au président Emmanuel Macron et à son premier ministre à propos du financement de la Fecris (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) et de ses organisations membres. Sous les prédécesseurs de l’actuel président, ces entités ont en effet joui de « subventions abusives dont elles se sont servies pour promouvoir des discours de haine visant des groupes religieux minoritaires dans les pays de l’Union européenne et au-delà ».

Le représentant de l'ONG CAP LC (Coordination des associations et des individus pour la liberté de conscience), Thierry Valle, a mis en évidence la politique française de stigmatisation des minorités religieuses et ses conséquences humaines souvent dramatiques pour les membres de ces minorités. Il a indiqué que la France, en finançant la Fecris, permet la diffusion de ce modèle antireligieux en Europe.

« Capture d’âmes »

Pendant la session.

Patricia Duval, avocate en droit international des droits de l’homme, a mis en lumière les racines idéologiques de la Fecris. Cette association de droit français a été créée en 1994 par l’Unadfi. Son objectif : fédérer des associations « antisectes » à travers l’Europe et les représenter auprès des institutions européennes pour la défense des familles et des individus contre les “organisations sectaires nuisibles”. But a priori louable.

Patricia Duval.

Mais dans pratique, les associations antisectes membres de la Fecris en France qualifient de « sectaire » toute minorité religieuse ou mouvement spirituel dont les croyances sont jugées par la Fecris comme déviantes de ce qui « est habituellement considéré comme une religion ». Elles considèrent la conversion à ces croyances comme une sujétion psychologique et une « capture d’âmes », et une violation de la dignité humaine. Elles recueillent les témoignages de familles ou de parents d’adeptes qui sont en désaccord avec le choix de vie de leurs proches pour les accuser de briser les familles. Elles compilent des dossiers basés sur la rumeur, les préjugés et la suspicion qui sont utilisés ensuite pour stigmatiser les groupes concernés. Elles continuent à être financées par les pouvoirs publics français pour mener une croisade idéologique.

Pour l’avocate, « il est plus que temps pour la France d’arrêter de sponsoriser ce type d’activités ! »

« Liaisons dangereuses »

Déjà, la rapporteuse spéciale des Nations Unies pour la liberté de religion ou de conviction, Asma Jahangir, après sa visite en France du 18 au 29 septembre 2005, avait formulé des recommandations en ce sens.

De son côté, Willy Fautré, représentant de HRWF Human Rights Without Frontiers (Bruxelles), a dénoncé les liaisons dangereuses entre le vice-président (russe) de la Fecris, Alexander Dvorkin, et les milieux cléricaux les plus extrêmes de l’Eglise orthodoxe russe. Alors que la France, pays laïc, finance la Fecris, sa branche en Russie se livre à une persécution intense des religions non-orthodoxes et est engagée dans des activités missionnaires visant à ramener au bercail des orthodoxes convertis à d’autres religions. L’association membre de la Fecris en Russie s’inscrit par là même dans un courant politique russe ultranationaliste qui, sous couvert de « sécurité spirituelle », vise à éradiquer toute présence de religion d’origine étrangère des « terres orthodoxes russes ».

« Discours de haine »

L’interdiction des Témoins de Jéhovah et de mouvements musulmans pacifiques non engagés politiquement, ainsi que l’emprisonnement de plusieurs scientologues font partie de cette stratégie de purification religieuse. Alexander Dvorkin, en Russie, répand des « propos incendiaires et des discours haineux » sur les évangéliques, les pentecôtistes, les baptistes, les adventistes, l’Armée du Salut, les mormons, les membres de Falun Gong et même les hindous. Cette incitation à la haine a provoqué l’an dernier, dans la capitale indienne, une manifestation des Hindous devant l’ambassade de Russie où ils ont protesté contre la persécution de leur religion et brûlé son effigie.

Willy Fautré pose la question : « Comment la France, pays laïc, peut-il soutenir et financer presque entièrement la Fecris, une organisation dont le vice-président contribue depuis des années à répandre des discours de haine pour éliminer des minorités non-orthodoxes en Russie ? »

Enfin Eric Roux, représentant de Eifrf (European Interreligious Forum for Religious Freedom), a conclu avec ces mots : « Lorsqu’un pays comme la France fait quelque chose, certains pays dans le monde sont amenés à penser qu’ils peuvent suivre cet exemple et ainsi justifier des actions similaires. En finançant des groupes comme la FECRIS, la France envoie un message au reste du monde : « Vous pouvez discriminer et persécuter des minorités religieuses, car c’est ce que fait le « pays des Droits de l’Homme ».

 

1017-2017 : mille ans de « chasse aux sectes » en France !

Cette année, nous « célébrons » le millième anniversaire d’un sport bien français : la chasse aux sectes.

Les chanoines d’Orléans, premières victimes de l’intolérance d'Etat, brûlés pour hérésie. Dessin de Jean Luyken en 1685.

Tout a commencé avec la mort appliquée en 1017 (d’autres disent en 1022) par le roi de France, Robert-le-Pieux, à une douzaine de chanoines d’Orléans convaincus de « manichéisme cathare », considéré comme une dangereuse hérésie.

Le roi est pourtant l’ami personnel de plusieurs d’entre eux. Il ne se résout à les condamner au bûcher que parce qu’il « appréhende de leurs doctrines à la fois la ruine de la patrie et la mort des âmes », selon le chroniqueur Raoul Glaber.

Ce fut le coup d’envoi de toute une suite d’exécutions et de massacres.
Aujourd’hui, on tue toujours les « hérétiques », mais seulement (heureusement !) administrativement, socialement et médiatiquement…

Et le peuple, habilement manipulé par une propagande relayée avec zèle par les médias, applaudit !

Au cœur du problème, il y a l'intolérance de beaucoup de Français (dont l'Histoire a montré de bien nombreux et tristes exemples) envers les convictions ou les modes de pensée qui les dérangent. Une intolérance inscrite aujourd'hui encore dans le fonctionnement même de l’État.

Comme celui-ci ne peut interdire les minorités spirituelles et qu'en même temps il ne veut pas les laisser vivre normalement, ils a mis en place toute une imposante mécanique de répression frauduleuse (car contrevenant aux hauts plus hauts principes républicains*) pour les condamner socialement sans avoir à s'expliquer ou à rendre des comptes démocratiquement.

Il a créé notamment un ministère de la Vérité (la Miviludes) qui lance des fatwas, hors système judiciaire, auxquels tous les ignorants et les craintifs adhèrent. Même si cet organisme s'est bien gardé de s'élever contre les vrais groupes dangereux !

Incroyable dans un pays cultivé et "civilisé" comme le nôtre, mais vrai !

Nous sommes le 11 novembre 2017, près de cent ans après la fin de la Première Guerre mondiale, mille ans après le coup d'envoi de l'intolérance d’État : la guerre de l’État contre les minorités pacifiques qui dérangent continue...

> Un exemple récent .- Laval (Mayenne) : l’État censure le Cercle des Amis de Bruno Gröning lynché par la presse et sur Tweeter

* La Miviludes a été condamnée plusieurs pour diffamation et déni de justice. Elle a constitué – ce qui est illégal – une liste des "mouvements à risque" qui permet aux différents acteurs de la société de les discriminer ; elle refuse tout débat contradictoire avec des personnes qui pourraient contester ses avis ; elle dénie le droit de réponse à ces mouvements qu'elle dénigre dans ses publications et avis ; elle a érigé la violation de la présomption d'innocence en principe de gestion de ses dossiers ; etc.

 

 

« État de sujétion psychologique » : dialogue avec le président de la Fédération française de psychiatrie

Les décisions de justice doivent être prises sur des critères de droit, donc de rationalité. Or, l’« état de sujétion » d’une personne dont on abuse de la faiblesse, qui constitue la base de l’accusation de « secte », n’a pas été défini. Pas plus juridiquement que scientifiquement. J’ai posé la question au président de la Fédération française de psychiatrie.

Un article paru sur Ouvertures révèle les réponses de différents acteurs et institutions légitimes à s’exprimer sur la valeur de la notion d’« état de sujétion psychologique », incluse dans loi About-Picard de 2001, dite loi "antisecte". Le 7 septembre 2016, j'ai notamment interrogé Bernard Odier, le président de la Fédération française de psychiatrie.

Mme Picard, à l'origine de la loi qui porte son nom, actuellement présidente de l'Unadfi, et M. Fenech, ex-président de la Miviludes, en 2011, à l'occasion du 10e anniversaire du texte.

Je présente ce dialogue sous la forme d’une interview fictive mais tirée d’un échange réel par mails (septembre 2016).

J-L ML.- Pouvez-vous me dire s’il existe une base scientifique (médicale, psychiatrique, psychanalytique, psychologique, clinique, autre) au concept de "état de sujétion psychologique" (je ne parle pas de la suggestion).

Je n’arrive pas à trouver la moindre référence à ce sujet dans des travaux scientifiques, médicaux ou cliniques.

Je connais les explications de la Miviludes, l’organisme chargé de lutter contre les dérives sectaires. Mais celle-ci ne cite aucune base scientifique pour définir ce concept, hormis les affirmations de quelques psychiatres qui travaillent avec ou pour elle ou qui sont appelés à trancher sur ce point en tant qu’experts devant les juges. Par ailleurs, la Miviludes est un organisme administratif ; ses avis ne peuvent se substituer aux connaissances scientifiques.

Pouvez-vous m’indiquer s’il existe une définition précise de concept, ainsi que les références, études ou avis éventuels ​dont la profession de psychiatre disposerait sur l’état de l’art ?

Bernard Odier, président de la Fédération française de psychiatrie.- Vous posez une question dont les développements psychiatriques sont actuels et à venir. Le terme est administratif, juridique, avant d’être psychologique ce qu’il est aussi. Le terme sujétion décrit plutôt une relation qu’un état, tandis que la clinique psychiatrique est surtout individuelle. Cependant l’intérêt de la psychiatrie pour les aliénations conduit à ce que les psychiatres se penchent sur ces états de soumission, souvent de servitude volontaire.

JL ML.- Je partage le fond de vos remarques. Le problème est que, précisément dans le cas de la loi dont il est question, le terme de sujétion est pris non pas comme une relation mais comme un "état".

Je ne questionne pas sur le problème de "l’abus de faiblesse", qui existe depuis un certain temps dans notre arsenal juridique mais sur l'abus de faiblesse d'une personne en état de sujétion. C’est cette formulation qui me paraît problématique. D’autant plus qu’elle est validée par des psychiatres (les experts des tribunaux) qui vont jusqu’à cautionner l’idée de "captation du libre arbitre" d’une personne par une autre.

​Les problèmes de dépendance, soumission, etc., sont une chose ; autre chose est l’état psychologique d’une personne dont une autre personne aurait annihilé le libre arbitre pour se la soumettre, ce qui me paraît impossible à prouver comme à réaliser.

La loi crée un nouveau crime qui s'appuie sur un concept que les psychiatres et les psychologues sont chargés devant les tribunaux de déterminer, avec toutes les conséquences qu’un jugement peut entraîner sur la vie des personnes concernées.

"L’état de sujétion" d'une personne (ce qui est autre chose, pour la loi et pour les professionnels du psychisme convoqués, que l’état de dépendance) existe-t-il vraiment ? Est-il seulement possible ? Comment déterminer cliniquement cet état, comment le définir ?

Bernard Odier.- Sous réserve que vous ne fassiez pas une interprétation restrictive du terme "état de sujétion" (qui implique implicitement l’existence d'une relation aliénante), vous serez peut-être intéressé par le texte ci-joint [voir ci-dessous] d'une communication scientifique ».

> 2013 colloque de la Miviludes, psychiatre des hôpitaux, Centre psychiatrique du Bois de Bondy au colloque de la Miviludes du 23 novembre 2013.

JL ML.- D’accord avec les recommandations de l’auteur psychiatre quand il écrit : « Je me méfie beaucoup des concepts flous et de leur extensivité abusive. Je comprends donc la méfiance de nombreux juristes autour des notions d’emprise, de perversion narcissique, de manipulation mentale… Il faut à tout prix récuser la toute-puissance de l’expert auquel on confierait la tâche de qualifier à lui seul l’infraction. »

C’est précisément l’objet de [notre] démarche : mettre en question ces notions floues, comme celle d’ailleurs de « l’état de sujétion », et éviter, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans les tribunaux, de fonder la décision de justice sur l’avis de l’expert.

Ensuite, [nous contestions] que l’on puisse tenir ce genre de propos : « Il ne s’agit pas simplement de sujets sous emprise, sous influence, objets de manipulation mentale mais de victimes d’asservissement psychique, d’esclavage relationnel, d’emprise totalitaire, de déni d’autonomie, d’exploitation psychique de l’homme par l’homme. »

Et : « Chacun se trouve en position de régression infantile, de sujétion. Ainsi disparaissent la rationalité, la logique, l’intelligence, la capacité critique ou tout simplement l’autonomie de pensée. »

La rationalité, l’intelligence, l’autonomie de pensée ne disparaissent jamais, elles sont, au pire, trompées, orientées, abusées. Cette chosification possible de la conscience de l’homme par un autre que suppose cette notion d’état de sujétion est, [pour nous], une aberration très dangereuse individuellement et socialement parlant.

La conscience (le « je » d’une personne) n’est accessible qu’à cette seule personne (…). Le sujet n’est toujours que sujet [jamais objet], il ne peut jamais être perçu, touché et encore moins manipulé par quiconque.

Tout ce que peut faire une personne extérieure, c’est bien sûr l’influencer, l’effrayer, le contraindre physiquement, le tromper, abuser de lui, etc.

​Tout cela est possible, mais ​EN AUCUN CAS, ​cette personne ne peut lui ôter son autonomie, mettre son moi en esclavage, etc. Il y a toujours de la part du sujet victime une liberté qui adopte ou refuse la proposition extérieure, en fonction de ses critères, de ses connaissances, de ses croyances, de ses illusions, de ses attentes, etc. Car un sujet (une conscience) est une « monade » [au sens leibnizien du terme] maîtresse en sa demeure et intangible DE L’EXTERIEUR.

C’est ce contresens qui est fait par la plupart, y compris par les professionnels du psychisme, et qui est inscrit désormais dans la loi. [Nous pensons] que c’est une très grave et très dangereuse erreur. Et [nous nous étonnons] que la profession n’ait pas plus approfondi sa réflexion sur ce sujet capital. »

> Faute de réponse à ce dernier commentaire, notre dialogue s’est arrêté là.

L’« abus de faiblesse en état de sujétion psychologique » : une manipulation parlementaire ?

La formulation « abus de faiblesse en état de sujétion psychologique » est elle-même le fruit d’une manipulation. Elle a été inscrite dans la loi en lieu et place des termes « emprise » ou « manipulation mentale ». Ces termes-là, pressentis au départ par le législateur, ont été récusés car leur réalité était impossible à prouver et qu’ils pouvaient s’étendre à l’infini sur toute activité humaine.

Or, les parlementaires voulaient n’atteindre que les « sectes ». Mais, autre problème pour eux, le terme de « secte » n’a aucune existence juridique. Il est impossible de l’inscrire dans un texte de loi.

Comment faire pour quand même condamner des groupes de pensée alternative sans attenter à la liberté de penser ? Les antisectes ont trouvé une arme à double détente :

- Un : prétendre ne pas s’intéresser au contenu des enseignements diffusés par ces groupes mais ne réprimer que les actes contraires à la loi. D’où les fameux critères de la Miviludes. Le problème est que ces critères, généralistes, peuvent concerner toutes catégories de citoyens. Un délit spécifique restait nécessaire pour caractériser non plus une « secte » mais une « dérive sectaire » (qui n’a pas plus, soit dit en passant, de définition légale que la « secte »).

- Deux : concevoir un délit spécifique proche de l’idée que se fait l’opinion d’une « secte » : un groupe dont le véritable objectif est de gruger des personnes faibles pour les exploiter financièrement ou sexuellement. Le délit consisterait dans le fait de piloter la conscience d’autrui grâce à des méthodes frauduleuses, de capter son libre arbitre et de se le soumettre entièrement. Cela tombe bien, la loi condamne déjà l’abus de faiblesse. On va donc aggraver ce délit par le fait d’abuser de la faiblesse d’une personne « en état de sujétion psychologique », mais sans jamais définir ce qu’est cet « état » de sujétion.

Ce fut un coup habile, car, jointe à l’abus de faiblesse, cette formulation consacrait la croyance populaire en la maîtrise d’une conscience par une autre conscience. Personne n’a protesté jusqu’à aujourd’hui que cette maîtrise totale était impossible, puisque personne ne peut penser à la place d’un autre : personne ne peut dire je à la place d’un autre je !

On peut tromper la vigilance de quelqu’un (comme le fait le prestidigitateur), on peut profiter de son ignorance ou abuser de son amour du gain, comme dans les pyramides de Ponzi (affaire Madoff, par exemple), on peut l’escroquer en profitant de sa naïveté (personnes âgées…), etc. Tout ça, c’est de l’abus de faiblesse.

Mais affirmer qu’une personne ou une autre est en "état de sujétion psychologique" : impossible ! Et si certains psychiatres ont pu le faire lors de procès, c’est en outrepassant leur prérogative et en cautionnant une croyance qui n’a aucune base scientifique. Il suffit en effet au psychiatre de croire en la fable de la captation du libre arbitre pour orienter le dossier d’un prévenu vers une incrimination d’abus de faiblesse d’une personne en état de sujétion. Tandis qu’un autre, à mon avis, plus rigoureux, se dira incompétent et donc incapable de se prononcer sur ce point précis.

 

« Sectes » : comment la presse incite à la haine des spiritualités pacifiques

La Miviludes vient de publier son rapport 2016 dont la presse se fait écho. Alors que le mot « secte » n’a aucune définition juridique et n’est pas reconnu par le gouvernement, les médias (y compris l’AFP) continuent à l’employer, présentant même cet organisme officiel comme « Mission anti-sectes » et incitant ainsi le public à craindre et haïr les spiritualités minoritaires.

Les titres parus dans actu-orange, le Point, Notre Temps, reprennent les termes de la dépêche AFP.

> Pour une bonne compréhension de cet article, il faut s'en tenir aux aspects déontologique et sémantique de la question des "sectes" dans les médias. Ce n'est pas une charge contre la politique "antisecte" du gouvernement, même si je suis obligé de montrer en quoi cette politique est critiquable pour faire ressortir l'importance du rôle des professionnels de l’information. Et donc la nécessité de s’astreindre à un usage rigoureux des termes, sous peine de dérapages aux dégâts humains considérables, particulièrement sous la pression émotionnelle d’événements tragiques comme nous en vivons aujourd'hui.

> Employer le mot juste : un devoir déontologique ! D'après un texte du groupe de travail sur le vocabulaire de l'Observatoire de déontologie de l'information (ODI)

Présenter la Miviludes (Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) comme la « Mission anti-sectes » constitue de fait une discrimination inadmissible. Les autorités ne luttent pas « contre les sectes » ! Celles-ci, dans leur acception de « nouvelles spiritualités », ne sont pas interdites, comme le croient beaucoup de Français en conséquence d'une mauvaise propagande. Elles ont les mêmes droits d’existence et d’action que n’importe quelle autre association.

En outre, le mot « secte » n'a pas de définition juridique : il a été banni (en théorie du moins) des discours officiels.

En ayant malgré cela recours à ce terme pour désigner des mouvements spirituels controversés mais pacifiques, la presse alimente de fait une haine publique envers des groupes de citoyens décrétés suspects à priori. Comme elle l'a fait entre les deux Guerres envers les Juifs.

Arbitraire

En France, ces mouvements spirituels sont bafoués, mis au pilori, calomniés, même s’ils n’ont pas été condamnés en tant que groupes par les tribunaux. L’exemple vient du sommet de l’Etat puisque la justification excipée par les médias et les lobbies anti-nouvelles-spiritualités (dits « anti-sectes ») réside dans la politique menée par un service du premier ministre nommé Miviludes. Cette mission interministérielle décrète que tel ou groupe est « à risque » de façon totalement arbitraire, jetant ainsi sur lui opprobre et suspicion. Et elle bafoue ainsi un principe fondamental de notre droit : la présomption d’innocence.

Comme l'indique le dernier rapport de la mission interministérielle, les journalistes consultent beaucoup la Miviludes, qui est leur première source d'information sur le thème des "sectes" et des "dérives sectaires". Mais ils se gardent bien, la plupart du temps, de consulter directement les groupes "signalés", comme pourtant leur déontologie les enjoint de le faire...

En effet, ses avis se basent sur des « signalements » (la plupart du temps des questions de citoyens du type : « Tel groupe est-il une secte ou non ? »), des rumeurs ou des coupures de presse. Ils ne résultent ni d’enquêtes de terrain, ni d’une confrontation directe avec ces groupes, ni de décision de justice, ni d’information scientifique (sociologique). Et la Miviludes refuse catégoriquement tout point de vue et tout débat public contradictoires.

Il est dès lors incompréhensible (sauf à admettre qu’elle est partie prenante dans cette volonté de discréditer les spiritualités minoritaires) et inadmissible que la presse reprenne son contenu sans aucun recul.

Infaillibilité quasi-papale

En vingt ans de politique nationale anti-nouvelles-spiritualités, pas un seul article ou reportage, dans les médias ou la presse, pas une seule émission sur le fonctionnement ou les méthodes de la Miviludes, sur la réalité des suspicions/accusations, sur le financement des associations soi-disant de victimes (en fait animées par des anti-nouvelles-spiritualités et subventionnées par l’État), sur l’influence de ces entités sur la justice elle-même, sur les victimes de cette politique discriminatoire, sur les bienfaits revendiqués par les membres de ces mouvements, etc.

Pour mes confrères, la parole de la Miviludes ou de l’Unadfi (ou du CCMM) est forcément vérité absolue. S’interroger sur sa validité, évaluer son action, enquêter sur la réalité du terrain en écoutant tous les interlocuteurs serait pour eux un crime : on ne conteste pas, dans un pays démocratique, une institution comme la Miviludes ("Pensez ! Elle défend les victimes des sectes"), dont les ukases bénéficient d’une infaillibilité quasi-papale.

Que des médias ouvertement partisans utilisent volontairement le mot « secte », on peut sinon l’admettre, du moins le comprendre. Mais que ce soit l’AFP, l’agence censée être neutre qui alimente tous les médias en nouvelles, qui le mette ainsi en avant, c’est un scandale que la profession devrait dénoncer.

Surveiller les dérives de la liberté d’expression ?

Si cet article ne suffisait pas à faire comprendre à mes confrères le scandale que représente le mode d'action de la Miviludes et le fonctionnement actuels de la politique française (et donc de la nécessité de garder son esprit critique face à ses avis et rapports), voici cet extrait d’un commentaire de maître Eolas sur son blog :

« [Ce qui fait] scandale (…), c'est l'existence d'une autorité (donc d'une dépense publique) dont le rôle est de surveiller des organisations religieuses considérées comme a priori suspectes. Imaginez, puisque vous vous voulez faire une analogie, qu'il existe une mission interministérielle chargée de surveiller les dérives de la liberté d'expression, chargée :
- D’observer et d’analyser le phénomène des organes de presse et des sites publics sur internet dont les agissements sont attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l’ordre public ou sont contraires aux lois et règlements ;
- De favoriser, dans le respect des libertés publiques, la coordination de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre de ces agissements ;
- De développer l’échange des informations entre les services publics sur les pratiques administratives dans le domaine de la lutte contre les dérives de la liberté d'expression ;
- De contribuer à l’information et à la formation des agents publics dans ce domaine ;
- D’informer le public sur les risques, et le cas échéant les dangers, auxquels les dérives de la liberté d'expression l’exposent et de faciliter la mise en œuvre d’actions d’aide aux victimes de ces dérives ;
- De participer aux travaux relatifs aux questions relevant de sa compétence menés par le ministère des affaires étrangères dans le champ international.
Dans les deux cas, on touche à une liberté fondamentale : liberté d'expression, liberté de conscience. Et puisque dépense publique il y a, on peut aussi soulever qu'il existe un organe chargé de rechercher les dérives illégales et de lutter contre : le parquet, qui manque de sous pour ce faire, mais a déjà le personnel et les locaux. »

> J’ajoute deux choses :

- S’il faut effectivement surveiller les groupes à risque, pourquoi la Miviludes s’est-elle limitée toutes ces années (sauf depuis quelques mois) aux mouvements pacifiques en laissant un boulevard aux groupes dangereux, comme les salafistes, dont les dangers et l’infiltration sur le sol français étaient connus depuis longtemps (depuis le début des années 80 !) ?

- S’il faut effectivement offrir une aide aux victimes de manipulations préjudiciables, cela ne devrait pas se faire par des entités (Miviludes, Unadfi, etc.) qui, étant engagées contre les nouvelles spiritualités, sont à la fois juges et parties. Ce qui leur permet notamment d’influer sur le cours de la justice en présentant des dossiers déjà bouclés estampillés d’un sceau officiel. Au détriment des droits de la défense.

Les « sectes », si seulement nous les avions laissé tranquilles !

Ah ! Si seulement nous avions laissé tranquilles les « sectes », aujourd’hui notre vie serait plus colorée et bien plus drôle. Et les jeunes en quête d’idéal seraient certainement moins tentés par les massacreurs islamistes.

vinel - 2

Paul Vinel.

Par Paul Vinel

Aujourd’hui nous croiserions dans nos rues des dévots de Krishna en robe safran, une touffe de cheveux au milieu de leur crâne rasé, agitant une petite clochette et psalmodiant sans fin « Hare Krishna, Hare Krishna,… ». Pour nous déplacer, plus besoin de moyens polluants, juste monter sur notre tapis volant, installés dans la plénitude transcendantale, planant au-dessus des encombrements et des turbulences de la vie. Les adeptes des Elohim, vêtus des couleurs de l’arc en ciel, nous initieraient aux charmes de la méditation sensuelle et nous inviteraient à voyager dans les étoiles. Et bien d’autres…

Ah ! Si nous avions laissé tranquilles les sectes, aujourd’hui notre vie serait plus colorée et bien plus drôle. Surtout nous entendrions moins des « Allahou Akbar », et davantage des « Alléluia, Dieu tout puissant ». Parce qu’à la question inquiète des jeunes en recherche, « quel avenir pour nous, quel sens à notre vie ? », les amis de Jehova, Bible sacré à la main, auraient répondu, la main sur le cœur et avec la foi du charbonnier : « le Paradis sur Terre », et leur auraient enseigné la non-violence et l’amour du prochain.

Quelle tranquillité aujourd’hui cela serait ! Mais cela n’est pas.

Les adorateurs de la déesse Raison rejettent le sacré et le divin qu’ils ne comprennent pas, et les qualifient de balivernes et de superstitions. Ils se sont opposés avec force à toutes les sectes, petites ou grandes, bonnes ou moins bonnes. Et dans leur volonté de les éradiquer, ils ont leurré le peuple de France, ont mobilisé tous les média à leur service, les utilisant comme armes de manipulation massive, et ils ont fait voter des lois discriminatoires. Les sectes ont été privées de parole, discréditées, réduites à se taire.

Mais en même temps, à la question des jeunes en quête d’idéal, « quel avenir pour nous, quel sens à notre vie ? », les adeptes d’un islam violent et conquérant ont répondu : « l’Enfer sur la Terre et le Paradis d’Allah aux massacreurs ! » En l’absence de toute autre réponse, face au silence de nos responsables politiques, ces jeunes remplis d’énergie et avides d’action les ont crus et les ont suivis !

Aujourd’hui, notre société humaine est confrontée à des crises d’une extrême gravité. La plus grave sans conteste est la pollution généralisée qui met en danger la survie même de notre humanité. La seconde crise est l’augmentation constante du chômage. Certains pour la juguler proposent d’augmenter encore la consommation au risque d’aggraver davantage encore la pollution. Enfin la troisième crise concerne tous les conflits armés dans le monde, et plus récemment l’apparition et l’extension du terrorisme islamique. Désormais il n’existe plus d’endroit dans le monde où la paix et la tranquillité soient assurées.

Parce que toute occupée à améliorer le confort matériel des individus, notre société a largement négligé les aspects religieux et spirituels de l’existence. « Dieu est mort » entendions-nous. Et quand les terroristes islamistes ont crié « Allahou Akbar », gloire à Dieu, cela a été la sidération, un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Que des anges de la mort rendent gloire au Créateur de toute vie, et voilà toutes nos valeurs fondamentales sens dessus dessous. Les cycles de vie et de mort se suivent et s’enchainent, mais Dieu, lui, ne meurt jamais. Il est l’Eternel Présent. Nous avons voulu l’éliminer en interdisant sa présence dans les écoles, mais il s’est juste manifesté ailleurs avec encore plus de force. Et s’il faut regretter une seule chose, c’est justement cette absence de Dieu dans nos écoles : à cause d’elle nos écoliers sont des ignorants en religions, incapables de faire la différence entre une doctrine intolérante et haineuse, et une doctrine d’amour respectueuse des convictions des uns et des autres. Il est urgent que Dieu retrouve sa place dans toutes nos écoles. Il est urgent d’éduquer tous nos enfants au fait religieux et de former leur capacité de jugement afin de leur permettre des choix éclairés.

Le développement foudroyant du terrorisme islamique a démontré que des individus étaient capables de tout abandonner pour poursuivre un rêve, le paradis d’Allah, rêve utopique et criminel certes, mais rêve assez fort pour les mettre en action. Parce que la nature humaine ne se satisfait pas seulement du simple confort matériel, elle aspire aussi à une vision transcendante de son passage sur Terre, elle aspire à dépasser sa seule constitution matérielle, elle aspire à une vision supra-matérielle de soi-même. Le Général de Gaulle avait bien compris ce besoin inné de transcendance pour chacun. Ce pourquoi aux français, il parlait de « la grandeur de la France ». Depuis nous avons oublié. C’est la force des islamistes d’avoir pris conscience de ce besoin vital enfoui en chaque individu et d’avoir su l’utiliser dans leur funeste projet. La guerre qu’ils nous ont déclarée n’est pas seulement militaire, elle est également une guerre des idées, des croyances et des valeurs, une guerre religieuse et spirituelle en somme.

Mais qui a les capacités pour les affronter sur ce nouveau champ de bataille ?

Un contre-discours à la propagande islamiste est urgent à mettre en place. Les islamistes ont eu l’idée géniale d’appuyer leur discours sur « la volonté d’Allah », autorité suprême et difficile à contrecarrer. Nos dirigeants n’ont jamais été formés au langage religieux. Ils sont incapables d’élaborer une doctrine basée sur de tels concepts. De même les groupements athées ou laïques : la plupart d’entre eux ont les religions en horreur, le langage religieux les indispose. Les religions officielles ont elles des arguments à faire valoir : c’est leur rôle. Mais elles ont également des problèmes à résoudre : leur audience a largement diminué et leur message devient dès lors inaudible. Même les autorités musulmanes peinent à élaborer un contre-discours et à se faire entendre. Leurs divisions internes et les interprétations multiples du Coran en sont la cause.

Restent cependant les minorités de conviction : celles-là même que nous avons refusé d’entendre. Largement décriées et dénigrées ces dernières années, accusées d’être sectaires, elles se sont forgées une identité dans l’adversité. Prosélytes, le langage religieux et les controverses leur sont familiers. Elles comportent des individualités brillantes, sont très diverses et proposent des réponses concrètes à de nombreuses questions existentielles. Elles offrent des perspectives à tous ceux qui recherchent une transcendance, un sens à leur vie au-delà du simple confort matériel. Longtemps reléguées sur le banc de touche, leur motivation à convaincre est grande. En pays musulman, certaines ont amené des musulmans déçus à les rejoindre. En prison, l’initiation à la méditation a permis la diminution de la violence et des récidives. Les minorités de conviction peuvent apporter beaucoup à notre société dans sa lutte contre la violence et la haine. Il est plus que temps de comprendre qui elles sont vraiment, d’étudier leurs diverses propositions, de voir comment les intégrer dans une stratégie globale.

Le temps n’est plus de subir passivement la violence, il faut mettre un terme aux actions terroristes. La guerre qui nous est imposée est d’ordre religieux : vouloir nous imposer un islam rigoriste par tous les moyens imaginables. Les actions militaires et policières sont certes indispensables, mais elles ne peuvent éradiquer à elles seules l’idéologie totalitaire sous-jacente.

Seuls un discours religieux et des outils spirituels peuvent permettre ce résultat.

> A voir :

 

Aveuglée par son obsession antisectaire, la Miviludes a laissé libre champ au terrorisme islamiste

De 2002, date de sa création, à 2014, la Miviludes a ignoré les loups, issus de sectes ouvertement meurtrières, qui s’installent sur son territoire. Elle a préféré pourchasser les mouches pacifiques des minorités spirituelles et des alter-médecines. Résultat : un contresens mortifère et qui, malheureusement, perdure.

=> English version here

Durement touchée par les attentats depuis janvier 2015, la France est le pays européen qui déplore le plus de morts lors d’attaques terroristes depuis 2004. Et le nombre de ces attaques ne cesse d'augmenter : Charlie Hebdo, Hyper Cacher, Paris, Saint-Denis, Saint-Quentin-Falavier, Magnanville, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray et plusieurs tentatives heureusement déjouées ou avortées...

France attentatsÉtrangement, la France est en même temps le pays qui dit être le plus acharné contre les « dérives sectaires ». Elle se dit « en pointe » dans ce domaine, grâce à l’imposant arsenal législatif, judiciaire et policier qu’elle a mis en place ces dernières années : Miviludes (lutte contre les dérives sectaires) dont le salaire du président a été multiplié par deux, Caimades (police spécialisée antisecte), loi About-Picard (loi punissant les « dérives sectaires »), associations antisectes financées par l’Etat (Unadfi, CCMM, Gemppi, etc.), innombrables campagnes d’alerte, millions d’euros dépensés chaque année…

Le problème – et il est de taille – est qu’elle s’est toujours acharnée contre des individus et des mouvements pacifiques en ignorant en même temps totalement les membres de groupes dangereux revendiquant ouvertement leur volonté de tuer.

Cécité face aux vraies menaces

La question de la création d’outils de prévention et de lutte contre la radicalisation islamiste a été extrêmement tardive. Elle n’a commencé à être prise en compte par la Miviludes qu’en 2014, elle qui existe depuis 2002. Ce n’est que depuis cette année-là, soit plus de 30 ans après les premières alertes sur les dérives sectaires islamistes !, que la Miviludes « travaille » sur « la détection et la prévention des comportements radicaux » islamistes.

Il est vrai que cette instance interministérielle n’a pas été aidée par l'Etat qui, tous gouvernements confondus[1], a été tout aussi aveugle et de parti pris : « Depuis les années 80, déplore dans le Figaro en mai 2015 Jeannette Bougrab, universitaire française devenue maître des requêtes au Conseil d'État, la France sous-estime la montée et la radicalisation de l’islam. (...) Les élites ont préféré se couvrir les yeux plutôt que de prendre la mesure des conséquences désastreuses de l’abandon de notre modèle républicain. J’ai tenté d'alerter à travers des écrits et des conférences sur la gravité du phénomène de radicalisation de jeunes musulmans, pour certains récemment convertis. Mais on a parfois la terrible impression que les gens s’habituent aux violations des droits les plus fondamentaux. »

Cette cécité totale face aux vraies menaces a été en revanche doublée d’une psychose paranoïaque face aux mouvements spirituels minoritaires (autres qu’islamistes) et aux médecines douces, et d’un acharnement sans faille depuis vingt ans à leur égard.

Dès 2005, les RG alertent sur la menace islamiste

Exemple frappant, en février 2005, un article du Monde rapporte la teneur d’un rapport sur le mouvement salafiste en France qui a été remis au ministre de l'intérieur par la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) : « Le terreau est favorable, la plante grandit et ses racines ne sont pas compatibles avec celles de la République. (…) [Le texte] dresse une cartographie de ses zones d’influence actuelles. Il aborde également ses modes d’action dans les quartiers sensibles, où il compte la plupart de ses militants et sympathisants, soit plus de 5 000 personnes au total, dont environ 500 constituent le noyau dur.

» Selon les RG, les salafistes contrôlent actuellement [en 2005] une quarantaine de lieux de culte sur l’ensemble du territoire et mènent des tentatives de déstabilisation dans une quarantaine d’autres, afin d’y prendre le pouvoir.

Dans un article de La Croix du 19 mars 2017, Didier Leschi, ancien chef du bureau des cultes au ministère de l’intérieur évoque le moment d'anthologie où il a tenu tête, s'appuyant sur des "faits et non sur des rumeurs", à Georges Fenech, alors président de la Miviludes. Lors de cette audition, il avait ajouté, concernant l'islam en France : « Ces dérives liées à l’Islam, cette attention, nous voudrions la faire partager à la fois par la Miviludes et par les associations de défense des victimes, or force est de constater que ce segment des dérives sectaires suscite peu l’attention, manifestement, les familles de ces jeunes n’intéressent pas, pas plus que les victimes». 

» L'étude de la DCRG montre que le salafisme, mouvance éclatée en perpétuelle évolution, a étendu son influence ces dernières années sur la quasi-totalité du territoire. En 2000, cette conception radicale de l’islam rassemblait des adeptes dans six régions ; aujourd'hui quatre seulement sont épargnées (la Basse-Normandie, la Corse, le Limousin, Poitou-Charentes). Pour les policiers des RG, le salafisme est l’antichambre privilégiée des jeunes islamistes qui épousent ensuite l'action violente ».

Cette même année, à la suite des attentats de Londres, la France avait relevé le niveau d’alerte du plan Vigipirate. Les renseignements généraux surveillaient très attentivement une quinzaine de petits groupes de radicaux islamistes sur le territoire. Il s’agissait d’individus, près de 150 au total, ­ ayant un engagement religieux extrémiste et des « velléités d'action délictueuses », selon l’expression d’un responsable policier.

La Miviludes muette sur la menace djihadiste

Ces dérives sectaires-là, qui auraient dû théoriquement entrer en urgence en tête de ses préoccupations si l’on en croit les objectifs qui lui ont été assignés, la Miviludes les ignore, alors même que la dangerosité de ces personnes est avérée et que le caractère « sectaire » de la déviance est manifeste [2].

JO Miv

Dans le Journal Officiel du 29 novembre 2002.

Non, cette année-là, elle publie un rapport qui ne dit pas un mot sur les risques islamistes et se concentre sur un prétendu "fléau social" : « À l’écoute des victimes et de leurs familles, la Miviludes dresse aujourd’hui un constat inquiétant des dommages provoqués par l’emprise exercée par des personnes ou des organisations se conduisant en maîtres à penser. De telles dérives se produisent dans tous les secteurs de la vie sociale, soins et santé, formation continue et soutien scolaire, sports et activités culturelles, groupes ésotériques ou mystiques. Elle relève que de nouveaux organismes apparaissent presque chaque jour, sans qu’aucun point du territoire ne soit épargné, ces micro-structures étant souvent beaucoup plus difficiles à cerner que les grandes organisations bien connues ».

Le danger, dans ce domaine, n’est pas apparent, mais la Miviludes se dit experte pour démasquer les escrocs : « Dans le registre de la séduction, écrit-elle dans son rapport, certaines organisations sectaires prônent, par exemple, la lutte contre la toxicomanie, le refus de la violence ou la défense des droits de l’enfant. Avant d’exercer la moindre critique à l’encontre de la générosité ainsi affichée, l’État va devoir apporter la preuve que ce beau langage est un leurre et qu’il dissimule une volonté de prosélytisme et de mise en situation de dépendance ou d’emprise mentale ».

Pour la France, les « sectes » sont plus une menace que les islamistes

Fenech & Blisko

Georges Fenech (à g.) et Serge Blisko, l'ancien et le nouveau président de la Miviludes.

Éprouvant d'énormes difficultés à administrer cette preuve, la Miviludes va, quelques années plus tard, imaginer un autre moyen pour convaincre les Français que lutter contre les minorités spirituelles et les thérapies non conventionnelles (médecines douces), qualifiés de « dérives sectaires » pour la cause, est autrement plus important urgent que d’œuvrer à stopper le virus djihadiste.

Elle va commander elle-même à Ipsos un sondage qui va aboutir, en 2010, à des résultats qu’aucun journaliste, d'ailleurs, n’a eu l’idée d'approfondir : les sectes (il n’était pas question des sectes islamistes) constituent une menace « importante » pour la démocratie selon 66 % des Français. 42 % d'entre eux les perçoivent comme une « menace pour leur entourage familial et amical ».

Et, plus extravagant encore, 20 % des personnes interrogées connaissent dans leur entourage une ou plusieurs « victimes de dérives sectaires » : soit un Français sur cinq ! De quoi, si cela était vrai, déclencher une mobilisation nationale immédiate, ainsi qu'un plan massif de protection. Il n'en a rien été.

En fait, ce sondage, largement répercuté sans esprit critique par la presse, ne repose sur rien d’objectif ni de factuel : il peut être analysé, tout au plus, comme le fruit réussi de la propagande antisecte de l’État.

Les « gourous » ne posent pas de bombes

La liste des mouvements et personnes injustement discriminés par la Miviludes est trop longue pour être rapportée ici. Les personnes intéressées peuvent consulter ses rapports annuels et les documents thématiques qui fourmillent d’accusations sans preuve et de dénonciations calomnieuses.

Ou voir ici pour la seule question des médecines non conventionnelles.

Les groupes et les personnes visées, qualifiées d’escrocs ou de « gourous », par la Miviludes ont parfois tenté de se défendre devant la justice. Mais, attaqués également par les médias et jugés par des magistrats formés dans ce domaine par la Miviludes et des associations comme l’Unadfi, ils avaient peu de chances d’être entendus. Comme ils n’ont pas posé de bombe ni assassiné personne, la moderne inquisition d’État a pu continuer tranquillement à les ignorer avec le soutien exprès des grands médias et d'un grand public complètement manipulé.

Le pouvoir exécutif, engagé sur une mauvaise conception de la « dérive sectaire », est impuissant à comprendre, encore moins à résorber, la vraie menace des vrais adversaires de la République que sont les djihadistes, qui ne s’embarrassent pas des subtilités du « débat démocratique ».

Les « gourous », eux, ne posent pas de bombes. Mais c’est ceux-là que la Miviludes pourchasse effectivement.

> Bref, si je devais résumer mon sentiment, l'aveuglement de la Miviludes, sa polarisation sur des mouvements qui s’écartent de la doxa laïque et scientiste, l'ont empêchée de voir les vrais dangers.  Mais il y eut aussi la peur de s'attaquer au dossier chaud, politiquement parlant, des différentes mouvances musulmanes en France. Il y a peu de risque à taper sur des personnes ou des groupes pacifiques et qui ne peuvent guère se défendre. En ce cas, la République est "en pointe". Quand il s'agit de s'attaquer aux groupes et aux discours de haine qui appellent à la destruction du pays, on est moins vaillant... Combien de morts et de blessés faudra-t-il encore pour que la France se réveille et modifie enfin son attitude ?

[1] Il y eut bien quelques exceptions, mais, comme souvent, elles n’ont pas été entendues. Ainsi, le député Benoît Hamon avait trouvé dommage que sur un sujet aussi sérieux que la burqa dans la République, on ne parle pas des mouvements qui inspirent ce type de militantisme radical religieux « notamment les mouvements salafistes » (le Figaro du 24 janvier 2010). Il avait ajouté que « si le gouvernement veut aller au bout, qu’il inscrive les salafistes au registre des sectes et des mouvements sectaires ». Mais on aurait alors risqué de mécontenter les « bons » musulmans et de dépasser les limites de l’État de droit. Pourtant, en 1995, les députés n’avaient pas hésité à sortir de l’État de droit en publiant, sans enquête ni débat, une liste de 175 mouvements supposés sectaires. Et il n'y avait dans cette liste ni l'Ordre du temple solaire, ni les groupes islamistes. De même, la Miviludes ne s'est jamais gênée pour établir – sans procédure scientifique ni contradictoire, bafouant sans crainte d'être réprimandée la présomption d'innocence envers les praticiens concernés – des listes des médecines douces présentées comme "à risque sectaire" (voir plus loin).

[2] Il faudrait réserver le mot « sectaire » aux mouvements qui, comme Daech ou Boko Haram, revendiquent ouvertement leurs crimes (viols, assassinats, attentats, etc.) au nom d’une idéologie à consonance religieuse ou politique.

> Voir aussi :

- Attentats, Nouvel Age.- Lutte contre toutes les « sectes » : les raisons d’un fiasco par Débredinoire.

- Analyse : Djihadisme et "dérives sectaires", par Jean-François Mayer, historien, fondateur de Religioscope.


Lutte contre toutes les « sectes » : les raisons d’un fiasco

L’approche paternaliste et arrogante menée par la France est dangereuse et stérile. Elle entretient la naïveté et la vulnérabilité des citoyens face aux différentes formes d’influence au lieu de les aider à développer leur esprit critique et leur autonomie intellectuelle.

Résumé de l'article
- La politique "antisecte" de la France est un fiasco car les mouvements qu'elle prétend combattre prolifèrent
- Elle amalgame mouvements meurtriers et pacifiques sous le même vocable en s'acharnant sur les pacifiques (Nouvel Age, développement personnel...), laissant les autres prospérer
- Elle repose sur un concept, le lavage du cerveau ("l'abus de personne en état de sujétion psychologique"), qui n'est pas démontré scientifiquement
-  Réduites à l'état de "victimes", les personnes "sorties de sectes" n'ont pas la possibilité d'une reconstruction fondée sur la vérité psychologique et relationnelle

- En prétendant dire qui est "secte" et pas "secte", cette politique entretient la passivité et la naïveté du public
- Elle délaisse complètement la prévention qui permettrait de développer l'esprit critique et d'accompagner les personnes à risque ou fragiles
- Dans le cas des groupes pacifiques, elle a toujours préféré la répression arbitraire à la recherche de médiation.

Contreproductive et dangereuse, la politique du gouvernement français est un échec, de l’aveu même de l’ancien président de la Miviludes, l’instance interministérielle chargée de la lutte contre les « sectes » et les dérives « sectaires » : Georges Fenech confessait lui-même être dépassé.

Coup de blues pour Georges Fenech : malgré tout l’arsenal mis en place contre les « sectes », le « phénomène » ne cesse de croître… Concept : JL ML.

Coup de blues pour Georges Fenech, qui voit des "sectes" partout : malgré tout l’arsenal mis en place, le «phénomène» ne cesse de croître… Concept : JL ML.

Les « sectes » en effet se multiplient. Le mot englobe des formes extrêmement variées, toutes mises dans le même sac. Elles peuvent être ouvertement criminelles (Daech, Boko Haram…) ou supposées être des arnaques (scientologie, médecines douces…). Quoiqu'il en soit, meurtriers ou pacifiques, les « mouvements à caractère sectaire », selon la terminologie consacrée, prolifèrent et prospèrent.

La lutte « antisecte » est pourtant dotée d’un arsenal considérable, l’un des plus complets au monde et il se renforce sans cesse. Les associations « antisecte » pullulent de la même façon, en appui de cette politique.

Malgré cela, cette politique est un fiasco. D'abord, elle est dramatiquement démunie face à la fascination terroriste. Le député Georges Fenech, qui a présidé la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015, a dénoncé les failles du système de renseignement français. Il aurait tout aussi bien pu critiquer sa propre politique de lutte contre les « sectes » de 2008 à 2012, au cours de laquelle, en tant que président de la Miviludes, tout accaparé qu’il était à combattre la scientologie et quelques autres groupes spirituels, il n’a su ni voir ni empêcher la montée des « dérives sectaires » meurtrières…

De plus, cette politique se révèle tout aussi impuissante à enrayer un phénomène (le développement personnel Nouvel Age, assimilé à de la « dérive sectaire » par les autorités) qui s’infiltre partout dans la société.

Pas dans le bon sens

Pourquoi ce fiasco retentissant ? Parce que, depuis trente ans que cette politique a été lancée, non seulement elle s'est montrée partiale, s’acharnant sur les groupes non violents en ignorant la montée des terroristes, mais surtout elle n’appréhende pas la question dans le bon sens, celui de la réalité psychique de l’homme.

Le moyen le plus sûr d’échouer à résoudre un problème est de prendre des clichés, ou ses propres interprétations et croyances, pour la réalité. C’est ce qui se passe avec la question des « sectes » qui fonctionne plus sur le mode de l’irrationnel que sur la réalité de l’homme.

Le bon sens, ce serait d’abord de partir d’une vérité incontournable : quelle que soit la pression, physique ou psychologique, exercée sur une personne, nul ne peut penser à sa place à l’intérieur de cette personne.

Il peut certes l’influencer, la manipuler, la séduire, l’envoûter, la contraindre à agir, la droguer, etc. Il peut l’obliger physiquement à se comporter à l’inverse de son désir et même la réduire en esclavage.

Toujours, dans n’importe quel cas de figure, cette personne conservera en elle le choix entre ses pensées, le choix de ses pensées.

En prison, sous la torture même, cette alternative demeure. Dans L’Archipel du goulag, le dissident Soljenitsyne décrit l’émotion que lui procure la découverte de cette liberté insoupçonnée face à l’oppression qu’il subit : « Désormais, plus de doute, plus de fièvre, plus de remords – la pure lumière de la joie ! C’est cela qu’il fallait ! Et votre perception du monde devient si lumineuse que la béatitude vous inonde, encore que tout reste à faire ».

« Si puissantes que soient les forces qui torturent l’être humain, l’homme a la faculté de savoir qu’il est torturé et d’influencer ainsi de quelque façon, ses rapports avec son destin. Ce grain de pouvoir - permettant de prendre position, de décider d'une question aussi insignifiante soit-elle - ne se perd jamais », in Rollo May, Carl Rogers, Gordon Allport, Herman Feifel, Abraham Maslow, Psychologie existentielle, EPI, 1986.

De cette vérité découle les autres : il est impossible, contrairement à ce qu’affirment les militants antisectes pour justifier leur combat, de « capter la pensée » de quelqu’un, d’« annihiler son libre arbitre », d’avoir sur lui une « emprise totale » au point de pouvoir à sa place diriger sa pensée de l’intérieur.

Seul en son for intérieur

En conséquence, il est impossible d’ôter à l’homme sa spécificité et sa dignité d’être autonome et responsable, spécificité et dignité qui résident dans le fait qu’il est seul, en son for intérieur, à choisir ses pensées (même s’il peut être influencé).

Le concept de « lavage de cerveau » est un cliché largement répandu et qui demeure malgré sa non-validation scientifique.

Le cliché du lavage de cerveau

Des chercheurs américains avaient publié en 1961 le contenu de leurs travaux sur les prisonniers revenus de Chine ou de Corée et ayant subi un « lavage de cerveau ». Conclusion : l’efficacité de ces méthodes est quasi-nulle. Seule une infime minorité de prisonniers ayant subi un tel traitement a décidé de vivre en Chine et aucun de ceux qui sont revenus aux États-Unis ne s’est rallié au communisme.

Parallèlement, la CIA a engagé des recherches, de 1953 à la fin des années 1960, dans le but de mettre au point une technique de lavage de cerveau, par conditionnement, hypnose et usage de drogue. Ces expériences n’aboutirent pas. Selon Edward Hunter, cité par les auteurs, on peut « décolorer » un cerveau en le « lavant » – réduisant le sujet à un état d’hébétude – mais il est impossible de le « recolorer » en créant une nouvelle personnalité avec des idées opposées aux idées précédentes.

En 1986, l’American Psychological Association juge un rapport d’un comité d’enquête sur le lavage de cerveau comme non scientifique et l’American Sociological Association considère comme non prouvée l’application aux sectes de la théorie de la persuasion coercitive. En Italie, l’article 603 du code pénal, qui depuis 1889 punit le « délit de suggestion » (plagio), est déclaré illégitime par la Cour constitutionnelle en 1981. Les tribunaux américains ont estimé irrecevables les arguments faisant référence au « lavage de cerveau ».

- Source : Dick Anthony, Massimo Introvigne, Le lavage de cerveau : mythe ou réalité ? Paris, L’Harmattan, 2006.

Cela dit, s’il paraît impossible de reconditionner un cerveau pour qu’il suive la volonté d’un autre, ou de piloter ce cerveau de l’extérieur, l’objectif des antisectes de lutter contre l’exploitation des personnes est légitime. Mais la méthode qu’ils emploient, découlant de leur idée de lavage de cerveau (ou de « l’état de sujétion », le terme choisi par le législateur pour inscrire l’idée dans la loi), est erronée. Elle est donc forcément stérile et source d’autres souffrances et de nouvelles injustices.

Car c’est toujours un « je » humain unique – qui n’est pas une entité mais un acte (l’acte de diriger la conscience sur quelque chose) – qui accueille, adopte (ou non) telle proposition, telle affirmation, telle perspective de vie.

Oui, le « moi » (personnalité + caractère) peut être manipulé, trompé, etc. mais c’est toujours lui, en fin de compte qui décide de ce qu’il fait des pensées que son « je » lui présente. Pensées qu’il est seul à connaître et sur lesquelles il est seul à pouvoir jouer. Sa conscience peut d’ailleurs, à l’occasion, lui rappeler les éventuelles trahisons à ses propres valeurs de base, lui permettant un temps de se reprendre s’il va vraiment à leur encontre.

Quasi criminel de parler ainsi

L’erreur radicale et fondatrice de la lutte antisecte est d’ignorer, d’occulter cette vérité. Pour elle, une secte ou un gourou semble pouvoir « laver » le cerveau et – telle la petite douve du foie qui manipule la fourmi pour qu’elle se fasse manger par le mouton, son objectif principal –, le diriger de l’intérieur. Ce qui est une absurdité étant donné qu’aucun « je » ne peut entrer dans le « je » d’un autre.

C’est pourtant là la seule explication qui est donnée de comportements présentés comme extravagants, inconcevables (des jeunes « très bien » qui partent en Syrie par exemple).

C’est commode pour définir une cause, pour désigner un agent extérieur du mal. Mais c’est quasi criminel de parler ainsi car, en s’empêchant de comprendre en vérité les situations, on laisse le mal prospérer. Et même, on l’encourage.

D’ailleurs, l’action antisecte, si elle aboutit parfois à faire cesser des situations complexes et douloureuses (ce qui est une bonne chose), détruit trop souvent l’exercice, et même casse la vie, de gens honnêtes et bienfaisants, condamnés sous le syndrome du chien que l’on accuse de la rage pour le noyer[1].

Les victimes démunies

Parallèlement, cette politique laisse les « victimes » des « sectes » démunies face à une reconstruction extrêmement problématique car élaborée sur des bases fausses : non, l’errance que celles-ci ont connues dans leur relation de soumission n’est pas le fait seulement des soumettants ! Pour vraiment guérir, il leur est capital de chercher aussi à comprendre pourquoi elles ont adhéré : quelle crédulité, quelles croyances erronées, quelles peurs et quels espoirs, quelles idées toutes faites elles avaient préalablement entretenues, etc.

Exactement la même naïveté est à l’œuvre dans la croyance aux promesses d’un politicien ou d’un religieux habile et dans celle d’un groupe de fanatiques comme Daech. Seuls les contextes et les enjeux sont différents.

Ces personnes peuvent s’apercevoir alors qu’elles avaient sans doute laissé en friche leur vie intérieure, ou qu’elles s’étaient laissé porter au gré des multiples influences sans prendre conscience de celles-ci : publicité, religion, famille, idéologie, intérêt masqués, etc.

Pourquoi a-t-on besoin, à un moment ou à un autre de son existence, d’une aide, d’un guide ou d’un groupe de conviction ? Quand on veut guérir de souffrances ou d’un vide intérieurs très profonds, l’offre institutionnelle, officielle, est souvent démunie, au moins insuffisante. C’est le cas souvent, par exemple, pour les jeunes mal assimilés rendus fous de haine par l’hypocrisie des sociétés développées économiquement.

Comme, en outre, notre société ne favorise pas la recherche d’une vie épanouie sur le plan spirituel, comme les dogmes classiques ne tiennent plus leur ancienne position, l’aspiration à une vie plus haute, plus pleine de sens, ne trouve souvent pas de débouché sur le « marché » traditionnel.

Inculture et passivité

Ainsi, une inculture, une fragilité ou une passivité intérieure, peuvent expliquer à elles seules qu’une influence suggestive, par une personne charismatique ou un groupe à forte conviction, puissent entraîner ces personnes, en recherche de solutions autres que celles du « système », dans des voies qui ne sont pas forcément les meilleures pour elles.
Mais c’est une erreur dangereuse et attentatoire aux libertés les plus précieuses que de diaboliser par principe ces « gourous » ou ces groupes (hors les groupes ouvertement criminels) qui peuvent parfaitement convenir à d’autres personnes en recherche. On voit vers quoi, sevrées, se tournent aujourd’hui certaines de ces sensibilités perdues !

La meilleure solution est d’enrichir la culture et éveiller l’esprit critique.

Mais cet esprit critique doit tout autant s’exercer envers le fonctionnement des services de l’Etat ! On ne peut pas non plus avoir une confiance aveugle envers lui car il est constitué d’hommes faillibles qui peuvent à tout moment servir d’autres intérêts que l’intérêt général, y compris en matière de santé (voir scandale du Médiator et tant d’autres), même lorsqu’ils ne suivent que leurs convictions : ce n’est nullement une garantie de hauteur de vue.

Enfin, il faut mettre le paquet sur la prévention : favoriser la culture du débat et la confrontation avec la différence et ne jamais laisser les déshérités économiques et culturels sans accompagnement.

Bébé politique

Faire aveuglément confiance au Pouvoir pour savoir si un groupe est spirituel ou pas (cf. la liste des "sectes" de l'Assemblée nationale), bienfaisant ou non, lui qui a certains intérêts dans ce domaine (protéger l’industrie pharmaceutique, par exemple) et défend certains dogmes, ne serait-ce qu’à travers ses élus (sénateur Alain Milon : « Il n’y a qu’une médecine »), c’est démissionner de sa propre responsabilité, c’est rester un bébé politique qui a besoin de Papalétat pour penser à sa place. L’Etat n’a pas vocation, normalement, à statuer sur ces sujets.

Certes, tout le monde n’est pas armé de la même façon pour déceler d’éventuelles tromperies. C’est pourquoi la vigilance du Pouvoir demeure nécessaire. Mais cette veille ne doit pas se confondre avec une certification de la validité de la pensée et des choix de vie et de santé comme c’est le cas actuellement.

La réponse française à la question des « minorités non orthodoxes » et des médecines douces est, à la différence de ce qui se passe dans d’autres pays démocratiques, essentiellement d’ordre paternaliste et répressif.

En cas de conflit dans un cadre de minorité spirituelle, il serait plus sain, tellement plus humain, plus juste et plus efficace d’organiser des lieux et structures de conciliation et de médiation, et de n’aborder le plan pénal qu’en deuxième intention, si la médiation échoue.

Voilà, en République, l’accompagnement que la Patrie doit à ses enfants.

[1] Que ce soit à la Libération ou sous le maccarthysme, par exemple, c’est une réalité historiquement constatée que toutes les situations de combat contre des catégories ont servi à des vengeances ou des crapuleries personnelles.

 

 

Quinze ans de loi About-Picard : coup de projecteur sur la « manipulation mentale »

Pour « fêter » les 15 ans de la loi sur les « mouvements sectaires » (loi About-Picard), nous avons voulu apporter un éclairage original sur son concept central, l’emprise mentale, nommée juridiquement « abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique ou physique ».

Colloc_AN

Au 10e anniversaire de la loi. De gauche à droite : Philippe Vuilque (Groupe d´études sur les sectes/Assemblée nationale), Catherine Picard (présidente Unadfi et co-auteure de la loi anti-sectes de 2001), Geogres Fenech (président Miviludes), Alain Gest (député, rapporteur de la commission d'enquête 1995) et André Fédéric (député fédéral belge, intiateur d´une loi contre les sectes inspirée de la loi française). Photo : Ouvertures.

En fait, « l’état de sujétion psychologique » n’existe pas. Cette formulation a été employée pour éviter les termes de « manipulation mentale ». C’est un crime inventé de toutes pièces par le législateur français le 12 juin 2001 pour pouvoir agir contre ce qu’il appelait alors les « sectes » ou les « mouvements sectaires » sans que ceux-ci aient rien judiciairement à se reprocher.

Ce crime n’a absolument aucun fondement scientifique et constitue une escroquerie sur le plan philosophique. C’est ce que nous allons développer dans cet article.

Cet énorme scandale judiciaire et humain, la société l’a pourtant facilement accepté et en nourrit même constamment le fantasme.

Énorme duperie

danger sectes

Produit iconographique typique du fantasme "antisecte" français qui recouvre la plupart du temps une peur ou une haine de la spiritualité.

Les médias sont au troisième rang des instigateurs de cette énorme duperie derrière le gouvernement (parlementaires, Miviludes, ministères) et les innombrables lobbies de l’intolérance spirituelle et thérapeutique : Unadfi, CCMM, Gemppi, Sentinelle, Vigisectes, Prévensecte, PsyVig, Conseils de l’ordre des médecins et de la pharmacie, etc.

Avant d’apporter la lumière sur cette incrimination nouvelle dans le droit français, une précision importante. Nous ne nions pas qu’il y ait des dérives dans certains groupes religieux ou de la part de praticiens des médecines non conventionnelles. Ces dérives occasionnent des préjudices et des souffrances que la société se doit de repérer, de sanctionner et d’empêcher.

La société doit s’organiser pour ce faire, notamment en créant des lieux d’écoute des victimes éventuelles liés à des procédures de médiation (et non d’inquisition comme aujourd’hui). Les actions de répression ne devraient intervenir que dans un deuxième temps.

Ensuite, cette organisation doit toucher tous les secteurs de la société (entreprises, partis, religions, associations mais aussi familles) et non seulement les mouvements dits « sectaires », cette spécification constituant déjà à notre sens une discrimination interdite pourtant par la loi.

Gardiens du système matérialiste

Il n’était nullement nécessaire de concevoir une loi ad hoc « antisecte », comme cette loi About-Picard du 12 juin 2001 qui crée précisément la notion de sujétion mentale. Ce texte a quand même vu le jour car les « gardiens du système » matérialiste[1] avaient besoin de pouvoir condamner des personnes ou des groupes qui n’avaient commis d’autre délit que celui de penser, soigner, éduquer « autrement ».

Ces forces conservatrices ont réussi à faire admettre cette idée absurde que les personnes qui se convertissent, qui épousent une pensée différente de la leur, ne peuvent le faire que contraintes et forcées, et dépossédées de tout libre arbitre par les « sectes ». Mais comme le droit interdit de discriminer n’importe quel groupe humain, le terme de « secte » a dû être abandonné.

C’est alors que le génie administratif français a inventé le terme de « dérive sectaire », même s’il n’a pas pu lui donner de définition juridique foncière. Il s’est contenté de le caractériser par l’addition d’un certain nombre de critères pratiques, comme les « techniques propres à altérer le jugement pour conduire les personnes à un acte gravement préjudiciable pour elles ».

Qui veut noyer sa « secte »

Cela favorise tous les abus de pouvoir contre des personnes ou des groupes actifs. En effet, le gouvernement ou la justice peut à loisir se choisir une cible et l’accuser de dérive sectaire. N’importe quel comportement peut être considéré comme technique propre à altérer le jugement. Il n’existe pas d’échelle scientifique pour distinguer entre l’influence, le charisme, l’empire, l’ascendant, l’autorité, la pression, la domination, le magnétisme, etc.

Quand on veut noyer sa « secte », il suffit de parler d’emprise et le tour est joué ! Tout le monde alors prend peur, se scandalise et applaudit à la répression.

Tout le monde a peur parce que tout le monde croit au fantasme de la « captation de la pensée » par autrui. Cette locution se trouve textuellement dans des jugements pour dérive sectaire.

"L'instance qui choisit"

La captation de la pensée par un mouvement quel qu’il soit est un fantasme car il est impossible d'atteindre de l'extérieur "l'instance qui choisit" à l'intérieur d'autrui. Il est impossible non plus de distinguer de l’extérieur la frontière entre consentement légitime et consentement illégitime d’une personne à une idée. Il y a tellement de paramètres (psychologiques, moraux, politiques, sociaux, philosophiques, religieux, etc.) à prendre en compte !

De même, et surtout, nul ne peut être dépossédé de son libre arbitre. Il peut le déléguer, l’abandonner, le faire dépendre d’autrui, oui. Mais c’est un acte de sa part, un acte sur lequel il peut toujours revenir, pour peu qu’il reprenne conscience des choses. Ôter cette responsabilité à un individu, ce que fait la justice quand elle consacre une victime d’emprise mentale, c’est l’assassiner philosophiquement et spirituellement. Car il lui est alors impossible de retrouver totalement son autonomie intérieure, celle-ci lui ayant été rendue « de l’extérieur » et n’ayant pas été reconquise par elle-même. Seul moyen pourtant d’épanouir pleinement son humanité.

[1] Ce système comprend également des représentants des religions « reconnues » qui cherchent à protéger leur pré carré.

France 5, émission sur « l’emprise mentale » : est-ce encore de l’information ?

La déontologie journalistique n’a pas vraiment été à l’honneur lors de cette émission diffusée le 19 avril dernier et rediffusée ce 12 mai. France 5 a surtout joué avec les préjugés et l’émotionnel pour brosser un tableau partial trompeur plus effrayant que nature. Et qui, surtout, n’aide en rien la prévention.

MCDE

Marina Carrère d'Encausse, présentatrice de l'émission (capture d'écran).

Plutôt que de chercher à comprendre pourquoi des patients se sont confiés à ces trois thérapeutes non conventionnels qui furent condamnés en 2015, le documentaire « Emprise mentale, quand la thérapie dérape » et le débat, présentés les 19 avril et 12 mai 2016 par Marina Carrère d’Encausse dans "Le Monde en face" sur France 5, ont versé dans la charge unilatérale et simpliste, sans avis contradictoire, sans avocat des parties incriminée et mêlant constamment faits réels, contrevérités et préjugés.

Les deux séquences ont fait appel aux termes fourre-tout et sans définition juridique ni médicale de « secte » et de « dérives sectaires » ainsi qu’à l’émotionnel et au passionnel.

La situation des personnes abusées est poignante. En revanche, l'exploitation complaisante qui en est faite par le choix éditorial est non seulement abusive mais stérile. Elle n'apporte rien qui puisse aider à une véritable prévention.

Le seul résultat : l’effroi  et l’indignation des téléspectateurs. Or, on le sait, la peur ne peut suffire à faire progresser les consciences. Elle est même souvent contre-productive.

Le documentaire, réalisé par Stéphanie Trastour, se réduit, au travers des propos des victimes et des grands "antisectes" (Miviludes, Me Picotin...), à une longue accusation des personnes présentées comme des « dérapeutes » sans que celles-ci, quelques fautes qu'elles aient commises, puissent jamais s’expliquer. Pas d’avocat non plus, sauf une seule fois et quelques secondes seulement sur un aspect juridique du dossier.

Après la diffusion du documentaire, l’animatrice, qui est par ailleurs médecin, a ouvert un "débat" au cours duquel elle s’est entretenue avec Gérard X., un homme dont l’ex-épouse serait « tombée sous l’emprise d'un gourou » et aurait de ce fait rompu avec sa famille. Elle a reçu également Marie Drilhon, responsable de l’ADFI Versailles, association qui défend les « victimes de sectes ».

Débat tronqué

ADFI

Responsable ADFI (capture d'écran de l'émission).

Débat tronqué puisqu’il réunissait trois personnes entièrement d’accord entre elles pour stigmatiser des personnes absentes du plateau. Pire, l’affaire qui sert à illustrer le débat est en cours d’instruction. Cela n’a pas empêché les trois participants de présenter le groupe (non nommé) comme une « secte » et son animateur comme un dangereux « gourou scientifique ». Ce dernier adjectif permettant, pour qui suit ce type d'actualités, d'identifier facilement le mouvement ainsi mis au pilori.

Gerard

Gérard X. prétend qu'un gourou "fou de volonté de puissance" lui a volé sa femme. Celle-ci, ignorée par la réalisatrice de l'émission mais rencontrée par Débredinoire, assure, elle, qu'elle est partie en pleine connaissance de cause pour suivre une nouvelle voie philosophique et, surtout, quelques mois après que Gérard lui ait parlé de divorcer. Il ne s'agit donc aucunement d'une rupture due à l'emprise d'un être malfaisant (photo : capture d'écran).

Le cas de la femme de Gérard (la personne interviewée par Marina Carrère d’Encausse) pourrait très bien être  analysé autrement, comme une conversion par exemple, donc non pas  comme une emprise mentale mais comme un choix libre et responsable. Mais ce point de vue, qui est celui de sa femme qui l’a quitté, n’a même pas été signalé.

Si la chaîne avait pris la peine de questionner l’ex-épouse de Gérard, elle aurait appris d’elle que son départ du foyer familial avait en fait suivi une évocation de divorce formulée par lui quelques mois auparavant…

La chaîne n'a présenté qu’un seul point de vue (le mal absolu face à des citoyens envoûtés) et a insisté longuement et avec des gros plans sur le visage de familles éplorées pour épouvanter le téléspectateur plus que de raison. En conclusion, n'en a-t-elle pas pris à son aise tant avec la charte des journalistes qu’avec la convention qu’elle a signée avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ?

Et, ce qui est quand même dommage pour une télévision de service public, aucune place n'a été laissée ni à l’information contradictoire ni à la réflexion sur le fond des choses, comme l'a remarqué en fin du documentaire la psychanalyste Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse et de la psychiatrie.

Voici les préceptes qui ont été malmenés, selon moi, par France 5 dans ce programme  :

Cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions
(Décret n° 796 du 23 juin 2009)

« Dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel, France Télévisions assure l’honnêteté, la transparence, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion.

Elle ne recourt pas à des procédés susceptibles de nuire à la bonne compréhension du téléspectateur. Les questions prêtant à controverse doivent être présentées de façon honnête et l’expression des différents points de vue doit être assurée. (…)

Dans le respect du droit à l’information, la diffusion d'émissions, d’images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée (…) au respect de la présomption d'innocence, c’est-à-dire qu'une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable.

Lorsqu’une procédure judiciaire en cours est évoquée à l’antenne, la société doit veiller, dans le traitement global de l’affaire, à ce que :

― l’affaire soit traitée avec mesure, rigueur et honnêteté ;

― le pluralisme soit assuré par la présentation des différentes thèses en présence, en veillant notamment à ce que les parties en cause ou leurs représentants soient mis en mesure de faire connaître leur point de vue. (…)

En cas de recours à des émissions de reconstitution de faits vécus, la société veille à montrer avec retenue et sans dramatisation complaisante la souffrance, le désarroi ou l’exclusion. »

Charte des journalistes

« Un journaliste digne de ce nom :

- Respecte la dignité des personnes et la présomption d’innocence ;

- Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ;

- Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge ».

> Le service de presse de France 5, à qui j'ai demandé de pouvoir poser mes questions à la présentatrice, ne m'a pas répondu à ce jour.

> Malheureusement pour les personnes ainsi injustement maltraitées par cette émission et pour les (rares) citoyens qui pensent que la rigueur et l'impartialité dans tous les domaines sont les deux mamelles de la bonne information, il y a peu de chances qu'un "grand" média s'indigne de ces pratiques. Bien au contraire.

En effet, quand s'ouvre un dossier dans ce domaine, les préjugés prennent le pas sur la rigueur de l'information et la diversité des points de vue pour condamner a priori avec force témoignages toujours à sens unique. Voir, par exemple, pour rester dans l'actualité, cet article de l'Obs qui présente ce groupe comme coupable alors même que l'affaire n'a pas été encore jugée.

Quand on sait que ce mouvement est celui dont il est question dans le débat de France 5, on peut légitimement se poser la question de savoir si cette émission, préparée avec la Miviludes et l'ADFI, n'avait pas aussi pour but d'influencer l'opinion public et les juges dans un sens bien défini...

Mais au fait, que fait le CSA, le gendarme de l'audiovisuel ?

(Photo de une : copie d'écran de l'émission)