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Journalisme : l’épreuve de feu du contradictoire

Comment renverser le courant de défiance qui atteint la presse (journalistes + éditeurs) ? En faisant l'effort de mieux respecter les principes qui garantissent qualité et fiabilité de l'information. Et, parmi ces principes : le traitement contradictoire des faits.

Dans le Parisien, 24 janvier 2019.

Sondages après sondages, la méfiance envers les médias et les journalistes se confirme. Les professionnels semblent impuissants à enrayer cette crise.

Ceci dit, devant le déferlement des « infox » et autres dérives qui polluent l’actualité que les citoyens partagent sur leurs différents moyens de communication, l’idée de créer un « conseil de presse » commence à être prise au sérieux. Missionné par le ministère de la culture, l’ancien PDG de l’Agence France-Presse, Emmanuel Hoog, a remis son rapport le 26 mars 2019 en faveur de la création d’une telle instance d’autorégulation et de médiation de l’information. Ce projet associant éditeurs, journalistes ET citoyens, et pour lequel notre magazine milite depuis sa création il y a une douzaine d’années, sera bienvenu. Mais il risque d’être bien insuffisant !

En fait, si l’on espère pouvoir un jour bénéficier d’informations fiables sur l’actualité, il n’est pas d’autre voie que de donner un nouveau statut à la production de ces informations. La question n’a pas tant de déterminer quel média est crédible ou non, mais si tout a été fait dans les règles pour chaque article ou émission. Il faut que chaque producteur d’info, qu’il soit journaliste ou non, puisse prouver qu’il a respecté les étapes permettant de délivrer une information fiable et juste.

Crise du concept de vérité

Tout part de la crise que subit le mot « vérité ». Plus personne ne parle de LA vérité. Tout au plus peut-on viser « une » vérité », partielle et momentanée. Même la science. Même plus, un des critères les plus marquants de la scientificité est aujourd’hui le caractère réfutable d’une proposition : est vérité scientifique une donnée validée par la recherche qui peut être remise en cause par d’autres découvertes. Elle est crédible à l’instant T parce qu’elle a su répondre à toutes les objections qu’on lui a opposées soit en s’amendant, soit en démontrant sa justesse de vue.

Ainsi, contrairement à la science, une croyance religieuse, par exemple, est définitive et éternelle. C’est pourquoi elle est dite foi et non savoir. La foi, on adhère ou pas. Le savoir, on en discute et on peut le partager rationnellement. A la condition que je puisse le contester si j’ai de bonnes raisons. Sa fragilité est aussi sa force et le garant de son universalité.

Nous voyons par là comment la presse pourrait conquérir une plus grande crédibilité. Non pas en garantissant la vérité de ses productions, mais en prouvant qu’elle fait tout pour repérer et corriger ses erreurs. En garantissant qu’elle procède selon une méthode rigoureuse pour traquer les failles dans ses informations et minimiser les risques de pollution cognitive.

Et un des moyens qu’elle possède pour prouver sa bonne foi est de soumettre le résultat de ses recherches à la discussion par d’autres. Ce sont les pairs du chercheur qui peuvent confirmer ou infirmer le caractère de vérité des contenus qu’il produit.

La condition de l’objectivité réside donc, non plus dans le seul effort du chercheur, mais aussi dans le caractère collectif de fabrication du savoir.

Trois exigences

Bien sûr, la presse ne peut se calquer exactement sur la science qui a pour elle le temps et les moyens de vérifier, tester, expérimenter, etc. Et qui le fait de façon collective.

Mais la presse (ou tout producteur d'information) peut au moins garantir trois exigences :

- l’accueil du contradictoire (avant parution) puis de la critique (après parution) ;

- la séparation claire (autant que faire se peut) entre fait et commentaire

- la rectification systématique de ses erreurs.

C’est seulement en respectant ces principes qu’une information peut être dite « journalistique ». Qu’elle peut accéder à la dignité d’un « savoir ». Sans cela, elle ne vaut pas plus, au mieux, qu’une opinion (même si elle établie sur des faits) ou une croyance plausible ; au pire, elle est une publicité ou une propagande.

Une des dérives les plus fréquentes, et parmi les pires (parce qu’elles n’apparaissent pas comme des dérives au yeux du public non initié), est l’omission du débat contradictoire. On présente bien souvent des discussions présentées comme des débats mais en évitant de solliciter l’avis des contestataires ou des alternatifs.

Information ou propagande ?

Un exemple pris dans l’actualité : le magazine « C dans l’air » (France 5) fait un « débat » de près d’une heure (diffusion le 25 mai 2019) sur ce thème : « Homéopathie, la fin d'une passion française ? »

Quatre invités : Jean-Marc Daniel, économiste, Mélanie Gomez, journaliste, spécialiste des questions de santé sur Europe 1, Jean-Paul Hamon, médecin généraliste, président de la Fédération des médecins de France et Frédéric Saldmann, médecin cardiologue et nutritionniste. Alors que la polémique fait rage depuis des mois sur la question du remboursement de l’homéopathie, AUCUN des quatre invités (et pas plus les deux journalistes présentateurs Caroline Roux et Axel de Tarlé) n’y était favorable, ni même seulement « agnostique ». Tous contre, à part le Dr Saldman qui ne s’y oppose pas mais seulement sous contrôle et sous prescription médicale. Pas un seul avocat ni même représentant de cette approche thérapeutique. Pas une once de contradictoire dans la discussion, sur un sujet aussi important !
Comment s’étonner alors que le public, qui dans sa majorité utilise les fameuses granules, ne se sente pas lésé, sinon bafoué, dans son droit à se faire sa propre opinion ?

La science et l’institution ainsi préservées des critiques, parlant au micro d’une presse acquise à leurs thèses, renforcent l’impression des téléspectateurs – et des citoyens – d’être face à une propagande, en lieu et place de l’information critique et constructive que devrait leur offrir le service public...

En fait, c’est la méthode de l’informateur qui est en jeu, que celui-ci soit journaliste ou non. Pour distinguer une information à vocation journalistique, c’est-à-dire à valeur universelle, du moins dans une société donnée, de toute autre expression médiatisée, il est impératif d’exiger d’elle la garantie que ni les intérêts privés, ni les opinions personnelles, ni les systèmes institutionnels ne peuvent prévaloir sur la qualité « véritale » de son contenu.

Une qualité qui ne s’obtient qu’en passant l’épreuve de feu du contradictoire.

 

« Secte » et « dérive sectaire » : des mots à éviter

Cela fait deux décennies que je tente d’alerter mes confrères et l’opinion publique sur le mauvais usage, tant par les pouvoirs publics que par la presse, des mots « secte » et « dérive sectaire ». J’ai enfin été entendu.

La profession journalistique reconnaît que l’emploi des mots « sectes » et « dérive sectaire » ne va pas de soi. Et suggère de les éviter.

L'Observatoire de déontologie de l'information (ODI) vient de publier un texte de son groupe de travail sur le vocabulaire, inventaire illustré des principales erreurs ou difficultés d’emploi des mots à partir d’exemples recueillis lors des derniers mois.

« Les mots sont souvent mal employés, mal perçus (ce qui n’est pas la même chose) et peuvent faire mal, très très mal. »

Sont étudiés :
- Erreurs, fautes d’emploi ou d’appréciation
- Réfugiés, exilés, migrants
- Terrorisme, terroriste ; État islamique
- Juifs de France
- Secte ou dérive sectaire.

A mon initiative, et malgré les vives résistances de certains, l’atelier a mis également à son agenda les mots « secte » et « dérive sectaire ». Le rapporteur de ce groupe de travail, Loïc Hervouet, a entendu mes arguments.

Voici ce qu’il en dit, après avoir étudié la question de plus près (extrait du rapport) :

ODOI secte

C’est pour moi une grande satisfaction, car c'est la première fois depuis plus de 20 ans qu'un confrère prend la peine d'écouter et d'étudier honnêtement mes explications et de vérifier par lui-même, et partage mon analyse.

Loïc Hervouet est journaliste, enseignant d'éthique du journalisme, ancien DG de médias, de l'ESJ Lille (mon école !) et ancien médiateur de RFI.

Après toutes ces années de refus, de portes fermées et même de mépris à mon égard sur ces questions, c'est une grande satisfaction que j'ai plaisir à partager avec vous, mes lecteurs qui connaissez mon investissement sur ce terrain.

J'ai bien conscience que ce n'est qu'un petit pas, qui s'ajoute cependant à la création de l'Association de préfiguration d'un Conseil de presse (APCP) et de son émanation l'ODI à laquelle j'ai ardemment participé.

Puisse malgré tout ce petit pas être l'occasion de débats dans les rédactions et dans la société. En tout cas, il constitue d'ores et déjà une base déontologique à laquelle les "blessés de l'information" pourront désormais ouvertement demander que les médias se réfèrent.

 

 

Projet de création d’un Conseil de presse : où en est-on ?

L’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP), qui existe depuis fin 2006, fait le point sur son projet d’instaurer en France une instance de dialogue et de régulation de la presse. Beaucoup d’obstacles mais des avancées certaines, conclut Yves Agnès, qui ne se représentera pas à la présidence de l’association.

> Télécharger le bulletin de juillet 2015 - Newsletter N°49-1

Yves Agnès, président de l'APCP depuis sa création, ne postulera pas un nouveau mandat.

Yves Agnès, président de l'APCP depuis sa création, ne postulera pas à un nouveau mandat. Photo : Ouvertures.

" Derrière la création d’un conseil de presse, il y a plusieurs questions fondamentales en jeu. D’abord, c’est l’instrument adéquat pour conforter et défendre la liberté d’expression et d’information. Et c’est, en corollaire, le droit des citoyens d’une société démocratique à disposer d’une information de qualité : seul un conseil de presse peut combattre la pente fatale collective vers la médiocrité. C’est aussi l’affirmation que l’instance chargée d’y veiller doit associer les trois parties prenantes [Journalistes, éditeurs, public]. Le public a son mot à dire, autrement que par des commentaires hargneux en réaction à ce qui est publié ou diffusé. Une balise, un phare qui indique les récifs dangereux."

Ces mots concluent l'article d'Yves Agnès, président de l'APCP, dans son article bilan de cette association publié dans le dernier bulletin n° 49 (juillet 2015).

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Trois des six syndicats de journalistes (représentant 70 % aux récentes élections de la carte professionnelle) soutiennent le projet de création d'un Conseil de presse en France dont le dernier bulletin décrit le fonctionnement proposé.

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Votre serviteur est co-fondateur de cette association APCP qui a vu le jour l'année de parution de mon livre "L'Information responsable. Un défi démocratique", ECLM.

Ce livre est en téléchargeable gratuitement sur le site de l'éditeur !

 

 

 

 

Pleure, ô ma presse bien aimée ! (à propos du Fig Mag)

Où en est rendu le journalisme ? Pour son dossier de Une, j’ai acheté le Figaro (22/11/14), ce qui ne m’était pas arrivé depuis des lustres. J’ai été effaré, globalement, par son indécente débauche de publicités, parfois au mépris des règles déontologiques les plus essentielles.

Fig MagAu Figaro, le journalisme fait la part belle au « commercial ». Le numéro de cet avant-dernier week-end de novembre l'illustre de façon éclatante. Les barrières qui avaient cours jadis pour protéger l’indépendance rédactionnelle de la publicité, alors déjà fragiles et poreuses, sont aujourd’hui démantelées sans vergogne.

La qualité journalistique des produits de presse n’étant surveillée par aucun organisme professionnel, les journaux ne cherchent même plus à cacher leur mariage avec le diable. Union contre nature qui signe la mort du journalisme à vocation culturelle et politique. Enterrons donc l’intérêt général et buvons à sa santé !

Je vous invite à me suivre dans l'analyse de ce numéro de fin d’année.

D’abord, le quotidien proprement dit est vendu avec toute une série de suppléments :

- Le Figaro Magazine

- Le Figaro Madame

- TV magazine

- Deux suppléments de produits de consommation : Cadeaux de Noël, Conran Shop + C'est Noël Rive Gauche, le Bon Marché. Je les ai d’emblée abandonnés au kiosquier.

Ajoutez à cela le Figaro week-end, le Figaro et vous, le Figaro économie (cahier qui comporte le moins de pubs).

Enfin, un cahier nommé Figaro Partner entièrement consacré au Bénin : huit pages de publicité rédactionnelle achetées par ce tout petit pays d’Afrique. Nulle part, en infraction avec une règle majeure du métier qui veut que l’on distingue clairement rédaction et publicité, il n’est indiqué qu’il s’agit d'achat d'espace.

Benin Fig

Cahier de 8 pages. Nulle part est fait mention de son caractère publicitaire si ce n'est cette note, en minuscule caractères au bas de la page : "La rédaction du Figaro n'a pas participé à la réalisation de ce supplément"...

Seule une mention, en minuscules caractères en bas de la première page, précise : « La rédaction du Figaro n’a pas participé à la réalisation de ce supplément ».

Regardons maintenant le Fig Mag. Quand j’étais étudiant à l’Ecole de journalisme de Lille, j’avais reçu de mes professeurs quelques conseils pour juger de la qualité des médias. Parmi eux, il y avait ce principe : la page de droite est celle qui a le plus de valeur car c’est celle qu’on voit en premier quand on ouvre un journal ou un magazine. Pour savoir si le journal que vous lisez donne priorité ou non à l’information, regardez où il place ses articles. Si c’est à gauche, la pub étant alors à droite, vous savez à quoi vous en tenir.

Dans le Fig Mag, hormis quelques dossiers ou enquêtes qui s’ouvrent sur une double page, la plupart des pubs sont à droite…

boulard

Face à face, ce qui faisait scandale il y a quelques années, la publicité et un petit article sur le même sujet : ici, le calva Boulard.

Le numéro compte 172 pages, dont 70 pages de publicité (dont 8 de petites annonces immobilières s’étalant sur une page entière et 2 demies et quarts de page). Donc 102 pages d’articles rédigés par les journalistes du magazine, soit un peu plus de 59 % de l’ensemble (contre 41 % de pub).

Mais, dans cette proportion, il faut retirer, déontologiquement parlant, la publicité déguisée :

- soit parce que les articles sont écrits par le service commercial (ce qui est indiqué en tout petit)

- soit parce qu’ils présentent des biens de consommation exactement comme des publicités, indiquant notamment leurs prix (ce qui constituait un critère de publicité aux yeux de la Commission qui délivre la carte de presse). Il faudrait enquêter à l’intérieur du journal pour savoir si ces articles sont accompagnés ou non d’achats d’espaces publicitaires

- soit parce que les articles sur certains produits sont accompagnés carrément de publicités pour ces mêmes produits.

C’est ce qui se passe, par exemple, pour le dossier « Spécial spiritueux », qui fait l’apologie de marques et de producteurs de whisky, de cognac et de calvados. 26 pages au total dont 11 de pubs pleine page, placées juste à côté des interviews ou articles qui évoquent leur marque.

Si donc l’on place ces pages de promotion masquée non plus dans le lot des articles d’information mais dans la pub, il faut retirer 30 pages aux 102 rédactionnelles calculées précédemment.

Au final, nous avons donc en réalité 100 pages de publicité et seulement 72 pages de rédaction ! Le ratio s'inverse carrément : 58 % pour la pub et plus que 42 % pour la rédaction...

Et si on évalue l’ensemble du package livré considéré comme un tout, le ratio rédaction/publicité diminue encore nettement pour passer bien en dessous de la barre du « tiers de la pagination consacré à l’intérêt général ». Ce tiers constitue le critère majeur de l’organe officiel qui délivre la qualité de « quotidien d’information générale donnant droit aux aides publiques, la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).

Aides publiques qui se montent à près de 8 millions d’euros en 2013 pour le Figaro

Pour avoir une idée de l’évolution des choses, il faut savoir qu’auparavant, la CPPAP exigeait que le ratio rédaction/publicité dans un média dépasse 50 % pour le déclarer « d’intérêt général ».

Aujourd’hui, un tiers de rédaction lui suffit…

> Je n'ai pas fait le décompte pour le Figaro Madame, cela m'aurait trop déprimé...

« Penser contre soi-même », le regard d’Edito sur mon livre

Edito+Klartext, le magazine suisse des professionnels des médias, a publié une excellente critique de mon dernier ouvrage.

Voici la recension de mon livre "Décryptez l'information" parue dans le numéro 3/2401 du magazine Edito+Klartext, le magazine des journalistes suisses :

Edito Decrypter

J'apprécie beaucoup cette présentation de mon ouvrage qui en fait bien ressortir la substantifique moelle....

La Une de ce numéro d'Edito :

Edito Une

 

Démission de la directrice du Monde : la grande frustration des lecteurs

Sans doute, l’un des pires « péchés » de la grande presse est d’ignorer que l’information est un bien d’intérêt public. C’est de considérer que seule l’équipe dirigeante (avec les actionnaires) sait ce qui est bon pour le journal, peuvent définir sa stratégie. Les lecteurs souhaiteraient être mieux pris en considération.

NougayLa rédaction du Monde ne supportait pas le « dirigisme » de la journaliste et plusieurs chefs d’équipe ont quitté volontairement leurs fonctions, provoquant une crise ouverte conclue par la démission de la directrice.

Mais ni la direction, ni les journalistes ne semblent avoir réalisé la vraie nature de ce conflit : la crise de confiance envers une presse « de référence » trop coupée autant de ses lecteurs que du public en général. L’ancien modèle de gestion d’une entreprise d’information ne peut plus se contenter de se reproduire à l’identique. A diriger un journal sans l'associer étroitement à son public dans sa réalisation même.

Fait significatif : un des points d’achoppement entre la directrice et ses équipes est la « transformation [du journal] liée au numérique ». Mais cette orientation n’est pas simplement technologique ou organisationnelle, elle est profondément sociétale. Elle est devenue indispensable parce que le lecteur/public veut aujourd’hui prendre place au cœur même de la gestion quotidienne du journal. Au moins être associé de façon plus intime aux enjeux de son développement.

C’est en tout cas ce qui ressort nettement des commentaires apposés par les lecteurs au bas de l’article annonçant la démission de la directrice. Beaucoup se disent frustrés de cette opacité maintenue sur le fonctionnement du quotidien.

Voici un étonnant florilège de commentaires allant tous dans ce sens :

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Pourquoi j’ai écrit « Décryptez l’information. Ne vous laissez plus manipuler par les médias »

Tout journaliste est capable, d’un même fait, d’en présenter deux versions contradictoires voire opposées, sans pour autant « mentir » ni fabuler. Nous sommes des professionnels de la « rhétorique », mot politiquement correct pour dire « manipulation ». C’est pourquoi, pour assurer le respect de l’intérêt du public, la liberté de s’exprimer doit s’accompagner d’un minimum de régulation.

Dès ma première année à l'Ecole supérieure de journalisme (ESJ Lille), j’ai connu la grève, une grève qui s’est d’ailleurs prolongée les trois années qu’a duré mon cursus (1969/72). Je me souviens que notre principale revendication était l’engagement d’une réflexion sur les fondamentaux de l’école, que nous souhaitions voir passer d’un moule pour fournir des journalistes immédiatement opérationnels à un centre de formation et de propositions pour un journalisme plus éthique.

Durant 45 ans, j’ai poursuivi le combat pour une « information responsable » (le titre d’un de mes trois premiers livres sur le sujet), longtemps et souvent seul, pour aboutir en 2007, avec quelques militants de la déontologie, à la création de l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP). Depuis, l’idée de mettre en place une véritable régulation de la profession fait son chemin. Elle rencontre encore, malheureusement, bien des résistances, mes confrères confondant "régulation" et "contrôle" et craignant, à tort, pour leur liberté d’expression.

La création d’un Conseil de presse ne mettrait bien évidemment pas fin aux dérives médiatiques, mais elle faciliterait le débat public sur les buts et les conditions d’exercice de notre profession. Elle permettrait surtout d’offrir une oreille attentive aux plaintes du public, ce qui aurait pour principal effet d’abaisser sa rage, parfois sa haine, face à l’arrogance de beaucoup de médias.

Et de gagner une plus grande crédibilité aux yeux de nos concitoyens.

En attendant qu’une prise de conscience émerge face à la nécessité de réguler le travail des professionnels de l’information (par eux-mêmes, les éditeurs et le public), j’ai estimé utile de m’adresser directement au public et de lui donner des armes pour affronter la déplorable situation actuelle. "Déplorable" : il suffit de lire la revue de presse quotidienne gratuite sur ces thèmes pour s'en convaincre.

television-manipulationJe montre au public, dans ce livre, que tout journaliste est capable, d’un même fait, d’en présenter deux versions contradictoires voire opposées, sans pour autant « mentir » ni fabuler. Je lui explique que nous sommes des professionnels de la "rhétorique", mot politiquement correct pour dire "manipulation"… Et que tout le système de l’information est fondé sur 36 800 "boîtes noires", c-à-d 36 800 cerveaux qui orientent à leur guise, selon la volonté de leur hiérarchie et leurs propres présupposés, sans régulation, la signification des faits dont ils rendent comptent.

Au final, la hiérarchie étant de plus en plus aux mains de certains intérêts particuliers, et la plupart de mes confrères n'ayant plus ni le bagage (épistémologique) nécessaire, ni la force, ni les moyens de se battre pour l'éthique, le sens de l’intérêt général se dissout au fil des éditions. Et le fossé se creuse entre le public et la profession...

A l’heure où, grâce surtout au web et aux nouvelles technologies, la nature des informateurs se diversifie, les journalistes ont encore des cartes à jouer, celles de l’éthique, de la qualité et de la proximité avec le public.

S’ils ne les utilisent pas, ils seront doublés.

Le bulletin de l’APCP n° 35 mars 2014 est paru

Le dernier bulletin de l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP), qui oeuvre pour la création d’une instance de régulation de la presse, est sorti.

APCP 35> Télécharger le bulletin sur le site de l'association.

Au sommaire, notamment :

- Le rapport de Marie Sirinelli à Aurélie Filippetti sur l'autorégulation des médias : les points principaux du rapport ; la position de l'APCP

- La loi sur l'égalité hommes / femmes et la formation des journalistes

- Patrick Eveno, nouveau président de l'Observatoire de la déontologie de l'Information (ODI)

- Un colloque à l'IPJ (Institut pratique du journalisme, Paris) sur les conseils de presse

- Militantisme de l'information, militantisme de conviction : Faut-il que les journalistes s'organisent autour des combats auxquels ils croient ?

- Un rapport parlementaire sur l'information scientifique

- "Selfisme" ou journalisme : se mettre en scène, une forme de marketing

- Egypte, Tunisie : à la recherche d'une autorégulation des médias.