Le poids des mots

« Secte » et « dérive sectaire » : des mots à éviter


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Cela fait deux décennies que je tente d’alerter mes confrères et l’opinion publique sur le mauvais usage, tant par les pouvoirs publics que par la presse, des mots « secte » et « dérive sectaire ». J’ai enfin été entendu.

La profession journalistique reconnaît que l’emploi des mots « sectes » et « dérive sectaire » ne va pas de soi. Et suggère de les éviter.

L'Observatoire de déontologie de l'information (ODI) vient de publier un texte de son groupe de travail sur le vocabulaire, inventaire illustré des principales erreurs ou difficultés d’emploi des mots à partir d’exemples recueillis lors des derniers mois.

« Les mots sont souvent mal employés, mal perçus (ce qui n’est pas la même chose) et peuvent faire mal, très très mal. »

Sont étudiés :
- Erreurs, fautes d’emploi ou d’appréciation
- Réfugiés, exilés, migrants
- Terrorisme, terroriste ; État islamique
- Juifs de France
- Secte ou dérive sectaire.

A mon initiative, et malgré les vives résistances de certains, l’atelier a mis également à son agenda les mots « secte » et « dérive sectaire ». Le rapporteur de ce groupe de travail, Loïc Hervouet, a entendu mes arguments.

Voici ce qu’il en dit, après avoir étudié la question de plus près (extrait du rapport) :

ODOI secte

C’est pour moi une grande satisfaction, car c'est la première fois depuis plus de 20 ans qu'un confrère prend la peine d'écouter et d'étudier honnêtement mes explications et de vérifier par lui-même, et partage mon analyse.

Loïc Hervouet est journaliste, enseignant d'éthique du journalisme, ancien DG de médias, de l'ESJ Lille (mon école !) et ancien médiateur de RFI.

Après toutes ces années de refus, de portes fermées et même de mépris à mon égard sur ces questions, c'est une grande satisfaction que j'ai plaisir à partager avec vous, mes lecteurs qui connaissez mon investissement sur ce terrain.

J'ai bien conscience que ce n'est qu'un petit pas, qui s'ajoute cependant à la création de l'Association de préfiguration d'un Conseil de presse (APCP) et de son émanation l'ODI à laquelle j'ai ardemment participé.

Puisse malgré tout ce petit pas être l'occasion de débats dans les rédactions et dans la société. En tout cas, il constitue d'ores et déjà une base déontologique à laquelle les "blessés de l'information" pourront désormais ouvertement demander que les médias se réfèrent.

 

 

4 thoughts on “« Secte » et « dérive sectaire » : des mots à éviter

  1. Jakubowski

    Pour le faire simple : ce ne sont pas les mots qui posent problème mais leur utilisation dévoyée, et donc certains utilisateurs . Ceux-là doivent avoir des comptes à rendre sur leurs pratiques frauduleuses. Exigence de clarté venant des lecteurs ou des auditeurs . Le contre-pouvoir aux mensonges est une information objective sur les réalités abordées . Remarquons ensemble que ce travail étant en train de se faire et continuant, les travestisseurs sont en perte de vitesse. Néanmoins il peut arriver qu’ils disent la vérité en certains cas. Il ne faut pas tomber dans un système qui donne son blanc-seing à toute secte sans distinction ; le cas par cas est préconisé, comme toujours, sous l’égide de l’Esprit ……… Pat Jakubowski

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  2. Jean-Luc Martin-Lagardette Auteur de l’article

    Certes, « le cas par cas est préconisé ». Mais cela ne suffit pas à répondre à la problématique. En effet, la grande difficulté est l’absence de définition précise de ce qu’est une « secte » ou une « dérive sectaire ». Il y a les définitions classiques (mouvement qui se sépare d’une religion donnée, etc.), mais elles ne collent plus avec leur emploi et les besoins aujourd’hui. Il y a celles que donnent les pouvoirs publics (Miviludes, etc.), mais ce ne sont pas vraiment des définitions, plutôt des justifications à leur action répressive.
    En outre, il n’y a pas de définition juridique de ces termes en France.
    Donc même au cas par cas, qui peut et selon quel référentiel (sociologique, philosophique, religieux, pénal ?) dire ce qu’est une « secte » ?

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  3. Jacques Ducentre

    J’ai très récemment découvert que j’étais dans une secte, de loin la plus peuplée, puisque composée de plus de 7 milliards d’individus.
    Mais difficile d’en prendre conscience, puisque nous y sommes depuis la naissance et que nous n’avons point d’autres modèles pour comparer..

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  4. Jakubowski

    Le modèle serait le retour à l’homme originel , tapi au fond de chacun , dans sa nudité et pureté première et qui semble avoir été quelque peu oublié. Le jeu de la relativité et de la liberté joue en permanence entre les modèles suivis par les uns et les autres, ce qui devrait conduire à une extra-terrianité synomyme d’objectivité sur notre condition.

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