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Des ONG lors d’une session hébergée par l’Onu : «La France doit cesser de financer la Fecris qui persécute les minorités religieuses»

« Vous pouvez discriminer et persécuter des minorités religieuses, car c’est ce que fait le « pays des droits de l’homme » » : tel est le message que la France envoie au reste du monde en finançant des groupes « antisectes » comme la Fecris. C’est ce qu’ont dénoncé ce lundi 15 janvier plusieurs ONG et une avocate en droit international, en marge de l’Examen périodique universel (Epu) de la France, dans le cadre d’une session hébergée par l’Onu à Genève.

Plusieurs ONG et Patricia Duval, une avocate en droit international, ont adressé, ce lundi 15 janvier 2018, un appel au président Emmanuel Macron et à son premier ministre à propos du financement de la Fecris (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) et de ses organisations membres. Sous les prédécesseurs de l’actuel président, ces entités ont en effet joui de « subventions abusives dont elles se sont servies pour promouvoir des discours de haine visant des groupes religieux minoritaires dans les pays de l’Union européenne et au-delà ».

Le représentant de l'ONG CAP LC (Coordination des associations et des individus pour la liberté de conscience), Thierry Valle, a mis en évidence la politique française de stigmatisation des minorités religieuses et ses conséquences humaines souvent dramatiques pour les membres de ces minorités. Il a indiqué que la France, en finançant la Fecris, permet la diffusion de ce modèle antireligieux en Europe.

« Capture d’âmes »

Pendant la session.

Patricia Duval, avocate en droit international des droits de l’homme, a mis en lumière les racines idéologiques de la Fecris. Cette association de droit français a été créée en 1994 par l’Unadfi. Son objectif : fédérer des associations « antisectes » à travers l’Europe et les représenter auprès des institutions européennes pour la défense des familles et des individus contre les “organisations sectaires nuisibles”. But a priori louable.

Patricia Duval.

Mais dans pratique, les associations antisectes membres de la Fecris en France qualifient de « sectaire » toute minorité religieuse ou mouvement spirituel dont les croyances sont jugées par la Fecris comme déviantes de ce qui « est habituellement considéré comme une religion ». Elles considèrent la conversion à ces croyances comme une sujétion psychologique et une « capture d’âmes », et une violation de la dignité humaine. Elles recueillent les témoignages de familles ou de parents d’adeptes qui sont en désaccord avec le choix de vie de leurs proches pour les accuser de briser les familles. Elles compilent des dossiers basés sur la rumeur, les préjugés et la suspicion qui sont utilisés ensuite pour stigmatiser les groupes concernés. Elles continuent à être financées par les pouvoirs publics français pour mener une croisade idéologique.

Pour l’avocate, « il est plus que temps pour la France d’arrêter de sponsoriser ce type d’activités ! »

« Liaisons dangereuses »

Déjà, la rapporteuse spéciale des Nations Unies pour la liberté de religion ou de conviction, Asma Jahangir, après sa visite en France du 18 au 29 septembre 2005, avait formulé des recommandations en ce sens.

De son côté, Willy Fautré, représentant de HRWF Human Rights Without Frontiers (Bruxelles), a dénoncé les liaisons dangereuses entre le vice-président (russe) de la Fecris, Alexander Dvorkin, et les milieux cléricaux les plus extrêmes de l’Eglise orthodoxe russe. Alors que la France, pays laïc, finance la Fecris, sa branche en Russie se livre à une persécution intense des religions non-orthodoxes et est engagée dans des activités missionnaires visant à ramener au bercail des orthodoxes convertis à d’autres religions. L’association membre de la Fecris en Russie s’inscrit par là même dans un courant politique russe ultranationaliste qui, sous couvert de « sécurité spirituelle », vise à éradiquer toute présence de religion d’origine étrangère des « terres orthodoxes russes ».

« Discours de haine »

L’interdiction des Témoins de Jéhovah et de mouvements musulmans pacifiques non engagés politiquement, ainsi que l’emprisonnement de plusieurs scientologues font partie de cette stratégie de purification religieuse. Alexander Dvorkin, en Russie, répand des « propos incendiaires et des discours haineux » sur les évangéliques, les pentecôtistes, les baptistes, les adventistes, l’Armée du Salut, les mormons, les membres de Falun Gong et même les hindous. Cette incitation à la haine a provoqué l’an dernier, dans la capitale indienne, une manifestation des Hindous devant l’ambassade de Russie où ils ont protesté contre la persécution de leur religion et brûlé son effigie.

Willy Fautré pose la question : « Comment la France, pays laïc, peut-il soutenir et financer presque entièrement la Fecris, une organisation dont le vice-président contribue depuis des années à répandre des discours de haine pour éliminer des minorités non-orthodoxes en Russie ? »

Enfin Eric Roux, représentant de Eifrf (European Interreligious Forum for Religious Freedom), a conclu avec ces mots : « Lorsqu’un pays comme la France fait quelque chose, certains pays dans le monde sont amenés à penser qu’ils peuvent suivre cet exemple et ainsi justifier des actions similaires. En finançant des groupes comme la FECRIS, la France envoie un message au reste du monde : « Vous pouvez discriminer et persécuter des minorités religieuses, car c’est ce que fait le « pays des Droits de l’Homme ».

 

Comment l’État alimente la phobie des « sectes » pour tenter de bloquer des alternatives sociétales

Enfin un sociologue qui ose publier une enquête loyale sur la politique gouvernementale contre les « sectes ». Le résultat de son travail permet de comprendre comment la phobie des « sectes » a été façonnée par l’État pour tenter d’enrayer les évolutions dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la vie en société.

Le livre d’Étienne Ollion incite le public à prendre de la hauteur par rapport aux polémiques habituelles sur la question des "sectes". Ainsi, il ne tente pas de répondre aux questions classiques : « Comment lutter contre les sectes ? Quelle est la bonne définition de la secte ? X ou Y est-il une secte », etc.

Dans son ouvrage "Raison d'État. Histoire de la lutte contre les sectes en France" (La Découverte), le chercheur en sociologie Étienne Ollion montre que la politique française de lutte contre les sectes peut être analysée comme la volonté par l’État de faire respecter sa vision de la famille, de la moralité, de la santé et des rapports sociaux.

L’attention du chercheur s’est portée non seulement sur le « fonctionnement concret » de l’État, mais aussi sur son « pouvoir symbolique », sur « sa capacité d’imposition sur les manières de voir des individus qu’il gouverne » : il agit « de manière durable [sur] les normes de bonne conduite » dans la société.

Surveillance et répression

En clair, l’État cherche à imposer ses propres conceptions morales en matière par delà le légal. Il veut faire respecter les normes "rationnelles" qu’il a définies et qu’il régule.

Pour cela, il a édifié au cours des dernières décennies tout un vaste système de surveillance et de répression, tant sur les modes administratif et législatif que policier, un système unique au monde.

Pour éviter de paraître enfreindre la liberté de conscience, il a mué son objet, la lutte contre les sectes, en lutte contre les dérives sectaires. Ce qui, sur le terrain, n’a pas changé grand chose.

Ce qui a changé, en revanche, c’est son mode d’action.

Pour justifier son engagement, l’État s’est toujours appuyé sur deux arguments principaux : la dangerosité supposée des "sectes" ; la prétendue demande sociale contre ces groupes aux croyances et comportements « bizarres ».

Pour le premier argument, en fait, la phobie "antisectes" a été largement orchestrée par les gouvernements successifs qui se sont appuyés sur la peur née des massacres très médiatisés et instrumentalisés.

Rappelons en passant que l’affaire du massacre de l’Ordre du temple solaire (OTS) n’a toujours pas été élucidée par la justice plus de 20 ans après. On ne sait toujours pas exactement ce qui s’est passé. Cela n’a pas empêché les "antisectes" d’utiliser ce drame pour faire passer la question des "sectes" d’une affaire privée, ne concernant que quelques familles, à une préoccupation majeure pour la société toute entière.

Les associations de défense de la famille spécialisées contre les « sectes » (Unadfi, CCMM) ont été rapidement et de plus en plus aidées financièrement et politiquement jusqu’à être reconnues d’utilité publique. Elles peuvent porter une affaire devant les tribunaux sans avoir besoin de l’accord de la « victime ». A tel point qu’elles peuvent déclencher des procédures pour défendre des « victimes » qui ne se reconnaissent pourtant pas comme telles !

Le sale boulot

D’ailleurs, ces associations, qui vivent de l’argent public, représentent moins les potentielles victimes que des personnes engagées contre les sectes comme on peut s’engager pour la défense des droits de l’homme. Certains même, notamment dans les administrations, en ont fait un tremplin pour leur carrière politique car il n’est pas besoin d’être un expert pour réussir sur cette voie.

L’État a donc largement organisé lui-même la demande sociale pour justifier son action répressive. Étienne Ollion écrit : « La présence à côté de l’État d’acteurs associatifs ne posait pas seulement la puissance publique en arbitre impartial et juste positionné au dessus d’intérêts certes légitimes, mais toujours particuliers. Elle permettait tout autant de "faire faire" à d’autres organismes un ensemble d’activités qui faisait l’objet de critiques croissantes ».

Autrement dit, le sale boulot…

Au vu de ces éléments, le chercheur juge « improbable une remise en cause frontale du dispositif français ». Elle serait bien trop coûteuse politiquement et trop de personnes sont mobilisées dans le maillage opiniâtrement tissé et entretenu par l’État depuis plus de vingt ans.

 

Scientologie  : analyse de la décision de justice condamnant l’État pour faute lourde

La Cour de cassation a condamné définitivement l’État français, le 22 mars 2017, pour faute lourde au préjudice de l’Ases-CC (église de scientologie). Maître François Jacquot, docteur en droit, avocat au Barreau de Paris, analyse cette décision pour Débredinoire.

Par François Jacquot, avocat au Barreau de Paris.

« La procédure pénale menée contre l'Ases-CC a été émaillée de deux incidents majeurs : abus du droit d'ester en justice de la part de l'unique partie civile subsistante et faute lourde commise par le Parquet. Dans chacun des cas, les chambres civiles de la Cour d'appel de Paris ont jugé que ces comportements constituaient des fautes et les ont sanctionnés.

La Cour de cassation a confirmé ces deux décisions d'appel rendues en faveur de l'Ases-CC.

Logo : publication officielle de la Cour de Cassation.

Rappel des faits. Entre le 25 mai et le 17 juin 2009, l'Association spirituelle de l'église de scientologie Celebrity Centre (Ases-CC) a comparu devant la 12ème chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris pour répondre de plusieurs délits.

A l’occasion de cette audience, le ministère public était représenté par deux magistrats qualifiés et expérimentés en les personnes de Maud Morel-Coujart, chef de la section S2 du pôle financier et du substitut Nicolas Baïeto.

Le 15 juin 2009, à l'issue de plusieurs semaines de débats, les deux magistrats du Parquet ont conjointement sollicité la condamnation de l'Ases-CC pour le délit d'escroquerie prévu par les articles 313-1 et suivants du code pénal.

En répression de ce délit, ils ont demandé l'application de la peine de mort pour les personnes morales, c'est-à-dire la dissolution judiciaire de l'Ases-CC, en application de l'article 313-9 du code pénal.

Ces réquisitions, intervenant dans un dossier signalé et hautement médiatisé, ont produit un retentissement médiatique considérable, tant dans l'Hexagone que sur le plan international, les médias du monde entier ayant largement fait état de la peine de dissolution requise par le Parquet de Paris à l'encontre de l'Ases-CC.

Elles apparaissaient d'ailleurs en contradiction avec le réquisitoire définitif de non-lieu général pris par le Parquet en cours d'instruction, un revirement aussi extrême (du non lieu à la peine de mort) étant rare en matière pénale.

Toutefois, le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris a écarté cette demande et à condamné l'Ases-CC à la peine de quatre cents mille euros (400.000 €) d'amende, ainsi qu'à la publication du jugement dans plusieurs organes de la presse écrite.

Ce jugement, très éloigné des réquisitions du Parquet, a été motivé en tenant compte du caractère "très anciens (des faits), datant de dix années", de même qu'en rappelant les non-lieux déjà prononcés, les relaxes intervenues et le fait qu'il ne subsistait qu'une seule partie civile.

En outre, le tribunal a mis en exergue "l'évolution dans la pratique des méthodes de scientologie par rapport aux nouveaux adeptes vers un soucis de meilleure information de ceux-ci, remise de document explicatif et en veillant à une meilleure formation des conseillers".

Pour ces raisons, les juges de première instance ont considéré que "la poursuite de l'activité peut se faire dans le cadre des règles légales en s'efforçant à plus de vigilance et en clarifiant et assouplissant les règles de remboursement".

 La peine de dissolution requise par le Parquet a donc été écartée en raison de son caractère totalement disproportionné et inadéquat, eu égard aux circonstances de l'espèce.

 Mais, ce qui a finalement permis à la justice civile de condamner l'Etat français pour faute lourde résulte du fait, souligné par le Tribunal correctionnel, que "le ministère public a requis la dissolution de l'association qui n'est plus possible juridiquement en vertu de l'application de la loi du 12 mai 2009 supprimant le renvoi à la pénalité de l'article 131-39-1 en matière d'escroquerie".

En appel, la condamnation pénale a été confirmée en l'absence de toute défense. En effet, les avocats de l'Ases-CC et des autres prévenus ont quitté les débats, estimant que leur déroulement était contraire à l'équité. L'Ases-CC n'a donc pas déployé de défense sur les délits qui lui étaient reprochés.

Ses avocats avaient particulièrement mis en cause la participation aux débats de la principale association française antisecte - l'Unadfi -, alors qu'ils soutenaient que cette association était manifestement irrecevable en qualité de partie civile, ce qui aurait dû mener à son exclusion du prétoire préliminairement à l'ouverture des débats sur le fond.

L'Unadfi a toutefois pu participer au procès pénal en exerçant la plénitude de ses droits en tant que partie civile, bien que, in fine, le tribunal correctionnel, puis la Cour d'appel de Paris dont l'arrêt a été confirmé en cassation le 16 octobre 2013, l'aient tous deux déclarée irrecevable à agir.

C'est donc paradoxalement une partie civile qui n'avait pas la qualité d'être présente à l'audience qui a été la seule partie à y prendre part.

Jugeant cette participation au procès contraire à la loi, l'Ases-CC et certains prévenus ont assigné l'Unadfi pour faute. L'association antisectes a été condamnée à verser aux demandeurs la somme de 21.000 € par la Cour d'appel de Paris. Dans un arrêt du 20 novembre 2015, cette juridiction a jugé "qu'en choisissant de tels fondements qu'elle savait inévitablement voués à l'échec, l'Unadfi a fait preuve de mauvaise foi et abusé de son droit d'agir en justice". Cet arrêt a été confirmé le 12 janvier 2017 par la Cour de cassation (Crim, 12 janvier 2017, n°K 16-11.067)

Parallèlement à cette procédure, l'Ases-CC a assigné l'Etat français pour faute lourde.

Elle invoquait l'illégalité des réquisitions de dissolution judiciaire prononcées à son encontre par les deux représentants du Parquet lors de l'audience du tribunal correctionnel du 15 juin 2009. Selon elle, de telles réquisitions constituaient un dysfonctionnement du service public de la justice.

Par un arrêt du 24 novembre 2015, la Cour d'appel de Paris lui a donné raison en jugeant que :

"... il demeure cependant que le ministère public qui, aux termes de l'article 31 du code de procédure pénale "exerce l'action publique et requiert l'application de la loi", se doit en toutes circonstances de  maîtriser les textes de loi et de connaître les évolutions ou modifications du droit positif en vigueur ;

que cette déficience caractérisée du parquet, quand bien même le tribunal, faisant une exacte application de la loi en vigueur n'a pas prononcé la dissolution de l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie Celebrity Centre, caractérise la déficience du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi".

L’État français a soumis cette décision à un pourvoi en cassation mais, par un arrêt du 22 mars 2017, ce pourvoi en cassation a été déclaré irrecevable, faute d'intérêt à agir. (Crim, 22 mars 2017, n°S 16-11.073)

La condamnation pour faute lourde de l’État a donc été définitivement confirmée.

Elle est conforme à une jurisprudence constante qui considère que l'erreur grossière dans l'application de la loi constitue une faute lourde de la part des magistrats qui sont supposés connaître les textes et les appliquer, ou, comme en l'espèce, ne pas les appliquer lorsqu'ils n'existent plus. Requérir la peine de dissolution contre une personne morale suppose donc que cette peine existe. »

>> Dans son acharnement à vouloir perdre la scientologie, l’État a dérapé et a triché : il s'est fait taper sur les doigts par la justice.
Mais ne cherchez pas à recouper cette information dans vos médias habituels : elle y a été censurée, comme toutes les informations qui viennent à la décharge et au bénéfice des minorités spirituelles désignées comme "sectes" par le pouvoir et mes confrères.
Le fait que l’État soit condamné cette fois-ci pour "faute lourde" aurait dû pourtant les faire réagir...
Cet article est certes assez technique, mais il a une importance capitale dans le cadre de la politique "antisecte" menée dans notre pays. Il sera utile à celles et ceux – bien rares – qui ont conservé leur liberté de penser et à qui la vérité et l'éthique importent plus que la bien-pensance et la confusion intellectuelle.
JL ML

 

 

 

Excommunication chez les Témoins de Jéhovah : les griefs des exclus et de l’Unadfi

Les Témoins de Jéhovah pratiquent l’excommunication envers les membres qui ont commis des « péchés » graves. Cette mesure entraînerait la coupure totale des liens sociaux et familiaux entre l’excommunié et les fidèles de la congrégation. Et de grandes souffrances chez les exclus. Selon l’Unadfi, cette pratique constitue une « atteinte aux droits de l’homme ».

Dans un document publié en décembre 2015, l’Unadfi aborde une pratique controversée et la qualifie d’ « atteinte aux droits de l’homme ». Selon l’association, « il s’agit de la mesure la plus radicale appliquée à un adepte qui commet ce qui est considéré (dans le règlement interne) comme un « péché grave » et ne se repent pas.

» La dénonciation des fautifs est clairement demandée, quitte même à violer le secret professionnel. Si cela s’avère nécessaire, les anciens peuvent aussi s’assurer, par des « visites pastorales » àson domicile, que chaque adepte vit conformément à la doctrine. L’excommunication d’un adepte fait généralement suite à une décision d’un tribunal interne, le « comité de discipline religieuse » composé de 3 ou 4 anciens.

» Celui qui quitte le mouvement de sa propre initiative est, lui aussi, traité comme un excommunié. Certains actes sont assimilés à un retrait volontaire, comme accepter une transfusion sanguine ou contester une doctrine (apostat).

» Alors que cette mesure ne devrait signifier que la rupture spirituelle, elle entraîne aussi l’ostracisme et le rejet par la coupure immédiate des liens sociaux et familiaux entre l’excommunié et l’ensemble des fidèles de la congrégation, y compris ses amis et sa propre famille.

» La Watch Tower, organe officiel du mouvement, donne à ses membres des instructions leur demandant de ne « plus fréquenter » ceux qui quittent son organisation (excommuniés, ou retirés volontairement), même si ces derniers font partie de leur famille proche : parents, enfants, frères, sœurs. De ce fait, celui qui quitte les Témoins de Jéhovah est exclu non seulement de l’Organisation mais également de sa propre famille restée dans le mouvement.

» Les victimes vont chercher aide et soutien sur des forums, auprès des associations, ou s’adressent à des organismes officiels quand ils existent (comme la Miviludes). Aujourd’hui, les anciens adeptes et l’entourage de familles Témoins de Jéhovah sont de plus en plus nombreux, dans tous les pays, à dénoncer les atteintes à leurs droits fondamentaux, atteintes « institutionnalisées » par le mouvement au nom de sa liberté de culte.

 La base biblique de l'excommunication

C’est sur la base de ce passage de la Bible que les Témoins justifient l’ostracisme envers ceux qui ont gravement « péché » (Première épitre aux Corinthiens de l’apôtre Paul 5 : 11-13) :

La Sainte Bible, éditions du Cerf, Paris, 1961.

L’internaute qui m’avait interpelé (dont la famille est impliquée dans le mouvement et auquel j’ai apporté une première réponse) est bien conscient que l’Unadfi, « tout comme la Miviludes, ne prendront d’initiative pour faire cesser la pratique de l’ostracisme chez les Témoins. Ils attendent que quelqu’un dépose plainte par exemple sur la base de l’atteinte au droit de changer de religion, mais c’est difficile [d’attaquer] une famille dont on recherche l’affection. La seule issue à cette pratique médiévale, sera l’information du public.

» Quant à une médiation, elle est absolument impossible. C’est un Collège central aux USA qui décide de tout. Il ne peut être contesté du fait qu’il est censé être le seul porte-parole de Dieu sur la terre. La pratique de l'excommunication est actuellement sans cesse rappelée par les écrits [du mouvement] mais aussi par des vidéos lors des grands rassemblements ou sur leur chaine de télé sur internet ».

Dans cette vidéo, réalisée par le mouvement lui-même, il est clairement expliqué que la fidélité à Jéhovah (« la Vérité ») doit passer avant les sentiments, y compris familiaux.

Un extrait de La tour de Garde, un magazine du mouvement.

 Pour aller plus loin :

> Article précédent : L'excommunication chez les Témoins de Jéhovah est-elle incriminable ?

> L'excommunication sur le site officiel des TJ.
Il y est écrit : " (...) N’empêche que les liens du sang et les liens conjugaux perdurent. Ils continuent de mener une vie de famille normale et de se témoigner de l’affection".
L'internaute qui m'a interpelé dénonce un "double langage", car, selon lui et de nombreux témoignages d'exclus, dans les faits, la vie de famille "normale" n'est plus possible.

> Le blog de Thomas, 33 ans, qui quitté volontairement les Témoins de Jéhovah en novembre 2014, quatorze ans après son baptême dans cette organisation. Il se présente comme « chrétien pleinement épanoui et heureux dans [sa] nouvelle relation à Dieu à travers Jésus-Christ ». A consulter notamment pour la rubrique « Témoignages ».

> Prochain article : les explications et le commentaire (anonyme) d’un parent Témoin de Jéhovah.

La Cour de cassation confirme la condamnation de l’Unadfi face à l’église de scientologie

Le 12 janvier 2017, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi de l’Union des associations de défense des familles et de l’individu (Unadfi), qui se plaignait d’avoir été condamnée par la Cour d’appel de Paris pour abus de droit.

Alors qu’elle n’était pas légitime pour le faire et qu’elle le savait parfaitement, l’Unadfi s’était quand même portée partie civile contre la scientologie dans un procès qui s’était déroulé en 2009 (première instance) et en 2011 (appel).

Eric Roux, président de l’Union des églises de scientologie de France.

L’Association spirituelle de l’église de scientologie (ASES-CC) avait alors assigné l’association « antisecte » en lui reprochant d’avoir ainsi commis un abus de droit. Elle estimait que cette constitution de partie civile abusive avait « pollué les débats judiciaires et que la mauvaise foi de l’Unadfi était caractérisée par le fait que cette dernière savait pertinemment bien qu’elle était irrecevable, mais que son seul but était de nuire à l’Eglise et d’influencer illégalement les débats judiciaires en cours ».

En novembre 2015, la Cour d’appel de Paris a donné raison à l’église de scientologie en reconnaissant qu’il était « certain que la présence de l’Unadfi a influencé le déroulement du procès et le fond des débats » et en jugeant que sa mauvaise foi était établie.

Arrogance

La Cour avait aussi estimé que les propos tenus ensuite par l’église (« Cette demande est le fruit de l’arrogance d’une association présente à tous les niveaux de l’Etat, se sachant soutenue par la Miviludes et le ministère de la justice, assurant depuis plus de treize ans des formations aux magistrats du siège et que tous les ministères importants, y compris le premier ministre, financent à coût de centaines de milliers d’euros ») n’étaient pas diffamatoires.

L’Unadfi avait été condamnée à verser 21 000 € à l’ASES-CC et à ses membres. Elle s’était pourvue en Cassation.

C’est cette décision que la Cour de cassation a confirmée ce 12 janvier.

Pour le président de l’Union des églises de scientologie de France, Eric Roux, « il s’agit d’une décision importante, non seulement pour l’église de scientologie, qui voit ainsi confirmer par la juridiction suprême le fait que l’Unadfi a été la source d’une influence indue autant qu’illégale dans le procès en question, mais pour la justice en général, puisqu’aujourd’hui il faut réfléchir à deux fois avant de se constituer partie civile dans un procès sans légitimité et en toute mauvaise foi. Il faut maintenant que l’Unadfi tire les leçons de ce cuisant échec, mais aussi que les pouvoirs publics réalisent que lorsqu’ils soutiennent financièrement de telles actions, ils sont complices dans l’illégalité et dans l’abus ».

L’excommunication chez les Témoins de Jéhovah est-elle incriminable ?

Un internaute demande mon avis à propos de la pratique de l’excommunication chez les témoins de Jéhovah. Voici ce que je lui ai répondu.

Deux exemples de publications du mouvement.

La demande d'avis de l'internaute sur les témoins de Jéhovah était formulée sous cette forme, le 20 décembre 2016 :

« J'ai eu l'occasion de lire vos regrets de voir la Miviludes restreindre excessivement les libertés des organismes qualifiés de sectaires. J'aimerais avoir votre sentiment sur l'attitude de certains mouvements comme les Témoins de Jéhovah notamment dans le cadre de leur pratique extrême de l'excommunication. Leur attitude est décrite dans le document joint ; document réaliste compte tenu de ce que j'ai pu constater personnellement ! Ce document rapporte des faits exacts. »

Était joint à sa demande un lien vers un document publié par l’Unadfi : « Témoins de Jéhovah, l’excommunication, une atteinte aux droits de l'homme ».

Et voici ma réponse :

« Je vous rappelle en premier lieu que la République, en raison de son principe de laïcité, n’intervient pas dans le contenu des croyances et les respecte toutes, dans la mesure où elles n’enfreignent pas les règles du droit.

Je vous rappelle également, si vous suivez mes interventions, que mes analyses et critiques portent sur les pratiques de la Miviludes et des associations du type de celle dont vous me présentez un document.

Dans le cas présent, vous m’affirmez que le document « rapporte des faits exacts ». Je vous bien vous croire. Je note seulement que ni la Miviludes, ni l’Unadfi ne cherche ni ne donne des informations contradictoires ou des avis opposés, ce qui serait la moindre des choses dans un pays démocratique. Elles font donc preuve de partialité, ce que je leur reproche, étant toutes les deux financées par de l’argent public. Le public, dont je suis, ne peut donc pas se faire lui-même son propre avis sur ces questions.

Par ailleurs, vous dites avoir constaté « personnellement » la réalité des faits rapportés dans le document. Vous êtes peut-être partie prenante dans ce dossier, vous-même étant un ancien disciple ou connaissant un proche impliqué. Nécessairement, votre vision est teintée d’émotions et de sentiments qui s’ajoutent à votre vision des choses et ne permettent pas une attitude objective. C’est tout à fait normal mais, pour un observateur extérieur comme moi, c’est insuffisant pour établir mon jugement.

Concernant l’excommunication : la plupart des religions ont leur règlement intérieur (le droit canon, par exemple, pour l’église catholique) dans lequel sont indiqués les critères d’intégration et d’exclusion. Il n’est pas anormal qu’un membre de la communauté qui n’en respecte pas les principes puisse être exclu. Après, si les formes de cette exclusion « portent atteinte aux droits de l’homme », c’est à la justice d’en décider, et au cas par cas. Et non à l’Unadfi, engagée « contre les sectes », ce qui est proprement illégal, les « sectes » n’étant pas interdites en France.

Cela dit, je peux comprendre que des attitudes excessivement rigides de ce mouvement ou d’un autre puissent en blesser des membres ou leur entourage. Il manque en France un lieu, un organisme impartial qui pourrait recueillir leur plainte et servir de médiateur (et non d’accusateur ou de procureur comme c’est le cas aujourd’hui), ce que je m’efforce de faire, afin d’apaiser les tensions et de construire des compromis satisfaisants pour tous les partis en lice.

Cordialement. »

Sectes, terrorisme : la funeste erreur d’analyse de l’État français

Pourquoi la lutte « antisecte » n’a pas empêché la multiplication des groupes spirituels ni la profusion des actions terroristes ? Parce que sa doctrine et, en conséquence, ses analyses, sont erronées.

> Par Julien Massenet, sociothérapeute.

Quand un médecin pose un diagnostic inapproprié, il ne faut pas s’étonner que son traitement soit inefficace. La France, trop confiante en sa capacité de raisonner, qui l’a conduite notamment à promouvoir ce bel outil qu’est la laïcité, a fini par penser qu’elle détenait la vérité sur le « vivre ensemble » : tout citoyen est libre de penser ce qu’il veut, mais nul ne peut imposer sa conception des choses. C’est pourquoi, par exemple, elle est (presque) parvenue à décoller la religion des affaires de l’État.

Excellent principe.

L’ennui, c’est que cette distinction nécessaire s’est muée en une hostilité plus ou moins patente envers les fois, les convictions, les croyances « différentes ». Une hostilité insufflée du plus haut niveau de l’Etat (Miviludes, Fecris) et entretenue par les médias et des groupes d’influence privés (Unadfi, CCMM, etc.) financés par le gouvernement.

Une politique spécifique a été crée en France, cas presque unique dans le monde, pour contrer les minorités spirituelles par la diabolisation et la poursuite judiciaire.

Bouc émissaire

Mais comment le pouvoir (de droite comme de gauche) a-t-il pu faire admettre une telle discrimination de fait  au peuple qui se souleva pour défendre pour les droits de l’homme ? Il utilisa simplement la vieille recette du bouc émissaire qui marche tellement bien. Il désigna donc une source du mal contre laquelle la lutte pouvait apparaître rationnellement justifiée et socialement acceptable : la secte !

Alors que les différentes minorités présentes en France ne posaient pratiquement aucun problème, le massacre de l’Ordre du Temple solaire (OTS) fournit en 1995 un très opportun prétexte (alors même que l’affaire n’est toujours pas élucidée, mais passons, ce n’est pas ce qui nous intéresse ici). Ce qui nous intéresse, c’est de constater que la peur fut le principal outil du pouvoir et de la presse pour empêcher divers mouvements comme les Krishna, les Moon, les raéliens, les Témoins de Jéhovah, etc., de vivre normalement dans la société avec leurs différences.

Envoûtés

Faire peur est une chose, mais expliquer est autre chose. On a alors réussi à convaincre les Français que les membres de ces mouvements ne pouvaient qu’avoir été en quelque sorte « envoûtés » par des gourous. On ainsi émergé différentes expressions qui ont fait florès : viol psychique, manipulation mentale, emprise, etc.

Il était impossible, pensait-on et clamait-on partout, que « nos » enfants, élevés dans la sainte religion ou selon les sains principes de la raison, puissent tout d’un coup changer leurs habitudes de se nourrir et de se vêtir, vouloir prendre des distances avec leur famille (cellule sacrée de la société !), professer des idées extravagantes comme le pouvoir de guérir par la prière, ou plus récemment, la nécessité de se faire exploser en public pour tuer un maximum de gens, etc.

Ces étonnantes modifications étaient forcément involontaires et donc ne pouvaient que résulter d’actions hypnotiques entreprises par des groupes et des personnes aux pouvoirs diaboliques. Aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, c’est bien ce qui s’est passé dans la France du XXe et qui se passe toujours dans celle du XXIe.

État de sujétion

Comme nous sommes un pays de gens rationnels et intelligents, nous sommes parvenus à « expliquer » ce phénomène magique. C’est là que les psychiatres sont entrés en jeu. Ce sont eux qui ont fourni le concept clé qui a permis l’acceptation sociale, médiatique et juridique. Une acceptation qui fut même inscrit dans notre droit par la loi About-Picard de 2001 qui a consacré « l’état de sujétion ».

Grâce à cet artifice (car ce concept n’a aucune validité scientifique ni médicale), la victime d’une pression psychologique est entièrement dédouanée de TOUTE responsabilité dans la situation qu’elle a connue. Car un manipulateur, quel qu’il soit, a pu entrer dans for intérieur et prendre les commandes de sa volonté.

Or, ceci est impossible ! La rationalité, l’intelligence, l’autonomie de pensée ne peuvent être appropriées par un autre. Au pire, elles peuvent être trompées, orientées, abusées. Cela, certes, existe. Mais le pilotage total d’un moi de quelqu’un par quelqu’un d’autre est impossible, même sous hypnose. La conscience (le « je » d’une personne) n’est accessible qu’à cette seule personne, chacun peut en faire lui-même l’expérience intérieure !

Monade

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Le point encerclé a été utilisé par les Pythagoriciens pour représenter le premier être métaphysique, la monade.

Le sujet n’est jamais « objet » pour un autre ; il n’est toujours que sujet. Il ne peut jamais être perçu, touché et encore moins manipulé par quiconque. Tout ce que peut faire une personne extérieure, c’est bien sûr l’influencer, l’effrayer, le contraindre physiquement, le duper, etc.

Tout cela est possible, mais EN AUCUN CAS, cette personne ne peut lui ôter son autonomie, mettre son moi en esclavage, etc. Il y a toujours de la part du sujet ou de la victime une liberté qui adopte ou refuse la proposition extérieure, en fonction de ses critères, de ses connaissances, de ses croyances, de ses illusions, de ses attentes, de ses forces, etc. Car un sujet (une conscience) est une monade (au sens leibnizien du terme) maîtresse en sa demeure et intangible DE L’EXTERIEUR.

Cette chosification, cette objectivation de la conscience de l’homme par un autre que suppose la notion d’état de sujétion constituent une aberration très dangereuse individuellement et socialement parlant.

Fortifier le citoyen

C’est parce que l’Etat ne comprend pas cela que son combat contre les «soi-disantes « sectes » et le terrorisme est engagé sur une bien mauvais voie. Car il se limite essentiellement à combattre les groupes, les gourous jugés dangereux, etc. Certes, il faut réagir contre les profiteurs et les criminels. Mais, pour ce qui est des croyances, la seule véritable prévention, le seul moyen efficace de lutter contre les influences néfastes, c’est l’éducation, l’attention portée aux souffrances et aux situations de faiblesse (économiques comme psychologiques), c’est l’apprentissage du débat constructif et la formation à l’esprit critique.

Bref, c’est fortifier le citoyen, c’est accroître son degré de liberté par une politique – non plus une politique paternaliste de protection, comme c’est le cas essentiellement aujourd’hui –, mais d’information, de débat, de courage (ne pas craindre de prendre des risques), de confiance (vigilante) et – mais c’est sans doute beaucoup demander – de fraternité.

 

Aveuglée par son obsession antisectaire, la Miviludes a laissé libre champ au terrorisme islamiste

De 2002, date de sa création, à 2014, la Miviludes a ignoré les loups, issus de sectes ouvertement meurtrières, qui s’installent sur son territoire. Elle a préféré pourchasser les mouches pacifiques des minorités spirituelles et des alter-médecines. Résultat : un contresens mortifère et qui, malheureusement, perdure.

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Durement touchée par les attentats depuis janvier 2015, la France est le pays européen qui déplore le plus de morts lors d’attaques terroristes depuis 2004. Et le nombre de ces attaques ne cesse d'augmenter : Charlie Hebdo, Hyper Cacher, Paris, Saint-Denis, Saint-Quentin-Falavier, Magnanville, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray et plusieurs tentatives heureusement déjouées ou avortées...

France attentatsÉtrangement, la France est en même temps le pays qui dit être le plus acharné contre les « dérives sectaires ». Elle se dit « en pointe » dans ce domaine, grâce à l’imposant arsenal législatif, judiciaire et policier qu’elle a mis en place ces dernières années : Miviludes (lutte contre les dérives sectaires) dont le salaire du président a été multiplié par deux, Caimades (police spécialisée antisecte), loi About-Picard (loi punissant les « dérives sectaires »), associations antisectes financées par l’Etat (Unadfi, CCMM, Gemppi, etc.), innombrables campagnes d’alerte, millions d’euros dépensés chaque année…

Le problème – et il est de taille – est qu’elle s’est toujours acharnée contre des individus et des mouvements pacifiques en ignorant en même temps totalement les membres de groupes dangereux revendiquant ouvertement leur volonté de tuer.

Cécité face aux vraies menaces

La question de la création d’outils de prévention et de lutte contre la radicalisation islamiste a été extrêmement tardive. Elle n’a commencé à être prise en compte par la Miviludes qu’en 2014, elle qui existe depuis 2002. Ce n’est que depuis cette année-là, soit plus de 30 ans après les premières alertes sur les dérives sectaires islamistes !, que la Miviludes « travaille » sur « la détection et la prévention des comportements radicaux » islamistes.

Il est vrai que cette instance interministérielle n’a pas été aidée par l'Etat qui, tous gouvernements confondus[1], a été tout aussi aveugle et de parti pris : « Depuis les années 80, déplore dans le Figaro en mai 2015 Jeannette Bougrab, universitaire française devenue maître des requêtes au Conseil d'État, la France sous-estime la montée et la radicalisation de l’islam. (...) Les élites ont préféré se couvrir les yeux plutôt que de prendre la mesure des conséquences désastreuses de l’abandon de notre modèle républicain. J’ai tenté d'alerter à travers des écrits et des conférences sur la gravité du phénomène de radicalisation de jeunes musulmans, pour certains récemment convertis. Mais on a parfois la terrible impression que les gens s’habituent aux violations des droits les plus fondamentaux. »

Cette cécité totale face aux vraies menaces a été en revanche doublée d’une psychose paranoïaque face aux mouvements spirituels minoritaires (autres qu’islamistes) et aux médecines douces, et d’un acharnement sans faille depuis vingt ans à leur égard.

Dès 2005, les RG alertent sur la menace islamiste

Exemple frappant, en février 2005, un article du Monde rapporte la teneur d’un rapport sur le mouvement salafiste en France qui a été remis au ministre de l'intérieur par la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) : « Le terreau est favorable, la plante grandit et ses racines ne sont pas compatibles avec celles de la République. (…) [Le texte] dresse une cartographie de ses zones d’influence actuelles. Il aborde également ses modes d’action dans les quartiers sensibles, où il compte la plupart de ses militants et sympathisants, soit plus de 5 000 personnes au total, dont environ 500 constituent le noyau dur.

» Selon les RG, les salafistes contrôlent actuellement [en 2005] une quarantaine de lieux de culte sur l’ensemble du territoire et mènent des tentatives de déstabilisation dans une quarantaine d’autres, afin d’y prendre le pouvoir.

Dans un article de La Croix du 19 mars 2017, Didier Leschi, ancien chef du bureau des cultes au ministère de l’intérieur évoque le moment d'anthologie où il a tenu tête, s'appuyant sur des "faits et non sur des rumeurs", à Georges Fenech, alors président de la Miviludes. Lors de cette audition, il avait ajouté, concernant l'islam en France : « Ces dérives liées à l’Islam, cette attention, nous voudrions la faire partager à la fois par la Miviludes et par les associations de défense des victimes, or force est de constater que ce segment des dérives sectaires suscite peu l’attention, manifestement, les familles de ces jeunes n’intéressent pas, pas plus que les victimes». 

» L'étude de la DCRG montre que le salafisme, mouvance éclatée en perpétuelle évolution, a étendu son influence ces dernières années sur la quasi-totalité du territoire. En 2000, cette conception radicale de l’islam rassemblait des adeptes dans six régions ; aujourd'hui quatre seulement sont épargnées (la Basse-Normandie, la Corse, le Limousin, Poitou-Charentes). Pour les policiers des RG, le salafisme est l’antichambre privilégiée des jeunes islamistes qui épousent ensuite l'action violente ».

Cette même année, à la suite des attentats de Londres, la France avait relevé le niveau d’alerte du plan Vigipirate. Les renseignements généraux surveillaient très attentivement une quinzaine de petits groupes de radicaux islamistes sur le territoire. Il s’agissait d’individus, près de 150 au total, ­ ayant un engagement religieux extrémiste et des « velléités d'action délictueuses », selon l’expression d’un responsable policier.

La Miviludes muette sur la menace djihadiste

Ces dérives sectaires-là, qui auraient dû théoriquement entrer en urgence en tête de ses préoccupations si l’on en croit les objectifs qui lui ont été assignés, la Miviludes les ignore, alors même que la dangerosité de ces personnes est avérée et que le caractère « sectaire » de la déviance est manifeste [2].

JO Miv

Dans le Journal Officiel du 29 novembre 2002.

Non, cette année-là, elle publie un rapport qui ne dit pas un mot sur les risques islamistes et se concentre sur un prétendu "fléau social" : « À l’écoute des victimes et de leurs familles, la Miviludes dresse aujourd’hui un constat inquiétant des dommages provoqués par l’emprise exercée par des personnes ou des organisations se conduisant en maîtres à penser. De telles dérives se produisent dans tous les secteurs de la vie sociale, soins et santé, formation continue et soutien scolaire, sports et activités culturelles, groupes ésotériques ou mystiques. Elle relève que de nouveaux organismes apparaissent presque chaque jour, sans qu’aucun point du territoire ne soit épargné, ces micro-structures étant souvent beaucoup plus difficiles à cerner que les grandes organisations bien connues ».

Le danger, dans ce domaine, n’est pas apparent, mais la Miviludes se dit experte pour démasquer les escrocs : « Dans le registre de la séduction, écrit-elle dans son rapport, certaines organisations sectaires prônent, par exemple, la lutte contre la toxicomanie, le refus de la violence ou la défense des droits de l’enfant. Avant d’exercer la moindre critique à l’encontre de la générosité ainsi affichée, l’État va devoir apporter la preuve que ce beau langage est un leurre et qu’il dissimule une volonté de prosélytisme et de mise en situation de dépendance ou d’emprise mentale ».

Pour la France, les « sectes » sont plus une menace que les islamistes

Fenech & Blisko

Georges Fenech (à g.) et Serge Blisko, l'ancien et le nouveau président de la Miviludes.

Éprouvant d'énormes difficultés à administrer cette preuve, la Miviludes va, quelques années plus tard, imaginer un autre moyen pour convaincre les Français que lutter contre les minorités spirituelles et les thérapies non conventionnelles (médecines douces), qualifiés de « dérives sectaires » pour la cause, est autrement plus important urgent que d’œuvrer à stopper le virus djihadiste.

Elle va commander elle-même à Ipsos un sondage qui va aboutir, en 2010, à des résultats qu’aucun journaliste, d'ailleurs, n’a eu l’idée d'approfondir : les sectes (il n’était pas question des sectes islamistes) constituent une menace « importante » pour la démocratie selon 66 % des Français. 42 % d'entre eux les perçoivent comme une « menace pour leur entourage familial et amical ».

Et, plus extravagant encore, 20 % des personnes interrogées connaissent dans leur entourage une ou plusieurs « victimes de dérives sectaires » : soit un Français sur cinq ! De quoi, si cela était vrai, déclencher une mobilisation nationale immédiate, ainsi qu'un plan massif de protection. Il n'en a rien été.

En fait, ce sondage, largement répercuté sans esprit critique par la presse, ne repose sur rien d’objectif ni de factuel : il peut être analysé, tout au plus, comme le fruit réussi de la propagande antisecte de l’État.

Les « gourous » ne posent pas de bombes

La liste des mouvements et personnes injustement discriminés par la Miviludes est trop longue pour être rapportée ici. Les personnes intéressées peuvent consulter ses rapports annuels et les documents thématiques qui fourmillent d’accusations sans preuve et de dénonciations calomnieuses.

Ou voir ici pour la seule question des médecines non conventionnelles.

Les groupes et les personnes visées, qualifiées d’escrocs ou de « gourous », par la Miviludes ont parfois tenté de se défendre devant la justice. Mais, attaqués également par les médias et jugés par des magistrats formés dans ce domaine par la Miviludes et des associations comme l’Unadfi, ils avaient peu de chances d’être entendus. Comme ils n’ont pas posé de bombe ni assassiné personne, la moderne inquisition d’État a pu continuer tranquillement à les ignorer avec le soutien exprès des grands médias et d'un grand public complètement manipulé.

Le pouvoir exécutif, engagé sur une mauvaise conception de la « dérive sectaire », est impuissant à comprendre, encore moins à résorber, la vraie menace des vrais adversaires de la République que sont les djihadistes, qui ne s’embarrassent pas des subtilités du « débat démocratique ».

Les « gourous », eux, ne posent pas de bombes. Mais c’est ceux-là que la Miviludes pourchasse effectivement.

> Bref, si je devais résumer mon sentiment, l'aveuglement de la Miviludes, sa polarisation sur des mouvements qui s’écartent de la doxa laïque et scientiste, l'ont empêchée de voir les vrais dangers.  Mais il y eut aussi la peur de s'attaquer au dossier chaud, politiquement parlant, des différentes mouvances musulmanes en France. Il y a peu de risque à taper sur des personnes ou des groupes pacifiques et qui ne peuvent guère se défendre. En ce cas, la République est "en pointe". Quand il s'agit de s'attaquer aux groupes et aux discours de haine qui appellent à la destruction du pays, on est moins vaillant... Combien de morts et de blessés faudra-t-il encore pour que la France se réveille et modifie enfin son attitude ?

[1] Il y eut bien quelques exceptions, mais, comme souvent, elles n’ont pas été entendues. Ainsi, le député Benoît Hamon avait trouvé dommage que sur un sujet aussi sérieux que la burqa dans la République, on ne parle pas des mouvements qui inspirent ce type de militantisme radical religieux « notamment les mouvements salafistes » (le Figaro du 24 janvier 2010). Il avait ajouté que « si le gouvernement veut aller au bout, qu’il inscrive les salafistes au registre des sectes et des mouvements sectaires ». Mais on aurait alors risqué de mécontenter les « bons » musulmans et de dépasser les limites de l’État de droit. Pourtant, en 1995, les députés n’avaient pas hésité à sortir de l’État de droit en publiant, sans enquête ni débat, une liste de 175 mouvements supposés sectaires. Et il n'y avait dans cette liste ni l'Ordre du temple solaire, ni les groupes islamistes. De même, la Miviludes ne s'est jamais gênée pour établir – sans procédure scientifique ni contradictoire, bafouant sans crainte d'être réprimandée la présomption d'innocence envers les praticiens concernés – des listes des médecines douces présentées comme "à risque sectaire" (voir plus loin).

[2] Il faudrait réserver le mot « sectaire » aux mouvements qui, comme Daech ou Boko Haram, revendiquent ouvertement leurs crimes (viols, assassinats, attentats, etc.) au nom d’une idéologie à consonance religieuse ou politique.

> Voir aussi :

- Attentats, Nouvel Age.- Lutte contre toutes les « sectes » : les raisons d’un fiasco par Débredinoire.

- Analyse : Djihadisme et "dérives sectaires", par Jean-François Mayer, historien, fondateur de Religioscope.


Quinze ans de loi About-Picard : coup de projecteur sur la « manipulation mentale »

Pour « fêter » les 15 ans de la loi sur les « mouvements sectaires » (loi About-Picard), nous avons voulu apporter un éclairage original sur son concept central, l’emprise mentale, nommée juridiquement « abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique ou physique ».

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Au 10e anniversaire de la loi. De gauche à droite : Philippe Vuilque (Groupe d´études sur les sectes/Assemblée nationale), Catherine Picard (présidente Unadfi et co-auteure de la loi anti-sectes de 2001), Geogres Fenech (président Miviludes), Alain Gest (député, rapporteur de la commission d'enquête 1995) et André Fédéric (député fédéral belge, intiateur d´une loi contre les sectes inspirée de la loi française). Photo : Ouvertures.

En fait, « l’état de sujétion psychologique » n’existe pas. Cette formulation a été employée pour éviter les termes de « manipulation mentale ». C’est un crime inventé de toutes pièces par le législateur français le 12 juin 2001 pour pouvoir agir contre ce qu’il appelait alors les « sectes » ou les « mouvements sectaires » sans que ceux-ci aient rien judiciairement à se reprocher.

Ce crime n’a absolument aucun fondement scientifique et constitue une escroquerie sur le plan philosophique. C’est ce que nous allons développer dans cet article.

Cet énorme scandale judiciaire et humain, la société l’a pourtant facilement accepté et en nourrit même constamment le fantasme.

Énorme duperie

danger sectes

Produit iconographique typique du fantasme "antisecte" français qui recouvre la plupart du temps une peur ou une haine de la spiritualité.

Les médias sont au troisième rang des instigateurs de cette énorme duperie derrière le gouvernement (parlementaires, Miviludes, ministères) et les innombrables lobbies de l’intolérance spirituelle et thérapeutique : Unadfi, CCMM, Gemppi, Sentinelle, Vigisectes, Prévensecte, PsyVig, Conseils de l’ordre des médecins et de la pharmacie, etc.

Avant d’apporter la lumière sur cette incrimination nouvelle dans le droit français, une précision importante. Nous ne nions pas qu’il y ait des dérives dans certains groupes religieux ou de la part de praticiens des médecines non conventionnelles. Ces dérives occasionnent des préjudices et des souffrances que la société se doit de repérer, de sanctionner et d’empêcher.

La société doit s’organiser pour ce faire, notamment en créant des lieux d’écoute des victimes éventuelles liés à des procédures de médiation (et non d’inquisition comme aujourd’hui). Les actions de répression ne devraient intervenir que dans un deuxième temps.

Ensuite, cette organisation doit toucher tous les secteurs de la société (entreprises, partis, religions, associations mais aussi familles) et non seulement les mouvements dits « sectaires », cette spécification constituant déjà à notre sens une discrimination interdite pourtant par la loi.

Gardiens du système matérialiste

Il n’était nullement nécessaire de concevoir une loi ad hoc « antisecte », comme cette loi About-Picard du 12 juin 2001 qui crée précisément la notion de sujétion mentale. Ce texte a quand même vu le jour car les « gardiens du système » matérialiste[1] avaient besoin de pouvoir condamner des personnes ou des groupes qui n’avaient commis d’autre délit que celui de penser, soigner, éduquer « autrement ».

Ces forces conservatrices ont réussi à faire admettre cette idée absurde que les personnes qui se convertissent, qui épousent une pensée différente de la leur, ne peuvent le faire que contraintes et forcées, et dépossédées de tout libre arbitre par les « sectes ». Mais comme le droit interdit de discriminer n’importe quel groupe humain, le terme de « secte » a dû être abandonné.

C’est alors que le génie administratif français a inventé le terme de « dérive sectaire », même s’il n’a pas pu lui donner de définition juridique foncière. Il s’est contenté de le caractériser par l’addition d’un certain nombre de critères pratiques, comme les « techniques propres à altérer le jugement pour conduire les personnes à un acte gravement préjudiciable pour elles ».

Qui veut noyer sa « secte »

Cela favorise tous les abus de pouvoir contre des personnes ou des groupes actifs. En effet, le gouvernement ou la justice peut à loisir se choisir une cible et l’accuser de dérive sectaire. N’importe quel comportement peut être considéré comme technique propre à altérer le jugement. Il n’existe pas d’échelle scientifique pour distinguer entre l’influence, le charisme, l’empire, l’ascendant, l’autorité, la pression, la domination, le magnétisme, etc.

Quand on veut noyer sa « secte », il suffit de parler d’emprise et le tour est joué ! Tout le monde alors prend peur, se scandalise et applaudit à la répression.

Tout le monde a peur parce que tout le monde croit au fantasme de la « captation de la pensée » par autrui. Cette locution se trouve textuellement dans des jugements pour dérive sectaire.

"L'instance qui choisit"

La captation de la pensée par un mouvement quel qu’il soit est un fantasme car il est impossible d'atteindre de l'extérieur "l'instance qui choisit" à l'intérieur d'autrui. Il est impossible non plus de distinguer de l’extérieur la frontière entre consentement légitime et consentement illégitime d’une personne à une idée. Il y a tellement de paramètres (psychologiques, moraux, politiques, sociaux, philosophiques, religieux, etc.) à prendre en compte !

De même, et surtout, nul ne peut être dépossédé de son libre arbitre. Il peut le déléguer, l’abandonner, le faire dépendre d’autrui, oui. Mais c’est un acte de sa part, un acte sur lequel il peut toujours revenir, pour peu qu’il reprenne conscience des choses. Ôter cette responsabilité à un individu, ce que fait la justice quand elle consacre une victime d’emprise mentale, c’est l’assassiner philosophiquement et spirituellement. Car il lui est alors impossible de retrouver totalement son autonomie intérieure, celle-ci lui ayant été rendue « de l’extérieur » et n’ayant pas été reconquise par elle-même. Seul moyen pourtant d’épanouir pleinement son humanité.

[1] Ce système comprend également des représentants des religions « reconnues » qui cherchent à protéger leur pré carré.

La politique antisecte nuit également aux victimes qu’elle prétend défendre

Effet pervers de la politique française contre les minorités spirituelles et thérapeutiques : le gel du processus de guérison des victimes une fois celles-ci reconnues comme telles par la justice.

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Élisabeth Roudinesco, psychanalyste, durant l'émission de France5. Cliquer sur l'image pour voir la vidéo.

Voyez l’extrait vidéo ci-contre. Tiré de l’émission publiée par France5 le 19 avril 2016, il montre la conclusion de son « enquête au cœur de la manipulation mentale » illustrée par trois cas de thérapeutes « déviants » poursuivis ou condamnés en justice.

Dans cette conclusion, deux questions majeures et très pertinentes sont posées par Élisabeth Roudinesco, psychanalyste :

- « La justice répare et apaise. Mais permet-elle pour autant de tourner la page de l’emprise mentale ? »

- Une fois la justice rendue, on peut alors se demander « pourquoi un patient a contribué lui-même, dans un pays libre et démocratique, à devenir une victime du pire [l’emprise mentale] ? ».

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Serge Blisko, président de la Miviludes.

C’est en effet une constante chez ceux qui sont « sortis de sectes » avec l’aide des structures institutionnelles que sont les ADFI, de la Miviludes, etc. : une fois reconnue socialement la réalité des préjudices à leur égard, étape indispensable au retour de leur équilibre, les victimes ne parviennent pas à s’expliquer comment elles sont pu passer plusieurs années dans une situation de soumission et d’acceptation d’empiètements sur leur intimité.

Et mon sentiment est qu’elles sont empêchées de le faire. Empêchées par le mode de traitement de ces affaires par l’État, un mode essentiellement dénigratoire et répressif. Et surtout, par l’emploi de la locution « dérive sectaire » pour qualifier les déviances constatées.

La faute de l'autre

France5Cette étiquette évite d’étudier le dossier sereinement, comme on l’attendrait d’une Justice impartiale, à charge et à décharge. Puisque tout aura été la faute de l’autre, et seulement la faute de l’autre, cette étiquette a cet effet pervers d’empêcher les victimes, une fois reconnues comme telles, de faire le travail d’introspection indispensable pour se reconstruire et recouvrer la pleine autonomie de leur pensée.

En effet, en assimilant ces « dérapeuthes » (thérapeutes déviants) à des gourous aux pouvoirs illimités, les antisectes travestissent la réalité. La réalité est plus complexe, forcément plus complexe. La vérité, c’est que la conscience de tout individu est impénétrable à autrui. Certes, et bien évidemment, elle peut connaître des influences, des pressions, des tromperies de toutes sortes. Mais au bout du compte, et dans quelque situation de ce soit, le for intérieur humain est précisément le seul endroit où chacun se trouve seul maître chez soi, quelque soit son environnement physique. L’étincelle de conscience, le « je » intime – qui est autre chose que le moi psychologique ou neurobiologique – est inviolable.

Quand on fait croire aux victimes des « sectes » qu’elles ont vécu une « emprise absolue », un « meurtre de leur esprit », une « perte totale de leur libre arbitre », qu'« on a pris le contrôle de leur vie », etc., comme le prétendent les antisectes, on leur ment. Car tout être humain ne peut qu’accorder de son propre chef une part de lui-même, sous la forme d’une signification, voire d’une évidence, à tout ce qu’on lui présente. Même infime, cette part ne peut pas, ne doit pas être occultée. Nier cette vérité, ce serait, outre une erreur cognitive, nier l’humanité, la dignité de la personne.

Si l’emprise avait été totale, alors il faudrait annuler tous les actes administratifs que la personne envoûtée aura signés pendant toutes ces années : contrat de travail, contrat de mariage, etc., parce qu’ils auraient été en fait décidés par une « autre personne » qui aurait pris les commandes de sa raison…

Petite voix

Encore une fois, la victime peut certes avoir éprouvé fascination, ascendance, domination, tyrannie même, à son encontre, mais toujours, d’une façon ou d’une autre, une liberté en elle lui a proposé (sans s’imposer) d’assentir ou de refuser. On a toujours, en permanence, un choix de pensées qui nous est proposé.

Le vrai problème, c’est qu’elle n’a pas su entendre ou accueillir cette petite voix. C’est qu’elle n’a pas appris à suivre sa boussole intérieure. C’est en cela que réside essentiellement le risque – et non dans la prétendue toute puissance du « gourou ».

À chaque fois, il y a forcément une forme d’une adhésion. Celle-ci ne peut venir que de la personne qui fait face aux sollicitations ou pressions externes.

C’est en cela que réside notre dignité d’être humain et que nul ne peut nous retirer.

Comprendre cela permettrait aux victimes de ne pas tout jeter de ces années sous influence. Elles pourraient enfin faire la part des choses entre ce qui leur a été dit ou fait avec tromperie et ce qui a pu leur apporter une autre vision des choses, l’accès à d’autres dimensions de la vie jusqu’alors insoupçonnées. Il n'est pas souhaitable qu’elles se sentent poussées à jeter à la poubelle tout ce passé, les empêchant de valoriser certains aspects positifs qu’elles peuvent en tirer malgré tout.

France5 : « Emprise mentale, quand la thérapie dérape »
Manipulation : 1 ; déontologie : 0

Si vous cherchez un exemple clair et irréfutable de la façon dont les médias vous manipulent et trahissent leur mission, regardez cette émission. Au delà du fond – pour lequel j’exprime toute mon empathie aux victimes –, je note que les réalisateurs de l’émission ont « oublié » les règles essentielles de la déontologie journalistique :
- Présentation uniquement à charge de trois thérapeutes sans leur donner la parole
- Absence de tout avis contradictoire
- Fort accent mis sur l’émotion (gros plans sur les familles éplorées, exacerbation du sentiment de peur, etc.)
- Travestissement de la vérité : par exemple, la commentatrice affirme que la Miviludes reçoit  « 2 500 plaintes » par an, alors que cet organisme n’est pas habilité à traiter des plaintes mais seulement des signalements, parmi lesquels il faut compter les simples demandes de renseignement, interrogations, etc. Ce n’est pas un détail car cela sert à effrayer plus.
- Partialité. La présentatrice « oublie » de préciser, bien qu’on parle de justice, que l’État, la Miviludes et l’Unadfi ont été condamnés plusieurs fois pour déni de justice et diffamation dans ce type d’affaires. Et que Me Picotin , l’avocat antisecte interviewé dans le reportage, avait été condamné en 2015 pour avoir surfacturé un couple pour une aide de « sortie de secte » qu’il leur avait apportée…
De même, dans le « débat » qui a suivi, il n'y avait que des personnes à charge, en premier lieu desquelles la journaliste...

En faisant de l’activité qu’ont suivie les « victimes » une abomination, on fait de celles-ci des déchirés : comment ont-ils pu adhérer à un mal absolu ? De cette façon, on leur interdit d’admettre qu’il y ait des aspects positifs ? Ils DOIVENT renier ce genre de pensées résiduelles, donc se renier eux-mêmes.

En élaborant une capacité personnelle de discernement, au contraire, elles peuvent reconquérir leur autonomie de pensée. Au lieu de ne devoir leur salut qu’à la puissance publique dont elles risquent d’une part d’être toujours dépendantes, d’autre part, de ne pas voir ses intérêts et motivations cachés (et ils sont nombreux ; voir d’autres articles sur ce site). Et au lieu de demeurer dans une sorte d’infantilisme qui ne devrait sa sécurité qu’à la protection de l’État sur des sujets qui ressortissent pourtant en premier lieu du libre arbitre.

En fait, ce que j’ai envie de dire aux Françaises et aux Français qui tremblent à la seule évocation du mot « secte », c’est d’avoir peur moins des « sectes »[1] que de leur propre crédulité, de leur trop grande confiance comme de leur trop grande méfiance, de leur passivité intellectuelle, de leur oubli à penser par eux-mêmes, de leur inculture spirituelle, bref de leur manque de confiance résultant de la jachère de leur vie intérieure.

[1] Du moins des groupes pacifiques, qui constituent l’essentiel des mouvements en France, et des personnages charismatiques.