Archives par étiquette : Dieu

Philosophie radicale (4) : Athée et croyant ont chacun raison, ou Dieu sans Dieu

La philosophie radicale, préalable à toute philosophie, justifie tant le croyant que l’agnostique ou l’athée. Parce qu’elle se base, non sur une croyance ni même un savoir, mais uniquement sur l’appréhension de la liberté qui forme l’essence du moi de tout homme qui pense.

AVERTISSEMENT

La nouvelle version de cette série de 5 articles,
réunie en un seul, est désormais présentée
sur academia.eu

Mal comprise, la philosophe radicale peut être accusée autant d’athéisme que de mysticisme.

Bien comprise, elle permet de comprendre, tout en affichant son originalité, les différentes positions philosophiques qui se sont exprimées au cours de l’Histoire de la pensée (et sur lesquels nous reviendrons ultérieurement). Elle ne peut être vraiment connue qu’en étant pratiquée. Ce qui interdit de fait son accès aux dogmatiques.

La question de Dieu, vite apparue comme incontournable dans tout cheminement réflexif, ne peut être évacuée d’un revers de la main. Car elle se confond avec celle du principe de causalité, de l’origine de l’Univers, de l’esprit et avec le pourquoi de l’homme et de l’Univers.

A sa façon, elle partage l’humanité entière entre ceux qui croient, ceux qui doutent ou s’en moquent et ceux qui affirment son inexistence.

Nous avons vu qu’en tant que penseur, je ne puis m’appuyer que sur une seule certitude absolue  : j’ai conscience d’avoir conscience  ; ma pensée est un fait/acte d’elle-même qui s’impose à elle.

Dans le moi (ego), il y a identité parfaite entre le je qui pense et le je qui est pensé. Cependant, cette identité est scindée en elle, étant composée du couple sujet et objet, je pensant et je pensé. Cette dualité interne à la pensée va « colorer », structurer toute connaissance que je peux élaborer, si bien que je ne peux pas percevoir l’unité. Et donc que mon identité foncière reste problématique.

Je me conçois nécessairement avec une fracture radicale permanente à l’intérieur même de mon penser.

Nous avons vu que cette unité, qui ne peut pas être vue de façon objective, doit cependant être supposée en principe agissant de la conscience pure (✴︎)  : la conscience est un point focal qui rayonne la lumière du sens (signification). « Je » est un rayon dont l’ampoule est le moi et l’ego la lampe. Il éclaire pour le moi toutes choses, intérieures et extérieures, dans leur diversité illimitée.

D’où vient la conscience  ?

La démarche scientifique est essentiellement fondée sur le principe que tout effet a une cause. Ce principe se retrouve également dans la démarche philosophique sous le nom de « raison suffisante ». La question que je dois me poser est donc  : d’où vient cette conscience  ? Quelle en est sa cause  ?

Nous avons vu que cette question n’est pas pertinente. En effet, la conscience est la source qui produit le sens. Avant que le sens n’apparaisse, il n’y a pas de sens. Cela semble une lapalissade mais c’est une évidence que très peu de gens perçoivent, tant nous sommes habitués à chercher une cause à tout effet. Et, pour nous, la cause est toujours préalable à l’effet. Or, en vérité, s’il n’y a pas d’effet s’il n’y a pas de cause, il n’y a pas non plus de cause s’il n’y a pas d’effet. Une cause toute seule, non suivie d’effet, ne peut être appelée cause.

Le phénomène « cause/effet » est un couple indissociable qui se manifeste comme un jaillissement soudain.

La conscience constitue un tel couple.

Ce fait, dûment constatable, fait du je un fait/acte sans cause préalable. Il faut nécessairement admettre cette absence de cause, de fondement autre qu’elle-même, si l’on veut accueillir la conscience dans ce qui fait de toute évidence sa spécificité  : spontanéité absolue, surgissement de lumière, pure émergence de sens produit par mon je pour mon moi.

C’est pourquoi le chapitre précédent conclut qu’un être humain est « à l’image de Dieu ». Je est (sic) à l’image de Dieu (philosophiquement parlant, dans l’idée d’un Être sans créateur)  : il n’est pas objet, créature, produit d’une force extérieure à lui. Il est lui-même jaillissement auto-produit et il génère tout ce qu’il se présente à lui-même  : pensée, sentiments, perceptions, etc.

C’est pourquoi la science, malgré la profusion des instruments qui sont aujourd’hui à sa disposition pour explorer les arcanes du cerveau (EEG, IRM, etc.), est toujours – et sera toujours – impuissante à objectiver le processus de fabrication de la pensée. Elle peut en observer de plus en plus finement les effets mais ne peut pas dire d’où elle vient  : le je est définitivement hors de portée de son investigation.

Réalité et apparence

On a bien à l’esprit que je parle ici du je premier sujet – et non du moi empirique. Car le moi empirique, psycho-physique, celui que l’hérédité et l’environnement ont forgé, lui est bien « objet », effet d'une cause, créature, produit d’une force extérieure à lui. Nous avons vu l’enjeu majeur que représente le lien entre le je et le moi (S = ✴︎ + O).

N’étant pas empirique, ce je peut aussi être qualifié de transcendantal (Kant, Husserl…).

Il faut bien distinguer les deux. Je est en amont ou au dessous de moi, il le précède logiquement dans son mouvement d’existence, bien qu’ils coexistent en permanence, n’apparaissent toujours qu’ensemble et ne forment qu’un d’une certaine façon.

C’est toute la subtilité qu’il s’agit de percevoir.

Anticipant les conséquences du notre premier principe (« je suis parce que je suis conscient »), nous pouvons déjà dire que notre ego, cette union du je et du moi, est la clé de notre compréhension de l’univers  : tout phénomène, y compris mon existence, est constitué à la fois d’être et d’apparence.

« Je » ressortit à l’être  ; « moi » à l’apparence. Mon ego est ainsi un composite d’être et d’existence, de réalité et d’illusion, d’éternité (nous démontrerons que l’être ne peut être qu’éternel) et de fugacité, de liberté et de déterminisme.

Et tout l’enjeu de la destinée humaine se joue dans ce va-et-vient entre le moi et le je. Comprendre cette articulation aide à mieux conduire sa vie, à faire des choix plus justes, c’est-à-dire plus en harmonie avec ce que nous sommes vraiment.

L’inconscient (freudien) « n’existe » pas

Cette particularité qu’a le je d’apparaître sans cause préalable peut être difficile à adopter pour beaucoup.

Certains diront  : « Vous oubliez l’inconscient  ! »

Nous avons dit de l’« inconscient » qu’il ne pouvait expliquer l’« avant » de la conscience. L’inconscient est un terme utilisé en psychanalyse, popularisé notamment par Freud, qui désigne l’ensemble des phénomènes physiologiques et psychiques qui échappent à la conscience du sujet, comme par exemple, ce centre de pulsions, en particulier sexuelles, que l’on nomme le « ça ».

L’inconscient aurait une vie propre qui déterminerait la plupart de nos actes.

Comme Jean-Paul Sartre, nous pensons que l’inconscient n’existe pas. En effet, croire en son existence, ce serait croire en un conscient-non conscient, ce qui est absurde car le conscient est toujours conscient de lui-même. C’est absurde si l’on pense que les deux, le conscient et l’inconscient, sont le même être.

S’ils ne sont pas le même être, ce serait croire qu’il y a en nous une sorte d’entité autre que nous-même, régie par ses propres lois, qui aurait les moyens d’influer sur nos comportements. Il y aurait donc deux centres de commandement, deux sujets en chaque sujet, ce qui est impensable, l'esprit ou la conscience étant indivisible.

C’est pourtant, malheureusement, une fausse croyance très répandue, qui conduit par exemple en l’existence en soi d’un démon. Les effets délétères de la discordance interne entre le je et le moi se dédouanent ainsi à moindre frais.

Une autre explication est tout à fait concevable  : l’inconscient nomme tout simplement l’ensemble formé par notre corps, notre cerveau et leurs différents processus physiologiques et nerveux qui agissent dans le présent, comme tout ce qui est vivant, en relation avec notre esprit conscient.

Hasard ou Dieu ?

L’inconscient, c’est la « matière » accumulée par notre moi, distingué du je. Le je oriente la conscience mais, étant lié au moi (par la sensibilité et l’histoire), il en reçoit (mais pas forcément « subit ») les influences.

Bien sûr, la plupart du temps, nous n’apercevons pas ces processus du moi, mais nous pouvons les ressentir, en observer les effets et comprendre leurs modalités d’action. Inconscient est alors synonyme d’inattention ou d’ignorance.

Cette question d’une cause à notre conscience est aussi mal posée dans le sens ou notre conscience, pas plus que notre moi d’ailleurs, n’est une « chose ».

Nous l’avons vu, le ✴︎ qu’il faut nécessairement supposer à l’origine de notre conscience, est pensée/acte. Plusieurs philosophes, pourtant cartésiens, ont reproché à l’auteur du cogito d’avoir réifié le moi, d’en avoir fait un objet concret opposé à l’étendue, rendant dès lors incompréhensible le lien entre esprit et matière.

Dès lors, la seule véritable alternative qui se pose est la même que pour l’origine de l’Univers  : la conscience, le je, est-elle le « fruit du hasard et de l’évolution », a-t-elle émergé « naturellement » en simple « produit » de la matière ou a-t-elle une origine divine, création volontaire d’un Dieu à partir de rien (ou de Lui-même)  ?

La question est posée à chacun d’entre nous.

La réponse ne s’imposera jamais de l’extérieur puisque c’est là précisément ce qui fait la spécificité de l’être humain  : à lui de choisir son destin.

Notre croyance oriente notre pensée

Je suis en permanence devant une sorte de croisée de chemins que je dois emprunter parce que la vie, le temps qui passe, me poussent en avant. Je le fais plus ou moins consciemment mais je le fais en liberté (voir chapitres précédents) et, donc, en responsabilité.

Je suis là au lieu où peuvent bifurquer les différentes conceptions philosophiques, selon chacun de mes choix.

Je choisis sans cesse mes pensées en fonction de ce que je crois et désire. C’est ce choix qui exprime ma vision du monde.

Ce n’est qu’ensuite que je vais tenter de le justifier par des raisonnements plus ou moins rigoureux selon mon caractère et mes intentions plus ou moins conscientes.

Nous ferons facilement apparaître cette vérité quand nous étudierons l’une après l’autre les grandes figures qui ont marqué l’Histoire de la pensée.

Le penseur qui ne veut pas d’un Dieu et ne voit partout que de la matière sera sceptique, matérialiste, empirique, « réaliste », etc.

Celui qui croit en l’existence d’un Dieu verra Celui-ci à l’origine et aux commandes de toutes choses.

Le troisième, enfin, continuera de s’interroger sans prendre partie, voyant dans chaque position des apories et des contradictions insurmontables.

Ce que l’on croit détermine le choix de nos pensées. C’est notre conviction qui préside à toute sélection d’une orientation philosophique, religieuse ou tout simplement de mode de vie.

Chacun a de bonnes raisons de croire en ce qu’il croit tant que la dualité, qui le constitue sans qu’il le sache, lui masque en fait son essentielle liberté. Son esprit étant producteur de sens, il ne peut faire autrement que de choisir une vision du monde, même s’il croit s’abstenir de le faire. Car il doit vivre, décider chaque jour de se lever ou non, de réfléchir ou non, d’aimer ou non, de travailler ou non, de manger ou non...

L’essence de la laïcité

Sachant cela, tout système de pensée, y compris scientifique, est, en son fond, affaire de conviction et de croyance. Nul donc ne peut se prévaloir de détenir la vérité concernant l’existence ou la non-existence de Dieu. Les combats philosophiques ou religieux sur cette question, bien qu’éventuellement instructifs, sont stériles.

Il existerait bien une façon d’accorder tout le monde, ce serait qu’un individu parvienne, par ses actes, à prouver l’existence de Dieu. En attendant la réalisation de cet « exploit », celle-ci ne peut qu’être une hypothèse, plus ou moins étayée. Seule l’existence de l’être peut être affirmée absolument  : puisqu’il y a quelque chose, au moins mon cogito, il y a toujours eu quelque chose puisque du néant, rien ne peut sortir. A moins de sortir du rationnel…

C’est cela l’essence de la laïcité telle qu’elle n’est malheureusement pas assez expliquée. Si l’on s’en tient à la réalité de la conscience et de son mode de fonctionnement, et tant que l’on n’a pas prouvé l’existence de Dieu (si tant est que cela soit possible et qu’on y parvienne un jour), la pensée commune ne peut avoir comme base partagée une quelconque religion, sinon celle de l’Être puisque la réalité de l’être s’impose à toute conscience. Reste la question de savoir ce qu’est l’Être. Nous y reviendrons.

A l’inverse, puisque que la raison est forcée de reconnaître la transcendance du je qui l’anime, le schisme radical qui déchire le moi, la dualité qui le constitue, le vide absolu qui masque son origine, elle (la raison) ne peut/doit pas refuser l’hypothèse de sa nature divine. Elle doit donc accepter l’évocation dans le débat public de la dimension religieuse ou au moins spirituelle de la nature humaine.

A chaque pays ou collectivité, selon son histoire et ses goûts, d’en déterminer les formes concrètes dans son organisation socioculturelle et politique. En aucun cas, rationnellement parlant, la laïcité ne se confond avec l’athéisme  ; en aucun cas, une religion particulière n’est fondée à s’imposer. En aucun cas, la laïcité ne peut bannir l’hypothèse d’une référence à « Dieu », quelle que soit la signification de ce concept.

Donc l’athée a raison parce que Dieu ne s’impose ni à nos sens, ni à notre intellect  ; le croyant a raison, parce que notre je émerge d’un néant que l’on peut sans être irrationnel assimiler à la pensée/acte d’un Esprit créateur  ; le sceptique raison car, sur le plan de la seule raison, l’existence de Dieu ne s’impose pas mais ne peut être non plus définitivement rejetée.

La philosophie radicale permet d’éclairer ainsi le concept de « liberté totale ». La philosophie s’arrête là où chacun, selon sa croyance, s’engage sur une voie ou une autre.

Cela dit, a-t-elle quelque chose à dire de plus sur la « nature de Dieu » (à supposer qu’Il existe) que ce que nous en avons dit, c’est-à-dire concept signifiant une Puissance créatrice elle-même incréée, Origine de tout  ?

> Article précédent (3) : Dans l’ego, le je et le moi, deux composants à comprendre et réconcilier

Dieu répond au directeur de Charlie Hebdo

Débredinoire a reçu un courrier du Père éternel qui souhaite répondre à la une du Charlie Hebdo prévue le 6 janvier 2016 et qui le met en cause sur sa Une avec ce titre : « 1an après, l’assassin court toujours ».

En mémoire de l'attentat du 7 janvier 2015, Charlie Hebdo sort, ce mercredi 6 janvier 2016, un numéro spécial avec cette une :

Charlie

Voici la lettre que Dieu m'invite à publier en réponse :

Mon cher Riss,

Je viens vers toi à la suite de la Une de ton journal qui Me met en scène en me présentant comme l’assassin en liberté de l’attentat perpétré l’an dernier contre ta rédaction.

Je comprends ta douleur et ta rage et, très sincèrement, Je compatis. Mais si, foi de Messie !

Tu accepteras mieux sans doute Ma sollicitude à ton égard après avoir lu ce qui suit.

D’abord permets-Moi de te dire que ta Une fait fausse route en s’en prenant à Moi. Je ne suis pour rien dans toutes ces horreurs, étant l’Amour. Charlie était plus dans le juste quand il titrait : « C’est dur d’être aimé par des cons ! »

Voulant l’homme libre – et tu es bien le premier à revendiquer et défendre mordicus ce statut, n'est-ce pas ? –, qu’y puis-Je si certains qui parlent en Mon nom sont des assassins fanatiques orgueilleux et stupides ?

Mais d’un autre côté, et dans un certain sens – que Je vais t’expliciter –, J’accepte ton accusation. Mais si, foi de Messie !

En effet, Je donne la mort à TOUS les êtres à que Je crée, qu’ils soient végétaux, animaux ou humains. Oui, J’ai bien « prémédité » de vous « tuer » tous, et pas seulement vous, rédacteurs de Charlie Hebdo. J’ai bien prévu effectivement – c’est même programmé dans vos cellules ! – d’ôter l’existence à toute forme de vie mais au bout d’un certain laps de temps, sauf bien sûr si vous précipitez l’échéance par vos comportements absurdes.

C’est que, pour vous, êtres humains, J’ai organisé les choses de telle façon que vous disposez de tout le temps nécessaire, sur cette Terre, pour choisir, par delà les apparences « matérielles », la vie de l’Esprit et de l’Amour, vie par laquelle vous pouvez accéder à l’Eternel Présent, une fois votre périple terrestre achevé.

Mais vous n’êtes pas obligés d’opter pour cette voie…

Enfin, cher Riss, tu écris dans ton éditorial : « Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants ». C’est malheureusement parfois vrai, à Mon grand dam, tellement trop de ceux qui disent croire en Moi sont dogmatiques, superstitieux, arrogants ou craintifs dans leur foi.

Je vous invite donc, vous qui prétendez M'aimer, à redoubler d'amour, d'intelligence et de confiance en Moi pour Me permettre de vous apporter enfin, concrètement et  sans aller contre votre liberté, toute Ma Lumière et toute Ma tendresse.

Vous verrez alors que ceux qui ne croient pas en Moi au moins vous respecterons."

Signé : "Celui qui vous a tous créés et Qui vous ne vous veut que du bien".

Le Diable et le bon Dieu : « Merci Charlie ! »

Dans l’abondant Courrier des lecteurs reçu dernièrement par Charlie Hebdo, deux lettres se distinguent particulièrement par la «qualité» de leurs auteurs. Nous avons pu nous en procurer une copie que nous reproduisons ici.

La Lettre du Diable 

girouette-diable

Dessin : Girouette diable Soings-en-Sologne

« Chers amis !

Votre journal est maintenant tiré à 7 millions d’exemplaires alors que vous menaciez de disparaître faute de lecteurs ! J’avais très peur de perdre cette tribune où vous avez le courage de bouffer du curé à une époque où les dignitaires religieux pavanent dans leurs édifices consacrés et les médias.

De même, votre goût prononcé pour la scatologie, l’offense et l’injure, exprimé avec autant de brio, me fait littéralement bander. Quel pied de voir le Pape catholique sodomiser un enfant ! Mahomet montrer son cul dénudé à la caméra ! D’entendre sœur Emmanuelle dire, une fois morte, qu’elle va sucer des queues au Paradis ! Quel talent ! Quelle classe ! Je n’imagine pas être privé de si délicieuses goguenardises.

Donc merci à vous, dessinateurs assassinés, de vous être sacrifiés pour défendre votre droit d’insulter ainsi tous ces hypocrites. Merci à vous, dessinateurs et journalistes survivants ou épargnés, de continuer le combat.

Vous savez combien je suis horripilé qu’on puisse dire de la France qu’elle est la fille aînée de l’Eglise. Ça ne pouvait plus durer ! Grâce à vous, ça va changer. Vous avez désormais le soutien d’une immense foule de supporters qui se reconnaissent dans votre magnifique enculage de la calotte. Ça fait du bien par où ça passe (c’est le cas de le dire) ! Grâce à vous, la grossièreté, le blasphème et l’offense à autrui sont en quelque sorte consacrés en nouveaux droits de l’homme. Maintenez la pression et un jour, un merveilleux jour, ils seront la nouvelle devise de la France.

Surtout, ne vous laissez pas berner par les bonnes âmes. Elles vont tenter de faire appel à votre raison, à votre sentiment fraternel, pour que vous vous autocensuriez. Ne cédez pas ! La liberté d’expression ne peut pas être saucissonnée ! C’est la plus haute valeur à défendre, quoiqu’il en coûte. Elle est sacrée, n’est-ce pas (j’aime bien ce mot… quand il est à mon service) ? Ce n’est pas parce qu’elle peut faire souffrir qu’il faut vous limiter. Ne tombez ni dans la peur, ni dans la sensiblerie.

Ne changez rien à vos sarcasmes bien ciblés, pile où ça fait mal. Et amplifiés, vivifiés, rendus encore plus cuisants par la caricature. Comme ça, vous allez en exciter d’autres et ça fera un beau désordre, un bordel du diable comme je les affectionne, avec du beau sang rouge qui coule et des victimes innocentes.

D’autant plus que les fous que vous énervez ont les moyens de faire du ramdam. Et sur toute la Planète encore ! Bien vu ! On n’est plus à l’époque de l’Assiette au beurre ou du Crapouillot, que diantre !

Là, ça devient sérieux. Et très intéressant pour moi.

Merci Charlie !

La lettre du bon Dieu

L'oeil de Dieu dans la symbolique maçonnique

L'oeil de Dieu dans la symbolique maçonnique.

« Mes chers enfants,

Oui, ne vous offusquez pas si je vous appelle ainsi puisque je suis votre Père. Je sais bien que vous êtes athées, mais, comment dire ? je ne vais quand même travestir la vérité et faire comme si je n’existais pas, alors que j’existe bel et bien. Et que je suis votre Créateur. Mais vous avez l’habitude de la provocation. Donc… je suis sûr que vous me pardonnerez de vous nommer ainsi.

Je vous écris pour vous remercier. Si, si, vraiment. Vous avez réussi à provoquer un immense élan de solidarité comme personne n’avait jusqu’à ce jour réussi à le faire. Toute la France debout dans la rue, se précipitant dans les kiosques pour vous soutenir : je dis bravo !

Bravo aussi pour avoir su rassembler tous les députés, tous sans exception, dans l’enceinte parlementaire pour applaudir votre premier ministre s’exprimant sur les événements. Et pour chanter d’une seule voix la Marseillaise !

Quel homme, quelle femme politique, dans l’histoire de votre pays, est parvenu à une telle unanimité ?

Enfin, et surtout, cela fait des siècles, oui des siècles, que j’inspire des pensées œcuméniques à tous ceux qui prétendent croire en moi, qui disent me donner la première place dans leur existence. Pour quel résultat ? Non seulement une multiplication des religions (alors qu’il suffirait d’une puisque je suis l’unique), mais aussi d’incessantes ignobles guerres de religion. Croyez-moi, cela m’est insupportable ! Aussi apprécié-je à sa juste valeur l’accolade sincère et chaleureuse que tous les religieux de France, quel que soit leur bord, se donnent grâce à vous en ce moment. Cela me fait chaud au cœur. Oui, parce que j’ai un cœur, figurez-vous. Je suis même l’amour.

C’est pourquoi je ris avec vous quand vous fustigez mes représentants, insuffisamment dignes de moi, la plupart du temps. Et, contrairement à ce que beaucoup de prétendus fidèles pensent, je ne suis pas atteint par vos blasphèmes. C’est l’idée qu’ils se font de moi qui est touchée. C’est leur propre amour-propre (bien mal nommé).

Moi, je ne suis atteint que dans mon amour pour vous. Car, quand vous me brocardez, quand vous m’ignoriez, c’est vous-même qui vous privez de ce que je souhaite vous apporter. C’est à vous-même que vous faites du mal.

Donc, mes enfants, même si vous ne croyez pas en moi, soyez assurés que je tiens à votre liberté d’expression (d’où mon petit coup de pouce discret pour tirer le meilleur de ces événements).

Sachez aussi, si si ! qu’il m’arrive de rire à votre humour. Certes, je déplore la méchanceté qui peut teinter vos réactions et le niveau ras-de-terre que vous affectionnez tant. Non pas qu’il m’offusque, mais parce qu’il vous empêche de vous élever et d’apporter un peu plus de vraie lumière pour éveiller les consciences et ouvrir les cœurs.

Pour finir, permettez-moi une dernière petite provocation, bien dans votre style (mais aussi dans le mien) en vous donnant... ma tendre bénédiction.

p.c.c. Jean-Luc Martin-Lagardette

(Pour copie conforme (abréviée p.c.c.) est la formule attestant qu'une copie reproduit exactement l'original)

> Image de Une : Le street-art rend hommage à Charlie Hebdo (ici Cabu).

5 – Les mauvais comportements des croyants éloignent les « gentils » de Dieu

Grâce à l’Edit de Tolérance (voir article précédent), un grand pas est fait sur le plan de la liberté de penser. Et ce, grâce à la “secte ” protestante qui a tenu bon et qui a, elle aussi, évolué. Mais celle-ci connut aussi les errements de l’intolérance.

Dès l’origine de leur mouvement, les protestants s’illustrèrent également par des actes d’intolérance. Actes qui suscitèrent à leur tour de véhémentes protestations et des dissidences !

web_servet--469x239

Michel Servet, brûlé vif pour blasphème.

Castellion

Sébastien Castellion, réformateur humaniste protestant, chantre de la tolérance.

Ainsi, Michel Servet, théologien (il se disait chrétien) et médecin d'origine espagnol, fut brûlé vif pour ses idées à Genève (Suisse) en 1553, sur ordre du Grand Conseil contrôlé par le protestant Calvin. Servet croyait en un Dieu « auquel l'homme peut s’unir » et refusait la Trinité . Il faut dire qu’il n’y allait pas de main morte puisque, pour lui, la Trinité était un « chien des Enfers à trois têtes, signe de l’Antéchrist » !

En réaction au « brûlement » de Servet, Sébastien Castellion, humaniste, bibliste et théologien protestant français, et ses amis de Bâle, adversaires de Calvin, firent paraître l’année suivante le Traité des hérétiques. Ils entamaient ainsi une longue polémique sur la tolérance qui allait vite s’envenimer. En 1560, en effet, s’allumait la première des huit vagues successives de guerre religieuse en France.

« Qui s’efforce de vivre en ce monde, saintement, justement et religieusement ? »

Dans la préface de cet ouvrage, les auteurs fustigent les querelles d’interprétation sur les textes bibliques auxquelles les hommes s’adonnent avec passion, au lieu de convaincre les esprits par l’exemple de leur comportement et de leur foi véritable :

« Qui est celui qui s’efforce avec toute sollicitude de vivre en ce monde, saintement, justement, et religieusement ?... On ne se soucie de rien moins. La vraie crainte de Dieu, et la charité est mise au bas, et du tout refroidie : notre vie se passe en noises, en contentions, et toutes sortes de péchés. On discute, non pas de voie par laquelle on puisse aller à Christ (qui est de corriger notre vie), mais de l’état et office de Christ, à savoir où il est maintenant, ce qu’il fait, comment il est assis à la dextre du Père, comment il est un avec le Père. Item de la trinité, de la prédestination, du franc arbitre, de Dieu, des anges, de l’état des âmes après cette vie et autres semblables choses : lesquelles ne sont grandement nécessaires d’être connues, pour acquérir salut par foi, et ne peuvent être connues si, premièrement, nous n'avons le coeur net, en tant que voir ces choses, c’est voir Dieu, lequel ne peut être vu sinon d’un coeur pur et net, suivant ce qui est écrit : « Bienheureux sont ceux qui ont le coeur net car ils verront Dieu. (…) Les hommes étant enflés de cette science, ou plutôt de cette fausse opinion de science, “méprisent” hautainement les autres... ; et s’ensuit, tantôt après, cet orgueil, cruauté et persécution ; en sorte que nul ne veut plus endurer l’autre, s’il est discordant en quelque chose avec lui, comme s’il n’y avait pas aujourd’hui quasi autant d’opinions que d’hommes.
Toutefois il n’y a aucune secte, laquelle ne condamne toutes les autres et ne veuille régner toute seule. »

« L’Evangile est blâmé chez les gentils par notre faute »

Castellion montre combien les comportements aberrants des religieux ne pouvaient que faire fuir les « gentils » [païens] loin de Dieu : « Car cependant que nous combattons les uns contre les autres par haine et persécution, il advient qu’en ce faisant nous allons tous les jours de pis en pis et ne sommes aucunement soutenants de notre office. Cependant que nous sommes occupés à condamner les autres, l’Evangile est blâmé, entre les gentils, par notre faute. Car, quand ils nous voient courir les uns sur les autres furieusement, à la manière des bêtes, et les plus faibles être oppressés par les plus forts, ils ont l’Evangile en horreur et détestation, comme si l’Evangile faisait les hommes tels ; et ont Christ en détestation, comme s’il avait commandé de faire telles choses. »

Comme quoi, les disciples d’un sage ou d’un Envoyé du Ciel sont souvent les premiers à le trahir. Plutôt que de vivre concrètement l’enseignement apporté et ainsi d'attirer par l’exemple, ils préfèrent encore et toujours guerroyer contre ceux qui ne partagent pas leurs vues...

> A suivre :

6 - La liberté de penser ? Un droit « chimérique et monstrueux » !

> Déjà parus :

4 - Ce que tout Français et les catholiques doivent aux protestants

3 - Christianisme et protestantisme, deux ex-sectes aujourd'hui "fréquentables"

2 - Les « sectes », symptômes des maux et lacunes de notre société

1 - Sectes, religions et liberté de pensée : Une question éminemment politique