Nicolas Tavernier, Président de l’Association Nationale pour la Promotion et l’Avenir de la Pédagogie Steiner-Waldorf (ANPAPS)
À une époque où a été supprimée de la Charte internationale des journalistes l’obligation pour cette profession de « rechercher la vérité » - remplacé insidieusement par l’obligation de « respecter les faits » -, il me semble très utile (et démocratiquement sain) qu’une instance indépendante et impartiale puisse arbitrer les conflits existant entre journalistes et personnes (physiques ou morales) impliquées dans leurs articles ou reportages.
Cette baisse d’exigence journalistique, qui intervient dans un contexte de déjà grande défiance des Français à l’égard des médias1, risque d’être mortifère pour une grande partie de la presse. Il est en tout cas à parier que ce recul de l’exigence déontologique ne pourra que détériorer encore ce lien de confiance ténu.
Heureusement, lorsqu’ils sont saisis, les conseils de déontologie journalistique peuvent apporter un peu d’espoir. En Belgique, par exemple, le CDJ a récemment retoqué un journaliste du Vif qui, s’il relatait sans doute certains faits avérés à propos de l’agriculture biodynamique, n’en dépeignait pas moins un portrait bien éloigné de la Vérité.
Réunion d’octobre au CDJ : 2 plaintes fondées (LeVif.be & NRJ) ; 1 plainte non fondée (RTBF.be (Faky)) – CDJ (lecdj.be)
Le Conseil a d’ailleurs réagi dès la lecture du titre de l’article, qui énonçait de façon arbitraire et indue : « Biodynamie : une agriculture aux dérives sectaires ». Selon le CDJ, ce grief « n’était ni avéré ni démontré dans l’article ». Et, pour « étayer » son propos, le journaliste invoquait un fait réel pour faire croire à la réalité de ses propres idées préconçues : Il écrivait que selon Rudolf Steiner - initiateur de la biodynamie - « le soleil et la lune agiraient sur le développement et la croissance des plantes, sur leur maturation et leur capacité à se reproduire ». Que Steiner ait théorisé sur ce point ne fait pas de la biodynamie une secte !
Attaques aussi caricaturales qu’infondées
Le procédé est trompeur.
Ce type de procédé intellectuel, répété ad nauseam, fait que la pédagogie Steiner-Waldorf, dont je préside l’association de promotion, subit aujourd’hui dans la presse, sur les réseaux sociaux et jusqu’à la Miviludes (Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) des attaques aussi caricaturales qu’infondées.
C’est pourquoi je me réjouis aussi qu’en France le CDJM (Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation) ait rendu ce 11 avril 2023 une décision pointant 4 manquements à la déontologie journalistique dans un sujet de 4 minutes (1 manquement à la minute !) à propos d’un reportage dans le JT de France2, concernant la pédagogie Steiner-Waldorf.
Que ce soit en France ou en Belgique, on parle là de médias très influents, avec une forte notoriété : un JT national ainsi qu’un hebdo national. Suite à leurs décisions indépendantes et courageuses, ces Conseils se sont fait vilipender sur les réseaux sociaux par des détracteurs de Steiner, bien souvent opposés aux débats rigoureux et modérés, usant parfois d’attaques ad hominem.
Décisions contraignantes
Rappelons ce qui est pourtant évident : un CDJ ne prend pas parti, il juge sur la forme, pas sur le fond, contrairement à ce que lui reprochent ces détracteurs. Les décisions des CDJ se placent sur le plan de l’éthique journalistique, en mettant en avant les règles qui doivent être respectées par tous, sans présupposé ou parti pris. Et tout le monde ne peut que reconnaître que c’est juste et nécessaire : la presse se doit d’être la plus objective possible dans sa mission d’information.
Ainsi, ces Conseils de déontologie sont essentiels pour inciter à une meilleure qualité des productions journalistiques et, plus largement, à celle du débat démocratique. Il est à noter qu’en Belgique, les décisions du CDJ sont contraignantes : le média ainsi « épinglé » est obligé de publier un correctif, ce qui n’est hélas pas le cas en France.
De plus, la procédure du CDJM gagnerait à reprendre celle du CDJ belge qui donne plus de place au contradictoire avec deux allers-retours entre les parties (en contrepartie, le nombre de caractères est limité pour cadrer quantitativement les échanges).
Cela atténuerait le risque de réponses spécieuses de la part de puissants médias peu prompts à l’auto-critique et protégerait ainsi le CDJM de possibles impairs dans leurs prises de décision. Ce qui renforcerait alors sa crédibilité et donc sa pérennité.
Dans une époque où tout le monde doute de tout le monde, il est à espérer pour la qualité de l’information que l’efficacité du CDJ belge inspirera notre CDJM…
- 57 % des Français pensent qu’il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité, selon une étude publiée ce 22 novembre. ↩︎
Actions de salubrité publique. Bravo
Oui à un CDJ du type belge ! qui permettrait et obligerait à la publication d’un correctif face aux inexactitudes ou, pire, aux mensonges de détracteurs malveillants.
Pour rester en joie, pensons que le Bien finit toujours par triompher….
Un immense merci à Nicolas Tavernier et son équipe pour le nécessaire travail de promotion de cette formidable pédagogie encore si mal connue dans notre pays de France.
Michel et BarbaraDecouche, adhérents de l’ANPAPS, heureux parents de 2 fils « Waldorf ».
michel.decouche@free.fr