Le fossé entre le fonctionnement institutionnel de la société française et les attentes des citoyens se creuse. Il provoque des tensions et, le mot est à la mode, des « indignations ». Les personnes scandalisées n’hésitent plus à agir et à se mettre en scène, comme ici le jeudi 23 février 2012, sur le siège nantais du journal Ouest-France.
Mécontent d’une une équivoque du quotidien laissant penser que les révoltés grecs remerciaient l’Europe et le FMI, alors que, au contraire, ils remerciaient les villes européennes qui avaient soutenu leur mouvement, un collectif baptisé Organisme de Bienfaisance Contre la Désinformation a recouvert de farine, d’œufs pourris et d’affiches la devanture de la rédaction.
La Une de Ouest-France qui a déclenché l´action revendicative. La légende peut laisser penser que le message s´adresse à l´Europe (institutionnelle) :
En fait, le message s´adressait aux villes :
La devanture du journal est "redécorée" avec des tracts par le collectif :
Je désapprouve ce type de protestation agressive. Mais elle ne m’étonne pas. Et je suis persuadé qu’elle se renouvellera et s’amplifiera, tant la presse ignore dans une très large mesure les impacts sur les personnes de sa production.
Dans le cas présent, la réaction est certes abusive : les journalistes d’Ouest-France n’avaient pas délibérément programmé ce contresens. Mais le collectif n’a pas toléré « l’absence de rectificatif » du journal (qui a été publié par la suite). Sa réaction est révélatrice du profond malaise qui existe entre ceux qui informent et ceux qui sont informés.
L’on sait aussi que la profession, éditeurs et patrons de presse pour une fois à l’unisson, refusent toute régulation nationale de leur activité. Ils ne se rendent pas compte que beaucoup de citoyens prennent cela pour de l’arrogance et du mépris car ils estiment, avec raison selon moi, que l’information est un bien commun. Que donc elle leur appartient un peu et qu’ils devraient être mieux associés à son processus de fabrication.
Mes confrères, qui ont d’abord réagi par le dédain ou la dérision devant la naissance du « journalisme citoyen », devraient enfin prendre conscience que la demande populaire de rigueur, d’honnêteté, d’impartialité, etc. ne peut que croître et s’affermir.
Il serait temps qu’ils s’organisent, collectivement, pour répondre à ces attentes et tenter une réconciliation avec le public en s’engageant à plus de rigueur et d’équité.
> Le récit de l´affaire sur duclock.
> Voir aussi, sur Ouvertures : Les Indignés du Paf : « Nous allons surveiller de près les médias avant les élections »