Apparemment, la « chasse aux sectes » s’essouffle en France. Deux médias s’en émeuvent et accusent l’Etat d’avoir baissé la garde et délaissé la « chasse aux gourous ». En fait, aveuglés par leurs présupposés, ils ne comprennent pas que la politique nationale dans ce domaine est tout simplement… aberrante.
Dans la « lutte contre les sectes », l’Etat a-t-il « baissé les bras », comme le laisse entendre la Chaîne parlementaire (LCP 24 avril 2015) ? Est-il même « à la dérive », selon le jeu de mots facile et douteux en Une de Libération du 15 avril 2015 ? A-t-il vraiment « délaissé la traque aux gourous », comme l’en accuse le quotidien ?
Il suffit de connaître ce dossier pour savoir que l’Etat français est un des plus actifs au monde dans la stigmatisation et la répression des groupes et individus « différents ». Il est un des seuls au monde à avoir mis en place une législation, une instance et une police spécifiques pour « lutter contre les sectes et les dérives sectaires ». Dans la plupart les administrations ont été désignés des « correspondants sectes ». Des formations sont organisées à l’intention des élus locaux et même des magistrats (bonjour l’indépendance de la justice !). Des conventions ont été passées avec de multiples organismes publics et privés pour « prévenir ». Y compris avec des médias, avec LCP, par exemple (bonjour l’indépendance des médias !) Des associations loi 1901 sont même directement financées par l’argent public pour « alerter » les décideurs et la population.
Bref, la France dispose d’un arsenal de lutte contre les sectes unique au monde mis en place depuis vingt ans.
Et pourtant, la presse se plaint de sa passivité. Car, non seulement les « sectes » existent toujours, mais elles sont partout, changent de forme, s’infiltrent dans les hôpitaux et même « dans les académies de médecine » (France 2, Envoyé spécial, 20 mars 2014).
Le Figaro n’hésite pas à employer un ton alarmiste pour déclarer en titre : « Dérives sectaires en santé : un fléau en nette progression ». Alors ? Pourquoi ce sentiment que rien n’est fait ?
L'absence de définition du terme "secte" condamne l'Etat à l'impuissance
Tout d’abord parce que le pouvoir, ayant soigneusement évité de définir juridiquement la "secte" et la "dérive sectaire", ne peut donc pas grand chose judiciairement. Alors il fait des moulinets avec les bras. Il se contente de sonner le tocsin, d’accuser des « sorcières », de désigner des boucs émissaires, sans pouvoir prouver ses dires ! Et notamment, que les sectes sont un véritable fléau, qu'elles causent chaque année d'énormes quantités de morts, qu'elles sont infiltrées partout, qu'il y a 60 à 80 000 enfants "embrigadés dans des sectes, etc.
Les condamnations pour « manipulation mentale » (transformée en « abus de faiblesse » ou "emprise mentale") son extrêmement rares. Et, comme nous sommes en France dans un pays de droit, il doit apporter la preuve de ses accusations pour pouvoir condamner quiconque. Acharné à combattre sa bête noire la scientologie, il est parvenu, grâce notamment à la « sensibilisation » qu’il a lui-même effectuée auprès des juges, à la faire condamner (un recours européen est en cours).
Mais c’est à peu près tout.
La 6e puissance mondiale serait-elle vraiment démunie devant quelques grandes « organisations internationales » et une multitude de groupuscules sans scrupule bardés d’avocats, disposant de ressources financière quasi illimitées et décidés à prendre le pouvoir ?
Qui peut croire cela ?
Erreur d'analyse
Une deuxième raison de son impuissance, notamment face à l’essor des « médecines douces », qui seraient selon le pouvoir la nouvelle « porte d’entrée des sectes », c’est son erreur d’analyse. C’est de condamner toute pratique de santé qui ne soit pas « validée par la science ». C’est un moyen, apparemment facile pour lui, de séparer le bon grain (« la médecine basée sur des preuves ») de l’ivraie (« les dérives sectaires dans le domaine de la santé »).
Sauf que le bon grain est souvent faisandé : conflits d’intérêt, puissance d’infiltration de l’industrie pharmaceutique dans les lieux de décision sanitaire, effets secondaires des médicaments mal maîtrisés, corruption, etc. Et que l’ivraie est aussi constituée de plantes très bénéfiques même si mal connues : méditation, massages, remèdes et approches naturels, magnétisme, foi, etc.
Après avoir mis en place un groupe de travail chargé de faire ce tri, le pouvoir s'est vite rendu compte que la tâche état au dessus de ses moyens, étant donné sa (fausse) conception des choses.
Deux exemples récents nous montrent combien la politique française, principalement emmenée par la Miviludes, est aberrante et néfaste.
La naturopathie : vraie profession ou dérive sectaire ?
Saviez-vous que la profession de naturopathe était enfin reconnue ? Cette nouvelle réjouira les nombreux partisans des médecines douces : un diplôme reconnaît officiellement la profession de naturopathe.
Le hic, c’est que cela se passe en Suisse.
En France, la naturopathie est toujours déclarée "dérive sectaire" par la Miviludes…
La méditation de pleine conscience : dérive sectaire ou alternative aussi efficace que les antidépresseurs ?
Les sœurs de Bouvier de Cachard, qui ont créé il y a 20 ans l’association Secticide, à Verdun, pour « lutter contre les dérives sectaires en France et dans le monde », ont reçu en octobre 2014 la visite et le soutien de Serge Blisko, président de la Miviludes.
Le Républicain lorrain du 18 octobre 2014 nous apprend alors que la méditation de pleine conscience est désormais placée dans leur collimateur des « antisectes ». La raison : c’est une pratique qui soutient un enseignement « non-dualiste » ! Méfiez-vous donc de cette pratique non reconnue officiellement par l’Académie.
Quelques mois plus tard, dans un article publié sur son site le 21 avril 2015, le Point titre : « Contre la dépression, la méditation aussi efficace que les antidépresseurs ». Et précise : « Une étude britannique loue l'efficacité de la "méditation de pleine conscience" contre les rechutes de dépression. Une alternative sérieuse aux médicaments ».
Bien évidemment, il faut agir contre les charlatans et les escrocs. Mais désigner les « sectes », dont on a toujours aucune définition juridique, comme bouc émissaire, c’est se poser à soi-même des limites impossibles à franchir dans un Etat de droit…
Paradoxalement, toute l’énergie et les millions d’euros dépensés chaque année dans cette improductive « lutte contre les sectes » n’entament ni la vindicte ni lea bonne conscience de l’Etat et des médias. Charlatans et margoulins ont encore de beaux jours devant eux si les « antisectes » ne se mettent pas à réfléchir un peu plus loin que du bout de leurs clichés...