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Face aux fake news et pour une information fiable : le label vérital

La lutte contre les fake news pourrait passer par l’engagement de tout informateur à respecter les règles déontologique et épistémiques de fabrication de l’information qui rendent celle-ci fiable et intégrant le plus grand degré de vérité possible : la démarche véritale.

Les fake news, notion qui englobe les fausses informations et les canulars, sont aujourd’hui à la une. Des initiatives ponctuelles, comme celles des Décodeurs de l’info, voient le jour pour tenter de les déjouer. Parfois utiles, elles ne vont guère plus loin, cependant, dans un grand nombre de cas, que le souci de re-coder autrement l’information.

Il y aurait bien un moyen simple, bien que demandant beaucoup de volonté pour être mis en place, d’apporter une certaine garantie de fiabilité de l’information : la démarche véritale.

L’originalité de cette démarche est qu’elle ne s’attache pas à décider si une information est vraie ou fausse, ce qui conduit à des débats et polémiques interminables, mais à savoir si l’informateur a procédé à toutes les étapes constitutives d’une information digne de ce nom. Autrement dit, ce n’est pas le produit lui-même qu’on examine pour savoir s’il est vrai ou faux, c’est la démarche de l’informateur, du fabricant de la nouvelle : satisfait-elle aux exigences présidant à la construction d’une information fiable ?

Un exemple simple : ferez-vous plus confiance à une ou à deux sources d’information sur un sujet donné ? Bien évidemment à deux. C’est ainsi que l’un des critères d’une information fiable est que cette information a été élaborée à partir de plusieurs sources, ou de plusieurs points de vue, notamment en cas de situation conflictuelle opposant nécessairement des protagonistes opposés.

Autre idée : ferez-vous plus confiance à une information émise par le témoin oculaire d’un événement ou par quelqu’un qui dit avoir entendu que, etc. ? Un autre critère sera donc de privilégier l’information de personnes qui sont allées « sur le terrain », qui ont assisté directement à l’événement dont il est question.

Troisième exemple : ferez-vous confiance à un informateur qui ignore les remarques ou revendications qu’on lui adresse, qui évite le débat sur son travail, qui ne corrige pas ses erreurs, etc. ? Un autre critère sera donc l’acceptation et même la mise en musique de la critique sociale sur le plan déontologique.

Et ainsi de suite.

La démarche véritale nomme les différentes étapes de la procédure que doit mettre en œuvre tout informateur sérieux et rigoureux, et qui espère conquérir la confiance de son public. Ces étapes – on le voit – ne concernent pas le FOND de l’article ( ou de l’émission), mais la façon dont cet article a été fabriqué. C’est pourquoi elle ne limite en rien la liberté d’expression. Et pourquoi elle peut être éventuellement vérifiée par des observateurs extérieurs. Ce qui permettrait de « labelliser » l’information ainsi élaborée.

En attendant, tout informateur sérieux pourrait s'engager à respecter l'essentiel de cette procédure, en tout cas dans son esprit.

On a compris en quoi cette démarche ne garantit pas la vérité de telle ou telle information. Seulement, elle certifie que l’informateur a honnêtement et sérieusement suivi toutes les étapes qui permettent de produire une information crédible. Et le degré de vérité de ce type d’information labellisée est assurément plus élevé que la plupart des autres informations qui ne donnent aucune assurance sur la qualité du processus de fabrication de l’information.

La démarche véritale réunit de façon exhaustive l’ensemble des éléments de cette procédure de qualité :

Plan factuel (descriptif, constat)

1 – Exactitude (vérité, conformité, justesse, cohérence, …)

2 – Précision (concision, rigueur, clarté, particularité, …)

3 – Complétude (logique, complexité, exhaustivité, circonstancié…)

4 – Vérification (sur le terrain, auprès des acteurs concernés,…)

5 – Recoupement (avec d’autres sources, auprès d’autres acteurs…)

6 – Distinction fait/opinion (dans la mesure du possible)

7 – Investigation (originalité, information recherchée ou rapportée, de première ou seconde main, etc.)

8 – Éléments fournis par le public (commentaires, rectifications,…)

Plan de la signification (interprétatif, jugement)

1 – Test du contradictoire (les thèses autres ou inverses ont été étudiées)

2 – Honnêteté intellectuelle (conscience, sincérité, bonne foi, hiérarchisation, absence de manipulation, etc.)

3 – Impartialité (neutralité, absence d’animosité, équité, objectivité…)

4 – Respect de la loi (en général + en particulier loi juillet 1881)

5 – Intégrité (ni pub ni autocensure, refus des cadeaux, du copinage masqué…)

6 – Indépendance rédactionnelle interne (pub, actionnaire) et externe (Etat, acteurs puissants,…)

7 – Relativisme (nuance, prudence, pas de jugement moral sur les personnes, se mettre à la place de l’autre, modestie,…)

8 – Tact, humanité (respect, sensibilité, ouverture d’esprit,…)

Toute information, même la plus descriptive et objective possible, comporte nécessairement une part de subjectivité : choix du sujet, de l’angle, du périmètre (lieu, temps, personnages, etc.), interprétation, etc. C’est pourquoi nous pouvons étudier toute information publiée sous ses deux aspects descriptif et interprétatif, factuel et significatif, du constat et du jugement.

>> Pour les articles d’opinion (éditorial, commentaire, critique, caricature, tribune libre, interviews, etc.), la tolérance envers l’aspect interprétatif est évidemment plus grande que dans le cas d’un article se voulant purement ou essentiellement informatif.

Pour en savoir plus :

- « L’information responsable, un défi démocratique » : Analyse et propositions pour une information fiable et responsable

- « Décryptez l’information ; pour ne plus vous laisser manipuler par les médias »

- « Le Guide de l’écriture journalistique » : Un classique référencé dans les écoles de journalisme

- « Ethique de l’information » Rubrique de réflexion et d’actualité sur Débredinoire + les fondamentaux

 

 

« Secte » et « dérive sectaire » : des mots à éviter

Cela fait deux décennies que je tente d’alerter mes confrères et l’opinion publique sur le mauvais usage, tant par les pouvoirs publics que par la presse, des mots « secte » et « dérive sectaire ». J’ai enfin été entendu.

La profession journalistique reconnaît que l’emploi des mots « sectes » et « dérive sectaire » ne va pas de soi. Et suggère de les éviter.

L'Observatoire de déontologie de l'information (ODI) vient de publier un texte de son groupe de travail sur le vocabulaire, inventaire illustré des principales erreurs ou difficultés d’emploi des mots à partir d’exemples recueillis lors des derniers mois.

« Les mots sont souvent mal employés, mal perçus (ce qui n’est pas la même chose) et peuvent faire mal, très très mal. »

Sont étudiés :
- Erreurs, fautes d’emploi ou d’appréciation
- Réfugiés, exilés, migrants
- Terrorisme, terroriste ; État islamique
- Juifs de France
- Secte ou dérive sectaire.

A mon initiative, et malgré les vives résistances de certains, l’atelier a mis également à son agenda les mots « secte » et « dérive sectaire ». Le rapporteur de ce groupe de travail, Loïc Hervouet, a entendu mes arguments.

Voici ce qu’il en dit, après avoir étudié la question de plus près (extrait du rapport) :

ODOI secte

C’est pour moi une grande satisfaction, car c'est la première fois depuis plus de 20 ans qu'un confrère prend la peine d'écouter et d'étudier honnêtement mes explications et de vérifier par lui-même, et partage mon analyse.

Loïc Hervouet est journaliste, enseignant d'éthique du journalisme, ancien DG de médias, de l'ESJ Lille (mon école !) et ancien médiateur de RFI.

Après toutes ces années de refus, de portes fermées et même de mépris à mon égard sur ces questions, c'est une grande satisfaction que j'ai plaisir à partager avec vous, mes lecteurs qui connaissez mon investissement sur ce terrain.

J'ai bien conscience que ce n'est qu'un petit pas, qui s'ajoute cependant à la création de l'Association de préfiguration d'un Conseil de presse (APCP) et de son émanation l'ODI à laquelle j'ai ardemment participé.

Puisse malgré tout ce petit pas être l'occasion de débats dans les rédactions et dans la société. En tout cas, il constitue d'ores et déjà une base déontologique à laquelle les "blessés de l'information" pourront désormais ouvertement demander que les médias se réfèrent.

 

 

« Penser contre soi-même », le regard d’Edito sur mon livre

Edito+Klartext, le magazine suisse des professionnels des médias, a publié une excellente critique de mon dernier ouvrage.

Voici la recension de mon livre "Décryptez l'information" parue dans le numéro 3/2401 du magazine Edito+Klartext, le magazine des journalistes suisses :

Edito Decrypter

J'apprécie beaucoup cette présentation de mon ouvrage qui en fait bien ressortir la substantifique moelle....

La Une de ce numéro d'Edito :

Edito Une

 

Le bulletin de l’APCP n° 35 mars 2014 est paru

Le dernier bulletin de l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse (APCP), qui oeuvre pour la création d’une instance de régulation de la presse, est sorti.

APCP 35> Télécharger le bulletin sur le site de l'association.

Au sommaire, notamment :

- Le rapport de Marie Sirinelli à Aurélie Filippetti sur l'autorégulation des médias : les points principaux du rapport ; la position de l'APCP

- La loi sur l'égalité hommes / femmes et la formation des journalistes

- Patrick Eveno, nouveau président de l'Observatoire de la déontologie de l'Information (ODI)

- Un colloque à l'IPJ (Institut pratique du journalisme, Paris) sur les conseils de presse

- Militantisme de l'information, militantisme de conviction : Faut-il que les journalistes s'organisent autour des combats auxquels ils croient ?

- Un rapport parlementaire sur l'information scientifique

- "Selfisme" ou journalisme : se mettre en scène, une forme de marketing

- Egypte, Tunisie : à la recherche d'une autorégulation des médias.