Propositions pour une presse responsable


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Face à la désaffectation croissante du public envers la presse d’information générale et aux attaques contre l’indépendance des médias d’information, ces propositions ont pour objectif la conquête d’une nouvelle légitimité des métiers de journaliste et d’éditeur de presse.

Pour préserver l’indépendance des journalistes, nous pourrions prendre modèle sur le Code de déontologie médicale qui dispose « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit  » (article 5 du décret n ° 95-1000 du 6 septembre 1995 figurant dans le Code de la Santé Publique sous les numéros R.4127-1 à R.4127-112).

Ce code de la route des médecins précise même (article 95) qu’« en aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l’intérêt de la santé publique et dans l’intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce ».

Transposé à notre métier, le texte deviendrait :

« Le journaliste ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. En aucune circonstance (même si sur tous les autres plans il doit obéissance à son employeur), il ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice professionnel de la part de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l’intérêt du public et dans l’intérêt des personnes et de leur droit à l’information ».

Mais ni les éditeurs ni les pouvoirs publics ne sont prêts à reconnaître une telle indépendance ! Il faudrait une contrepartie à ce nouveau pouvoir : une régulation digne de ce nom.

Pour faire accepter cette nouveauté par tous, il faudrait que soit en même temps créé, non pas un Ordre des journalistes, mais un Conseil de presse tripartite (journalistes, éditeurs, public) qui recevrait les plaintes face aux dérives journalistiques (voir ci-dessous).

Autres propositions :

► Faire reconnaître explicitement par la loi que l’information de presse est un bien humain avant d’être une marchandise.

► Inscrire comme droit constitutionnel celui du citoyen à recevoir une information juste et honnête, c’est-à-dire fidèle aux faits et loyalement élaboré.

► Instituer un permis de conduire journalistique consistant en une courte formation (sans évaluation au final) à l’histoire, à l’économie, au droit et à l’éthique de la presse.

► Rendre obligatoire la création de sociétés de journalistes dans chaque média d’une certaine importance (en nombre de journalistes).

► Réviser la Charte du journaliste et l’intégrer dans la Convention nationale de travail des journalistes professionnels.

► Élargir les compétences de la commission arbitrale et les étendre aux questions pratiques de déontologie en cas de conflit entre un journaliste et son éditeur.

► Instituer un label de qualité pour encourager les médias s’engageant librement à respecter les règles d’une information correctement élaborée.

► Inscrire dans la loi que le droit d’informer le public l’emporte sur les intérêts de l’entreprise qui l’emploie chaque fois que le journaliste, dans les travaux qu’il mène tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du journal, peut prouver soit la vérité de ses dires, soit son entière bonne foi.

► Créer et renforcer le rôle des médiateurs de presse au sein des publications.

► Instituer dans chaque journal (papier ou Internet) le principe d’un espace réservé au lecteur. Cet espace est géré par le médiateur du journal, non par la rédaction.

► Créer un conseil de presse écrite (association composée de journalistes, d’éditeurs, d’experts et de représentants du public) pour se saisir des plaintes du public et animer le débat public sur la déontologie de la presse.

► Nommer des représentants du public (auditeurs, téléspectateurs) au sein du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

► Nommer des représentants des journalistes et du public au sein de la Commission paritaire des publications et agences de presse (Cppap) qui attribue ou non un agrément aux journaux pour qu’ils puissent bénéficier des aides publiques à la presse. Rendre plus transparent son fonctionnement.

► Lier les aides publiques directes et indirectes à la presse au respect d’une charte déontologique dont certains points d’application seraient vérifiables (exemple : présence d’une société de rédacteurs, d’un médiateur, etc.).

 

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