Pourquoi la science est inutile pour expliquer l’Homme…


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

… sans la guidance de la philosophie/spiritualité. Beaucoup prétendent aujourd’hui que nos connaissances scientifiques permettent de démontrer l’inanité, dans le domaine de la connaissance, de toute référence au spirituel. Quitte à employer des sophismes qui, en fait, ne peuvent tromper que ceux qui ont envie de l’être. Car la question du sens n’appartient pas, en propre, à la science mais à la philosophie.

La science est tellement sortie de son rôle (expliquer le « comment » des choses) qu’elle en vient aujourd’hui à affirmer qu’elle peut se passer de Dieu ou de la religion pour expliquer l’Univers. Ainsi, le dernier numéro de La Recherche/Actualités des sciences (décembre 2010) titre-t-il « Dieu et la science. Pourquoi la religion est inutile pour expliquer l’Univers ».

Elle y affirme en particulier que le « pourquoi » des choses est une fausse question. Pour être juste, elle devrait rajouter « …pour moi, la science ». Comme elle est incapable de répondre à la question du « pourquoi », faute de « fondement » à observer, elle soutient que cette question n’a pas de sens. Raisonnement bien peu… scientifique.

Grâce au darwinisme et à sa fameuse théorie de l’évolution, on est parvenu aujourd’hui à ramener tous les processus telluriques ou biologiques à des mécanismes produisant au hasard tout ce que nous avons sous les yeux. Le mot « hasard » est appelé à la rescousse pour éviter absolument celui de « finalité ».

Ainsi, finies la transcendance, la spiritualité, voire la philosophie et même la liberté, reléguées dans le tiroir des illusions. La matière observable est reine. Elle est même devenue divine dans le sens ou tout vient d’elle et tout retourne à elle, sans qu’aucun autre monde ne soit possible.

C’est du moins ce qu’on tente de nous faire accroire.

Et l’on recourt aux artifices les plus grossiers pour démontrer cette absurdité. Car il est absurde de décréter, au nom de la science, que l’Univers n’a pas de sens. C’est tout simplement faire abstraction de l’homme qui est, lui, un être qui reçoit et produit du sens. Et qui fait partie intégrante de l’Univers.

Je ne vais pas ici alimenter la controverse en soulignant une quelconque faille de la théorie de l’évolution. Ce qui m’intéresse plutôt, c’est de montrer que la science outrepasse son domaine de compétences quand elle conclut au non sens de l’Univers, car, en vérité, elle ne peut trancher ce point. Elle est épistémologiquement obligée de laisser ouverte l’hypothèse de la finalité, d’un sens à l’Univers.

Il serait suicidaire pour nous les hommes de nous baser uniquement sur les connaissances scientifiques pour tenter d’expliquer l’Homme, comme beaucoup aujourd’hui prétendent le faire.

L’Homme s’explique justement par le sens qu’il donne ou reçoit sur les choses. Le fondement de ce sens est le sens lui-même, que l’homme est la seule créature à pouvoir produire ou capter.

C’est toute la différence qu’il y a entre le scientifique et le philosophe : le premier observe la nature, analyse, suppose, vérifie et déduit, sans jamais observer le fondement, le socle premier d’où tout prendrait sens. Même s´il ne cesse de courir après l’hypothèse d’une théorie unifiée.

Le second s’observe observant, analysant, supposant, vérifiant et déduisant à partir du fondement qui est son esprit, sa propre conscience, son organe producteur de sens.

L’un étudie l’objet (cf. la fameuse « objectivité » scientifique), l’autre étudie la pensée, c’est-à-dire l’objet (lui-même) qui est en même temps – et toujours – sujet et qui, de plus, contient tout objet (lui-même et le monde) sous le mode de la représentation dont il ne peut s’extraire.

L’un élabore des lois de la nature et dénie toute existence à ce qui se trouve hors de toute observation objectale (extérieure à lui), oubliant alors de se prendre en compte dans son acte d’observer et de déduire.

L’autre ajuste sans cesse le sens que, à la fois, il reçoit et produit à partir du monde et de lui-même. L’esprit est à la fois son « fondement » et son « fondé », sa condition et sa finalité.

C’est pourquoi le scientifique sera toujours en deçà de la question du sens. Il n’a donc pas à se prononcer là-dessus (sinon, comme tout un chacun, à titre d’homme subjectif).

Et c’est pourquoi le philosophe est fondé à parler du sens de la vie et/ou de l’Univers.

A une condition, cependant. Qu’il intègre et discute les principales avancées que la science met au jour.

Car une connaissance philosophique qui ne soutiendrait pas l’épreuve de la vérification concrète, c’est-à-dire effective (par les œuvres) ou scientifique (par la généralisation), serait collectivement disqualifiée, même si elle était vraie.

La grande question aujourd’hui est d’ordre politique, au sens citoyen du terme. Elle consiste à savoir selon quels protocoles, autres que seulement matérialistes, les systèmes philosophiques, religieux, idéologiques, peuvent être expérimentés, validés et intégrés dans notre système commun de connaissances.

Alors on pourra fêter la réconciliation entre la rigoureuse observation du scientifique et l’audacieuse intuition du philosophe. Tout le monde ne s’en portera que mieux.

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