Benjamin Stora, professeur des universités, propose une meilleure formation des maîtres et des professeurs sur la question coloniale, une plus grande diffusion de la « culture du Sud » dans l’audiovisuel, la création d´un manuel scolaire spécifique sur l´histoire de la colonisation française.
Benjamin Stora intervenait sur « Les enjeux autour du passé colonial de la France pour la cohésion sociale », dans le cadre du rapport d´information fait au nom de la délégation sénatoriale à l´outre-mer sur les Actes de la rencontre « Mémoires croisées » organisée au Sénat le 9 mai 2012 à l´occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l´esclavage et de leurs abolitions. Extrait.
« Il ne faut pas moins de connaissance de l´histoire coloniale, mais au contraire plus de connaissance des personnages, des situations, des séquences historiques ou des chronologies. Ce qui implique d´agir selon deux axes. D´abord, par l´enseignement, en agissant sur la formation des maitres, des professeurs de lycée en particulier, qui savent encore trop peu ce qu´a été l´histoire de la colonisation française.
Un autre axe très important dans la fabrication des imaginaires est l´audiovisuel, qu´il s´agisse des télévisions, des grands médias et des grandes radios nationales qui, jusqu´à présent, n´ont toujours pas, à mon sens, pris à bras le corps cette question-là. Il faut donner à connaitre ce qu´est la culture du Sud, au sens large du terme, ces grandes questions culturelles n´ayant pas encore trouvé leur place, si ce n´est de façon ghettoïsée, dans l´audiovisuel français. Les nouvelles autorités politiques auront peut-être l´audace d´initier quelque chose de nouveau dans ce domaine, d´inventer des formes de transmission nouvelles.
Une réflexion, certes difficile, doit aussi porter sur la création d´un manuel scolaire spécifique sur l´histoire de la colonisation française, sans attendre que les manuels classiques ne l´intègrent. Il devra être très simple et très accessible aux jeunes générations, et présenter ce qu´a été l´histoire de l´esclavage, de la colonisation et de la décolonisation. Le but est intégrer l´ensemble de ces mémoires blessées dans un nouveau récit républicain renouvelé et enrichi par l´apport des hommes et des femmes qui ont combattu pour que l´égalité devienne une réalité, et qu´elle ne soit pas simplement un slogan.
Toutes ces questions qui relèvent de l´univers de la connaissance sont très importantes car, en France, nous discutons des injustices commises, sans passer tout simplement par cette étape préalable de la connaissance de ce qui s´est réellement passé, ou de ce qui s´est réellement joué. L´étape de la connaissance nous permettra de sortir du discours de l´anti-repentance qui s´est malheureusement développé depuis quelques années comme une sorte d´écran idéologique permettant de ne pas mesurer ce qu´avait été la réalité de la colonisation et de l´esclavage. C´est après cette étape décisive que se poseront les questions de la vérité et de la justice, et donc de la réconciliation entre nous tous. »