Peut-on définir précisément ce qu’est une « information » au sens journalistique ?


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

 

Non, disent les juristes. Cependant, dans les chartes professionnelles et dans des travaux non encore traduits dans des textes juridiques, des éléments permettent de distinguer l’information journalistique du reste des données publiées par divers canaux.

 

Les juristes n’ont pas trouvé en droit français de définition précise de ce qu’est une information journalistique  : « Il n’existe aucune définition, ni légale, ni jurisprudentielle, lors même que les occurrences juridico-légales sont nombreuses, qu’il s’agisse des textes relatifs à l’Agence France Presse, des textes régissant les subventions, les aides fiscales ou postales accordées aux "publications périodiques" ou aux sites Internet ou des textes régissant les entreprises de communication audiovisuelle », écrit Pascal Mbongo, professeur de droit à l’université de Poitiers et président de l’Association française de droit des médias et de la culture, dans un livre récemment paru (voir encadré).

 

En effet, « d’un point de vue légal, ce n’est précisément pas "l’information" qui caractérise l’originalité statutaire du journaliste, mais le traitement de l’"actualité" ou des "nouvelles" – autrement dit un type d’informations ». Le journaliste est défini légalement comme le professionnel qui tire le principal de ses revenus d’un journal…

 

L’extrait cité en début d’article est tiré du chapitre « Qu’est-ce qu’une "information"  au sens du "droit à l’information"  ? », publié dans le livre « La Régulation des médias et ses standards juridiques » et rédigé par Pascal Mbongo, qui a dirigé cet ouvrage collectif.

 

Celui-ci constitue les Actes du colloque organisé le 13 mai 2011, à l’Assemblée nationale, par l’Association française du droit des médias et de la culture (AFDMC), présidée par Pascal Mbongo, professeur des facultés de droit à l´Université de Poitiers.

 

Mare et Martin, coll. Libertés, Auteurs et Médias, 2011.

 

Dans plusieurs textes, les périodiques sont reconnus comme « presse » s’ils remplissent certaines conditions, notamment le « caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée  : instruction, éducation, information, récréation du public ».

 

Dans les chartes professionnelles, on va un peu plus loin que les textes juridiques. Ainsi, dans la Charte d’éthique des journalistes SNJ, 1918 et mars 2011, on trouve une définition du « journalisme », qui « consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ».

 

Mais on ne sait toujours pas ce qu’est une « information journalistique ». Ce qui conduit M. Mbongo à conclure que, « au moins dans le contexte du droit des médias, une définition réelle de la notion d’information est proprement impossible. L’on doit donc se satisfaire d’une définition nominale, qui consiste à considérer qu’une information est une donnée ou une allégation éditée par un service de presse ou de communication et n’ayant pas été disqualifiée par une autorité de régulation ou par un juge en tant qu’elle serait légalement fausse ou indicible [en cas de diffamation, par exemple] ».

 

Proposition de définition

 

Personnellement, nous croyons qu’il est possible de définir plus précisément ce qu’est l’information journalistique. Les travaux que nous avons personnellement menés sur cette question nous ont conduit à proposer la définition suivante  :

 

« Dans une société démocratique, une information journalistique est :

- la description précise et/ou l’explication d’un fait (événement ou situation) d’actualité  puisé dans le présent ou ayant une signification pour le temps présent

- ce fait étant significatif universellement ou collectivement, ou présentant un caractère d’intérêt général

- recherché au nom du public et de son droit de savoir aux fins de se former lui-même et librement son opinion

- sélectionné et mis en forme

- par une conscience intellectuellement honnête, libre, formée à la démarche d’objectivité ainsi qu’au respect de la vérité (au sens de l’exactitude des faits et de la cohérence du sens). »

 

Et, si l’on pense « information journalistique professionnelle », on rajoutera ce paragraphe  : 

 

« Cette description ou cette explication est diffusée par un média responsable procurant au journaliste les moyens d’accomplir sa mission et lui garantissant son indépendance par rapport à tout pouvoir (idéologique ou économique, y compris par rapport aux intérêts de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie quand il y a un enjeu démocratique de l’information). »

 

Reste à traduire cette définition en droit. Aux parlementaires de s’en saisir…

 

> Voir aussi : Audiovisuel : l´intérêt du public insuffisamment pris en compte par les médias.

 

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