"Provax" contre "complotistes" : le virus révèle notre difficulté à nous écouter et à échanger dans un dialogue fraternel, pourtant seul à même de nous rassembler. Pour construire des solutions acceptables par tous.
Favorables et réfractaires aux vaccins se trouvent séparés par une faille qui s’agrandit sans cesse entre eux. Elle engendre des pensées discriminatoires et calomnieuses de plus en plus vives.
Le coronavirus nous dévoile l’abîme qui peut séparer les citoyens entre eux, notamment le fossé qui fait s’affronter anti- et pro-vax, « complotistes » et « rationnels ».
Dans un article récent paru dans les Cahiers du Journalisme et de l’information, j’invite mes lecteurs à se méfier de cette opposition simpliste et à mobiliser son esprit critique, quel que soit leur « camp ». En soulevant la question des décès dus aux vaccins anti-covid, un chercheur, Laurent Mucchielli, sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), s’est fait désavouer de son employeur. Mais aussi censurer de Médiapart (qui héberge son blog) et discréditer par nombre de ses confrères.
Il y va de la vie des Français
On pourrait s’attendre à ce que l’AFP, l’agence nationale qui nourrit grand nombre de médias d’information (presse écrite, TV, radio, web, etc.), opère avec circonspection et impartialité dans ses analyses. Surtout sur un sujet aussi grave et important. En effet, il y va de la vie des Français et de la confiance qu’ils peuvent ou non avoir envers le pouvoir exécutif et les autorités sanitaires.
Or, dans l'article du CDJI, nous voyons que cette attente est déçue. Et que l’agence prend le parti des « rationnels » contre les « complotistes » – et contre M. Mucchielli – de façon caricaturale et injuste (voir aussi cet autre exemple de fact checking contestable publié par l'AFP).
Cette attitude partisane est malheureusement assez répandue dans la presse. Ainsi, au fil des mois, nous avons vu disparaître, sous prétexte de « complotisme », différentes figures du monde de la santé auparavant traitées avec respect, voire déférence.
Evincés du débat public
Citons, en vrac : Henri Joyeux, Nicole et Gérard Delépine, Luc Montagnier, Denis Agret, Alexandra Henrion Caude, Guillaume Barucq, Christian Perronne, Jean-Bernard Fourtillan, Jean-François Toussaint, Louis Fouché, Didier Raoult, Andrew Wakefield, Geert Vanden Bossche, etc.
Ces personnes, qui comptent parmi elles un Prix Nobel, ont reçu l’étiquette infamante de « complotiste » et, de ce fait, sont évincées du débat public.
Mais qui est légitime pour décerner cette étiquette ?
Jamais nous ne les voyons, sur un plateau, échanger avec leurs contradicteurs. Ce qui serait pourtant un bon moyen de permettre aux citoyens que nous sommes d’écouter les arguments de part et d’autre, et sur des points précis. Ce qui nous permettrait de nous faire une opinion « rationnelle ». Au lieu d’être obligés de fouiner sur internet pour avoir des avis contradictoires et complémentaires, sans garantie de véracité.
Malheureusement, quel média peut garantir cette véracité ?
A quand de grands débats publics, sérieux, méthodiques, équitables, sur toutes ces questions sensibles concernant la pandémie et la vaccination ? Un dialogue mené dans un esprit constructif. Et avec tous les intervenants qui ont une compétence ou une raison d'intérêt général pour s'exprimer, quelle que soit la marginalité apparente de cette expression.
Plus loin de nous, comme chercheur ostracisé, on pourrait citer le prix Nobel de chimie Linus Pauling, pour ses travaux menés dans les années 70 sur les bienfaits de la vitamine C à haute dose dans le traitement de certaines maladies graves comme les cancers. Or, en 2019, une équipe de la faculté de médecine de Marseille a montré que l’acide ascorbique avait effectivement des propriétés anticancéreuses.
En plus de ce que vous mentionnez, la situation actuelle met à mal le respect des articles 18 et 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme : la liberté de pensée et la liberté d’expression.