Médicaments : comment le souci de l’économie intervient dans les décisions sanitaires


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Un médicament suspendu par l´Afssaps avait été de nouveau autorisé aussi pour ne pas « compromettre » le chiffre d’affaires du fabricant.

 

On s’acharne aujourd’hui contre le laboratoire Servier, fabricant du Médiator qui aurait fait entre 1000 et 2000 morts. Mais on oublie que c’est tout un état d´esprit, un système qui est en cause derrière cette dramatique dérive.

 

Dans le cas ici présenté, on voit le Conseil d’Etat lui-même ré-autoriser un médicament, qui avait été suspendu pour ses effets secondaires, notamment parce que « que l´arrêt de sa commercialisation risquerait de compromettre la possibilité, pour cette société [Menarini, le fabricant, ndlr], de retrouver en 2010 un résultat positif ».

 

En décembre 2009, l´Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) suspend l´autorisation de mise sur le marché du Ketum et d´une vingtaine d´autres médicaments à base de kétoprofène. La raison ? Des effets secondaires graves, dont des allergies au soleil donnant des eczémas et des cloques pouvant entrainer une hospitalisation. L´Afssaps est informée du problème depuis une dizaine d´années. Elle avait alors, à deux reprises, fait modifier la notice pour sensibiliser médecins et malades.

 

La décision du Conseil d´Etat

 

Mais une nouvelle évaluation de l´Agence conclut à un "rapport bénéfice/risque [...] défavorable, en raison du risque de survenue de réactions rares, mais graves, de photoallergie et d´une efficacité faible à modérée".

 

Va-t-on alors, comme le bon sens le commanderait, prononcer une interdiction  ?

 

Un des laboratoires concernés par cette décision, Menarini, dépose une requête en référé-suspension devant le Conseil d´Etat. L´ordonnance du juge tombe le 26 janvier 2010. Elle conteste la décision de suspension de l’Afssaps au motif que l’efficacité de ce gel antalgique n’est pas remise en cause, que la balance bénéfice/risque reste positive et enfin - et c’est cela que nous souhaitons souligner - que « le Ketum représente le deuxième chiffre d´affaires de la société Menarini, lui procure une marge supérieure à celle des autres spécialités qu’il commercialise, de sorte que l´arrêt de la commercialisation risquerait de compromettre la possibilité pour cette société de retrouver un résultat positif en 2010 ».

 

En conséquence de quoi, le laboratoire est de nouveau autorisé à commercialiser son médicament...

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