Mediator : mise en cause, la presse médicale s’offusque mais ne change rien


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Le rapport des professeurs Debré-Even suite à l’affaire du Mediator, très sévère contre l’institution médicale, n’est pas tendre non plus envers la presse spécialisée. Celle-ci s’indigne des accusations portées et proteste de son honnêteté. Sans prendre la mesure de l’immense attente déontologique de la population.

 

Le 13 janvier dernier, sur ce site, j’écrivais en titre  : « Mediator : l’heure des comptes. Pas pour tout le monde ? ». Et le chapô disait  : « La tête du patron de l’Afssaps, l’autorité qui veille sur la sécurité des médicaments, est tombée d’elle–même. D’autres vont certainement suivre. Mais l’on peut craindre que les remises en question soient limitées. Et absentes, comme d’hab, en ce qui concerne la presse… »

 

Je ne pensais pas si bien dire, car, non seulement la presse ne se remet pas en question, mais elle s’élève contre les « accusations inadmissibles » portée par exemple par le rapport Debré-Even contre la presse médicale.

 

Dans son édition du 18 mars, le directeur de la rédaction du Quotidien du Médecin, Jacques Degain, répond aux rapporteurs qu’ « il est faux de prétendre que le Quotidien nie sa mission d’information. Sa rédaction est composée de journalistes indépendants, médecins et non médecins, qui chaque jour apportent aux professionnels qui les lisent des informations essentielles, que beaucoup jugent aujourd’hui indispensables à leur exercice quotidien ».

 

« Ils nous instruisent en toute objectivité »

 

Pour appuyer ses dires, dans son édition du 28 mars, le journal donne la parole à des lecteurs. Sur une demie page, deux médecins réagissent, l’un pour se dire « choqué » par les prises de position du rapport « sur l’intégrité de la presse médicale spécialisée qui […] a fait la preuve de son respect de l’éthique et de sa liberté d’expression »  ; l’autre pour de demander que « l’on ne tire pas sur l’ambulance. […] Remercions l’ensemble des titres de presse médicale qui nous instruisent, et cela en toute objectivité ».

 

Il faut dire que le rapport Debré-Even n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Les publications de la presse médicale y sont qualifiées de « journaux de l’industrie, sûrs d’eux, désinvoltes, sans scrupules, cyniques, des journaux techniquement bien faits, mais qui servent la soupe, sans vergogne ». Ces titres « se sentent protégés par l’argent des firmes et les articles des leaders d’opinion, financés tout pareil par l’industrie, et qui leur donnent, par leur signature plus que par leur fond, l’apparence du sérieux ».

 

Et le rapport ajoute, en parlant du Quotidien du Médecin  : « Pas besoin d’un quotidien pour informer, mais besoin pour endoctriner, marteler sans cesse les mêmes mensonges, dont on dit qu’ils deviennent vérité à force d’être répétés ».

 

Alors, bien sûr, le journal ainsi mis au pilori réfute ces « accusations inadmissibles et qui ne reposent sur aucune preuve. […] Accuser la presse médicale et en particulier le Quotidien du Médecin des pires turpitudes est une méthode bien connue. Mais c’est aussi mettre en cause des journalistes qui n’ont de cesse d’exercer leur profession avec la plus grande rigueur ».


Les protestations d´honnêteté sont inopérantes

 

Ce que ne comprend pas le journal, c’est qu’aujourd’hui, ce type de réponse offusquée et ces protestations d’honnêteté ne suffisent plus pour assurer la crédibilité de la presse, et encore moins quand il s’agit de la presse professionnelle. Il serait temps que celle-ci fasse son aggiornamento, qu’elle donne des gages de son indépendance, qu’elle soit plus transparente, moins corporatiste, qu’elle lutte effectivement contre les conflits d’intérêt, bref, qu’elle organise enfin une véritable régulation déontologique de ses contenus.

 

S’abriter derrière la conscience supposée « honnête » des journalistes est une position inopérante. Seul un mécanisme extérieur de veille, d’analyse et de sanctions, au moins médiatiques, des dérives journalistiques pourrait donner au lecteur l’assurance que la profession prend au sérieux la qualité éthique des contenus qu’elle lui propose.

 

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