Mediator : l’heure des comptes. Pas pour tout le monde ?


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

La tête du patron de l’Afssaps, l’autorité qui veille sur la sécurité des médicaments, est tombée d’elle–même. D’autres vont certainement suivre. Mais l’on peut craindre que les remises en question soient limitées. Et absentes, comme d’hab, en ce qui concerne la presse…

 

Un dommage collatéral inattendu du Mediator, ce médicament qui aurait causé de 500 à 2000 décès  : Jean Marimbert, directeur de l´Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l’instance qui délivre les autorisations et assure la surveillance des effets secondaires des médicaments, a annoncé le 12 janvier 2011 qu’il allait quitter son poste.

 

C’est la première tête qui tombe dans cette affaire. Elle risque de n’être que la première d’une série. Car nous n’avons pas affaire ici à une démarche calamiteuse unique, celle du laboratoire Servier, mais à la mise à nu des travers de tout un système, celui de notre santé.

 

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), attendu ce samedi 15 janvier, pointera vraisemblablement certains dysfonctionnements et acteurs précis.

 

Mais il est à craindre, à moins d’une heureuse surprise, qu’elle se cantonnera à désigner les rouages les plus manifestement corrodés. En effet, l’Igas fonctionne grâce, dans, par et pour le système qu’elle est chargée d’analyser. Elle en restera la défenseure de son paradigme principiel  : la médecine basée sur la preuve, autrement dit mécanistique et matérialiste.

 

Autre crainte, mais celle-ci est malheureusement encore plus certaine de se réaliser, la presse ne profitera pas de l’occasion pour faire amende honorable quant à sa cécité. Si aujourd’hui l’hallali est sonné par tous les journaux contre le gibier Servier, personne, dans la profession, ne reconnaîtra avoir généreusement servi la soupe aux laboratoires pharmaceutiques. Non seulement par respect pour les publicités dont ceux-ci les nourrissent, mais aussi, et peut-être surtout, par le soutien intellectuel qu’ils ont toujours accordé au paradigme évoqué ci-dessus.

 

Il faut voir comment, encore aujourd’hui, malgré le fiasco de la campagne vaccinale contre la grippe A et à quelques exceptions près, ils prônent toujours sans aucun recul la nécessité de faire vacciner. En ignorant tous les biais mis en évidence depuis un an et toutes les démarches « différentes ».

 

Pour le ministère, "médecine naturelle" rime avec "risque sectaire"

Le 7 janvier 2011, le ministère de la santé a publié sur son site un dossier destiné à prévenir les gens contre les « pratiques non conventionnelles » en matière de santé. Très instructif, il affirme qu’il y a d’un côté la science objective, sérieuse, contrôlée, sûre et éthique  ; de l’autre, des pratiques douteuses, non validées et présentant une « perte de chance » pour les malades qui y recourent  :

 

« La médecine "conventionnelle" s’appuie sur des traitements qui ont toujours reçu une validation scientifique, soit par des essais cliniques, soit parce qu’ils bénéficient d’un consensus professionnel fort. Les essais cliniques sont soumis à des autorisations et à des contrôles rigoureux sur le plan de l’éthique, des conditions de réalisation et de la pertinence scientifique. (…) Les consensus professionnels, quant à eux, sont obtenus après plusieurs années de recul, avec l’accord et l’expérience de la majorité des professionnels de la discipline concernée. Les conditions d’utilisation des techniques y sont définies avec précision. En s’appuyant sur cette méthodologie rigoureuse, l’efficacité de la médecine conventionnelle est prouvée. »

 

Alors que « certaines de ces pratiques non conventionnelles ont certainement une efficacité sur certains symptômes, mais celle-ci est insuffisamment ou non démontrée ;

D’autres n’ont pas d’effet notable, mais présentent l’intérêt de ne pas avoir non plus d’effet indésirable significatif. Elles peuvent cependant entraîner une perte de chance pour les personnes atteintes de maladies graves, comme le cancer par exemple, du fait de la confiance que ces personnes placent abusivement en elles et du possible retard induit pour une prise en charge en médecine conventionnelle. Le danger est ainsi dans la présentation qui en est faite au malade ;

D’autres, enfin peuvent avoir des effets indésirables nuisibles pour la santé et doivent donc être systématiquement proscrites ».

 

Pour enfoncer le clou, le lien est fait avec les « sectes ». Car, selon les autorités françaises, derrière ces pratiques non conventionnelles, il y a cette menace  : « Si vous pensez avoir été victime d’une exigence financière exorbitante, d’une déstabilisation mentale, ou si un discours dénigrant la médecine conventionnelle vous a été tenu, il est possible que vous ayez été victime d’une dérive sectaire. Vous pouvez le signaler à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ».

 

« Si un discours dénigrant la médecine conventionnelle vous a été tenu »… Eh bien, il va y avoir du monde à dénoncer, comme l’y invite le dossier…

 

Dans sa lettre de départ, le directeur de l’Afssaps a proposé quatre pistes pour améliorer le système : élargir le système d´évaluation aux associations de patients, être davantage à l´écoute des « positions dissidentes » qui s´expriment sur tel ou tel médicament, mieux encadrer les conflits d´intérêts et améliorer les outils de suivi des risques des médicaments (la pharmacovigilance).

 

Voilà quatre voies que nos journaux seraient aussi bien inspirés de suivre pour le grand bénéfice des malades. Ils ont là de quoi guider leurs enquêtes et poser enfin des questions critiques au lieu de se faire les haut-parleurs naïfs ou intéressés des « progrès » d’une science médicale excellente, certes, mais dévoyée car trop fortement soumise aux intérêts particuliers.

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