Lettre à Mme la Défenseure des enfants


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Dominique Versini                                                                                      Le 13 décembre 2008
Défenseure des enfants
Paris

Madame,

Vous avez estimé, dans un communiqué publié le 8 décembre dernier, que plusieurs dispositions du rapport Varinard prévoyant la responsabilité pénale à douze ans ne s´inscrivent pas dans le sens des engagements internationaux de la France. « En adoptant le seuil de responsabilité pénale à 12 ans, la France se situerait dans la partie la plus basse des seuils fixés par de nombreux pays européens qui ont plutôt retenu l´âge de 14 ou 15 ans », avez-vous déclaré. Et vous avez ajouté : « Il ressort de toutes les observations de terrain que efficacité [de l´incarcération des mineurs] à un âge précoce est loin d´être avérée et que les modalités d´incarcération, même au sein des établissements pour mineurs récents, ne sont pas adaptées à des enfants de 12 ans ».

Permettez-moi de vous féliciter d’avoir ainsi réagi face à ce projet qui ne serait pas digne de l’humanisme dont se prévaut notre pays.

Mais je souhaite, par la présente, apporter un autre argument qui plaide pour une autre approche de la délinquance des mineurs en général. Un argument que, malheureusement, je ne vois nulle part exprimé malgré son importance capitale.

Cette volonté de juger plus sévèrement et de condamner nos ados est triste et injuste, car elle fait l´impasse sur un fait scientifique majeur : le cerveau du petit de l´homme se développe en plusieurs étapes après sa naissance et est encore incomplètement formé à l´adolescence (cf. notamment les travaux des neurologues américains Jay Giedd et Paula Tallal, ou ceux du neurobiologiste français Jean-Pierre Changeux).

La maturation de cet organe complexe s´effectue par vagues successives selon les zones : d´abord les régions associées aux fonctions sensorielles et motrices de base. Ensuite, entre six et dix ans, la mémoire, le vocabulaire, l´orientation dans l´espace, le raisonnement et le calcul.

Ce n´est qu´à la fin de l´adolescence (20/22 ans) que les régions associées au contrôle cognitif supérieur (et notamment le contrôle inhibiteur, moral) parviennent à maturité grâce à l´achèvement du lobe préfrontal. Alors, et alors seulement, la personne est en pleine possession de ses capacités de concevoir le long terme, d´évaluer correctement les risques qu´elle prend, de gérer ses sentiments, ses émotions et ses pulsions, de distinguer fiction et réalité, etc. Bref, qu´on peut la considérer - neuro-biologiquement - comme responsable.

Si nos hommes politiques ignorent ces éléments, ils ne peuvent qu´ajouter de l´injustice et de la souffrance à une catégorie de population qui a plutôt besoin d´accompagnement attentionné et de compréhension. Les ados, même difficiles, ne sont pas un "problème" : ils sont darwiniennement modelés par ce qu´ils voient et vivent, par les adultes et le spectacle que ceux-ci leur donnent.

A nous, et particulièrement à nos élites décisionnaires, de montrer l´exemple et l´intelligence de la situation...

JL ML, rédacteur en chef d’Ouvertures.net.

 

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