Les perspectives d´évolution de la politique vaccinale en France


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a jugé « positif » le Programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017 élaboré par la Direction générale de la santé dans l’objectif d’améliorer la protection vaccinale en France. Ce plan contient certaines orientations qui devraient réjouir les réfractaires vaccinaux et d’autres qu’ils pourront craindre.

 

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a été saisi le 26 mars 2012 afin de faire part de ses observations sur le Programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017. Le HCSP devait identifier les aspects qu’il considère comme prioritaires, ainsi que les points manquants ou insuffisamment développés.

 

D’une manière générale, le HCSP a jugé ce plan de manière « très positive ». En premier lieu, parce que le programme propose la gratuité des vaccins, obligatoires comme recommandées  : « Dans certains pays ou régions (Royaume Uni, Québec), c’est l’État qui achète les vaccins et les rétrocède gratuitement à la population. Cette modalité permet des économies très substantielles, la puissance publique et la mise en concurrence chaque fois que cela est possible contraignant les firmes à accepter des réductions de prix parfois considérables. La mise à disposition gratuite serait un geste fort d’engagement de l’État en faveur de la vaccination. ».

Un tel affichage du soutien de l’État a souvent été réclamé par les professionnels de la santé. L’obstacle du coût du produit disparaîtra complètement, facilitant son utilisation par toutes les populations concernées.

 

Parmi les autres mesures, on note  :

- Rendre le calendrier vaccinal plus simple  : « Le nouveau calendrier proposé comportera bien une réduction du nombre de doses de vaccins administrés chez les nourrissons et un passage d’une logique de rappel décennal chez l’adulte à des rappels à âge fixe, plus facilement mémorisables ».

 

- « Permettre le suivi des vaccinations par les personnes et leur médecin traitant grâce à un carnet de vaccination partagé intégré à un dossier médical informatisé. » Un « Carnet de vaccination électronique (CVE) est donc à l’étude. Il permettra d’intégrer en temps quasi réel les évolutions des recommandations vaccinales et de limiter aussi bien les sous-vaccinations que les survaccinations ».

 

> Question importante  : la connaissance par les autorités du statut vaccinal de tous les Français sera-t-elle sans risque  ? Elle devrait normalement n’être que statistique, seul le médecin ayant accès aux données nominatives. En tout état de cause, cette surveillance sera confortée par des actions « vers les collectivités de vie (établissements scolaires, enseignement supérieur, établissements de santé, entreprises) pour sensibiliser à la vaccination, vérifier le statut vaccinal, proposer une offre de vaccination ». Il sera très difficile d’échapper au système, pour le meilleur ou pour le pire, selon que l’on soutienne ou que l’on craigne une telle généralisation.

 

- « Renforcer l’enseignement sur la prévention et la place de la vaccination » auprès des professionnels de santé. » En effet, « les campagnes de vaccination récentes ont mis en évidence un niveau de connaissances tout à fait insuffisant des professionnels de santé vis-à-vis du vaccin, de son efficacité et des risques potentiels ».

> Intéressant de noter qu’on parle enfin des « risques potentiels ». Le tout est de savoir s’il y aura bien indépendance des experts chargés de mesurer ces risques…

 

- « Renforcer le sens collectif et individuel du principe de prévention de la vaccination par une communication adaptée auprès du grand public, par des actions ciblées. La communication à destination du grand public s’exerce à travers un processus à plusieurs  niveaux : des "leaders d’influence" forment les attitudes et les idées d’un petit nombre de chercheurs et d’experts, de médecins praticiens et de journalistes qui jouent le rôle de relais d’influence transmettant à un public plus large les  messages élaborés par les "leaders". Il convient donc d’identifier soigneusement ces prescripteurs d’opinion si l’on veut mettre en œuvre une campagne d’information efficace. »

 

> Ce point est très sensible. En effet, une des grandes critiques sociales de ces fameux « leaders » chargés d’influencer les experts, les médecins et les journalistes réside, d’une part, dans les nombreux conflits d’intérêt auxquels ils se trouvent mêlés  ; d’autre part, dans le fait de prendre les médias comme de simples courroies de transmission. Ce qui est malheureusement facile pour les autorités qui peuvent compter sur la docilité de la plupart des journalistes et l’absence d’enquête contradictoire. Les médias seront même « invités » à participer au « pilotage » de l’action en faveur de la prévention vaccinale…

 

- « Redéfinir les notions de vaccinations obligatoires et recommandées. L’existence de ces deux  niveaux dévalorise l’image des vaccinations recommandées par rapport aux vaccinations obligatoires. » Il y a même une certaine urgence à agir sur ce point  : une certaine urgence : « En droit, l’obligation vaccinale légitime les personnes à ne vouloir (pour eux-mêmes ou leurs enfants) que les vaccins obligatoires, ce qui s’avère en pratique très difficile puisque tous les vaccins utilisés en routine contiennent des valences additionnelles de vaccins recommandés ».

 

> Innovation dans la démarche proposée  : « Une conférence citoyenne réunissant tous les acteurs listés, comprenant également les organisations militant contre la vaccination ou certains de ses aspects, semble indispensable ».

Mais que ces dernières ne se réjouissent pas trop vite  : la conférence « devrait se situer en aval d’une réflexion institutionnelle aboutissant à des propositions élaborées ». Donc, une fois les décisions prises…

 

- Il faudra « définir les critères d’une vaccination obligatoire (…) et réexaminer la liste des vaccins obligatoires en population générale et en milieu professionnel. La levée des obligations vaccinales actuelles en population générale doit être une hypothèse envisagée ».

 

> Cette dernière proposition est une véritable évolution du discours des autorités. Dans le cas où elle serait approuvée, il faudra « prévoir les actions de communication (…) afin d’éviter que la levée de l’obligation ne soit suivie d’une chute significative de la couverture vaccinale ». « Actions de communication »  : les associations veilleront sans doute à ce que ne ce soit pas des « actions de propagande »…

 

- Autre point important, la reconnaissance de questions sur la validité et la sécurité des vaccins. « Les recommandations vaccinales peuvent, dans certains cas, être fondées sur des niveaux de preuve qui ne sont pas optimaux. A ce titre, il serait souhaitable de disposer d’un budget pour permettre la mise en œuvre d’études visant à tester et  d’études visant à tester et à valider des stratégies vaccinales pour lesquelles les données disponibles sont considérées comme insuffisantes. (…) Une meilleure transparence sur le profil de sécurité d’emploi mais également sur la balance bénéfice-risque des vaccins et de la vaccination vis-à-vis des professionnels de santé et du grand public devrait contribuer à l’augmentation de la couverture vaccinale ».

 

Mais cette transparence ne devra pas nuire à « l’image » de la vaccination  : « Beaucoup d’événements survenant après une vaccination sont sans lien avec celle-ci. Il importe donc d’améliorer l’analyse d’imputabilité, afin d’éviter que l’inévitable augmentation des notifications ne se retourne contre l’image de la vaccination. »

 

> Télécharger l’avis du HCSP  : Rapport relatif au programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017.

 

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