Les dérives de l´ordre sanitaire


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Les pratiques médicinales traditionnelles, différentes et complémentaires ont bien du mal à s’exercer en France. Les autorités n’hésitent pas à sortir l’artillerie dès que l’une pointe son nez. Même si celle-ci a des millénaires d’expérience à l’étranger.

 

Les dérives de l´ordre sanitaire

Ce lundi 19 janvier, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé des peines allant jusqu’à huit mois de prison ferme à l’encontre d’herboristes chinois qui vendaient dans leurs officines des médicaments interdits en France.
Tout le monde trouve cela très bien. Aucune protestation hormis, ici, la mienne.

Le journaliste de l’AFP délivre l’information en ne citant que la source policière : « Les gérants de quatre officines, des IIIe, XIe et XXe arrondissements de Paris, ont été reconnus coupables d’"exercice illégal de la profession de pharmacien" et de "détention de marchandises importées en contrebande".

La 31e chambre les a condamnés à des amendes de 2.000 à 15.000 euros, à des amendes douanières, ainsi qu’à des peines de prison de six mois avec sursis et à huit mois ferme. Certains produits contenaient par exemple de l’éphédra, une substance végétale utilisée dans certains produits amaigrissants, mais interdite en France depuis quelques années.

Ces condamnations surviennent après la mise en cause en novembre de plusieurs personnes d’origine chinoise tenant le même genre d’échoppe dans l’est parisien. Un homme et deux femmes ont été mis en examen pour "administration de substances nuisibles ayant entraîné la mort sans intention de la donner", après le décès à Sevran (Seine-Saint-Denis) d’une femme qui avait absorbé des gélules amaigrissantes achetées chez eux ».

Alors, dormons sereinement, les autorités veillent sur notre santé !

Or, il y a de quoi s’élever contre cette brutalité française qui sévit et réprime ce qui est pour elle « sauvage ». Bien sûr, l’argument suprême est la protection de la santé des consommateurs. Un argument qui paralyse d’emblée tout effort de pensée.

Or il faut bien dire que la violence utilisée en France contre ces pratiques « différentes » est une attitude inacceptable parce que cruelle et signe d’inculture. Car les médicaments proposés par les quatre pharmacies, le journaliste heureusement le précise quand même, sont « autorisés en Chine mais interdits à la vente en France, car jugés dangereux ».

Notre pouvoir ignore délibérément que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mène une politique très active pour promouvoir justement cette médecine traditionnelle dans les systèmes de santé.

Cette volonté d’inconnaissance est bien pratique : elle protège le système conventionnel, avec ses intérêts corporatistes et économiques.
Et puis, il y a clairement deux poids, deux mesures. Il est indéniable que la pharmacopée chinoise peut comporter des substances à risque. Mais ceci n’est-il pas vrai aussi de nos médicaments ? On oublie bien facilement, quand on met ces Chinois en prison, que les médicaments chimiques causent en France la mort de 18 000 personnes par an ! Mais, comme cela se fait en suivant l’ordonnance du praticien en blouse blanche et avec la bénédiction de la Sécurité sociale, on trouve cela parfaitement normal.

En revanche, qu’une mort ou deux puissent être attribuées à l’ingestion de substances non « validées par les connaissances scientifiques » (sous-entendu « occidentales »), alors là, branle-bas de combat, descente de police et prison !

Et ce type d’intervention n’est pas rare. Le 4 juin dernier, toute la presse avait parlé de l’opération des enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), menée près de Lyon dans un laboratoire clandestin de fabrication de médicaments non autorisés. Neuf personnes, dont un couple de retraités qui dirige l’association « Choisis la vie » dans la région lyonnaise, avaient été arrêtées à Messimy (Rhône). Le laboratoire clandestin en question fabriquait des produits Solomidès, non officiellement reconnus mais connus depuis longtemps par les autorités et n’ayant pratiquement jamais d’effets nocifs.

Que les policiers fassent leur travail, on le comprend. Mais que la justice, en parfaite harmonie avec les autorités sanitaires et le pouvoir politique, s’adonne à ce type de répression aveugle, c’est inadmissible. Qu’il y ait un souci de vérifier la justification des pratiques autres, c’est indispensable. Mais alors avec méthode et rigueur, dans le dialogue, la curiosité, l’ouverture d’esprit, le respect d’autrui. Pas avec le gourdin pour seul argument…

Et que le journaliste qui diffuse les faits n’ait même pas l’idée de s’interroger sur la validité de ces opérations répressives, de solliciter d’autres sources, contradictoires, d’information, c’est le signe clair que notre presse est atteinte de cécité. La France, pays de liberté ? Pour SA vérité, oui. Pour celle des autres, c’est une autre histoire...

>> Voir les commentaires des internautes sur Agoravox, où l´article est également paru.

 

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