On aimerait pouvoir s’en féliciter car une bonne régulation professionnelle est une sécurité pour les usagers et, plus largement, pour les citoyens. Le problème, ici, c’est que la même promesse avait déjà été faite il y a plus de dix ans, sans grand effet sur les dérives.
Vu sur le site des Echos du 26 septembre 2011 :
« La fédération professionnelle du secteur pharmaceutique (Leem) s´est dotée d´une instance de "vigilance éthique" pour veiller au respect des règles déontologiques par ses membres et éventuellement proposer des sanctions, avec en toile de fond le scandale du Mediator.
Le Codeem (Comité de déontovigilance des entreprises du médicament) aura notamment pour objectif de "veiller à l´application" des "dispositions déontologiques professionnelles", des règles de bonne conduite édictées par le Leem, a expliqué à la presse le président du Codeem Yves Medina.
Interrogé sur l´affaire du Mediator, M. Medina a notamment estimé que "si le Codeem avait existé, à un moment donné (...) il aurait été amené à se prononcer", soit en étant saisi, soit en se saisissant lui-même compte tenu des informations qui circulaient, notamment le livre d´Irène Frachon.
"Le Codeem aurait été sollicité et probablement, il aurait été sévère dans ses décisions", a estimé M. Medina.
M. Lajoux a également jugé que le conseil d´administration du Leem aurait saisi le Codeem "dès la publication" du livre d´Irène Frachon, paru à l´été 2010, pour demander "une enquête". "Il y aurait eu une phase d´instruction et de partage avec le conseil d´administration beaucoup plus rapide", a ajouté le président du Leem. »
Belles et bonnes intentions, rassurantes affirmations : « Si on avait existé plus tôt, ça ne se serait passé comme ça ! Le Médiator et le laboratoire Servier en auraient pris pour leur grade, soyez-en sûrs ! ». Cela dit sur un ton qui ne plaisante pas.
Or, le Leem avait déjà mis en place, en juin 2000, un comité d’autodiscipline : le Comité d´éthique et de médiation de l´industrie pharmaceutique (Cemip), avec comme missions :
- La régulation des pratiques professionnelles de ses membres
- La médiation entre ses membres
- Une fonction consultative concernant les pratiques de la profession
- Un pouvoir de recommandation en matière promotionnelle ou professionnelle.
Cette instance, expliquait le docteur Yves Juillet, conseiller du président du Leem et secrétaire permanent du Cemip, pouvait « être saisi[e] par toute partie prenante (entreprises concurrentes), Conseils de l´Ordre, associations de patients et de consommateurs, à partir du moment où la plainte ne provient pas d´un individu isolé et qu´elle n´est pas anonyme ».
Le Cemip avait même « la capacité de s´auto-saisir, ceci sous la surveillance de la Commission de déontologie, présidée et sous contrôle de membres indépendants de l´industrie ».
Or, « dans la pratique, reconnaît M. Juillet, il a une activité minimale ». C’est un euphémisme ! Il n´a rien vu passer dans l´affaire du Mediator ni non plus dans celles du Vioxx ou d´autres médicaments aux graves effets indésirables.
En présentant ses vœux en début 2011, Christian Lajoux, président du Leem, avait indiqué que les industriels du médicament étaient « très préoccupés par la perte de confiance réelle à l’égard des industriels et du système de santé », et particulièrement depuis l’affaire du Médiator. « Nous constatons la déflagration et l’anéantissement des efforts qui ont été faits depuis des années » dans la réhabilitation du médicament dans l’opinion.
Pour sortir de cette crise, le Leem a consulté : sociologues, sondagiers, spécialistes de l’opinion, « spin doctors ». Premier verdict : le Leem, a avoué Lajoux, « est trop refermé sur lui-même ». Eh oui, les patients aussi existent !
Mais « qui peut croire que l´industrie pharmaceutique s´autorégulerait ? notait déjà Elena Pasca il y a trois ans sur pharmacritique. Et les médecins aussi s´autorégulent... Il y a aussi une charte de la visite médicale, comme si quelqu´un pouvait encore croire aux contes de fées de la philanthropie de l´industrie pharmaceutique, qui enverrait les visiteurs médicaux informer les médecins juste pour faire avancer les connaissances, et non pas pour vendre leurs produits...
« Cette "autorégulation" est le signe patent de la faillite des puissances publiques, qui ne veulent mettre aucun obstacle sur la voie des affaires. Le candidat Nicolas Sarkozy, avocat d´affaires de Servier, ne disait-il pas que le droit des affaires est trop compliqué, trop lourd et qu´il fallait le réformer et le simplifier pour ne pas empêcher les entreprises de prospérer ? »