Dans "Agir dans un monde incertain (Essai sur la démocratie technique)", Seuil, 2001, Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe décrivaient l´émergence de "forums hybrides" rassemblant experts et profanes, professionnels de la politique et citoyens ordinaires autour de controverses scientifiques et techniques. Même si les décisions relèvent toujours au final de la démocratie délégative, la recherche d´un monde commun est devenu un préalable incontournable qui passe par l´exercice d´une "démocratie dialogique". Le récent Grenelle de l´environnement en est la meilleure démonstration.
Bien que je n´aime pas beaucoup les mots savants, "dialogique" me séduit, car il contient deux mots essentiels : dialogue et logique.
Faire émerger un peu de logique du dialogue, n´est-ce pas le vœu de tous ceux qui organisent des débats ? Fonder les décisions politiques sur la raison en réduisant la part d´irrationnel et de subjectif, n´est ce pas l´objectif de toute démocratie ?
Sur ce même thème, Marie-France Daniel, chercheur à l´université de Montréal, suggère des pistes très concrètes en essayant de cerner ce qu´elle appelle la pensée critique dialogique :
"Parmi les habiletés de pensée qui y sont inhérentes, mentionnons : justifier ses opinions, définir, analyser, déduire, évaluer des critères, proposer et vérifier des hypothèses, élaborer des relations nouvelles, douter, questionner, évaluer, regrouper, prioritiser, hiérarchiser, modifier, corriger, etc. Parmi les attitudes requises, mentionnons : la curiosité, la remise en question des présupposés et des acquis, le désir de s´engager dans la recherche, le courage de s´exprimer pour critiquer, l´ouverture d´esprit pour recevoir les critiques, etc."
Et si vous visitez ses pages, vous aurez le bonheur de découvrir la différence qu´elle fait entre critique (l´adjectif) et critiqueux !