Christine Albanel. Photo : Didier Plowy/MCC |
« Les rédactions des journaux télévisés sont indépendantes. C’est faire injure aux journalistes que de prétendre qu’ils sont incapables de résister aux pressions. »
Cette phrase, dans son fond sinon dans ces termes, a été rabâchée sur les plateaux de télévision par Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à l’occasion du projet de réforme de l’audiovisuel public. Elle s’efforçait ainsi de justifier la nomination, fortement contestée, du président de France Télévisions par l’Elysée.
Cette affirmation est la preuve ou d’une bien grande naïveté, ou d’une tout aussi grande hypocrisie.
Certes, le temps est – presque – révolu où le pouvoir dictait directement ses volontés aux patrons des chaînes. Certes, la censure n’ose plus s’afficher aujourd’hui aussi effrontément que dans le passé.
Mais dire que le proverbe « qui paie commande » n’a pas cours quand il s’agit de rdactions journalistiques, si fières de leur indépendance, est grandement méconnaître la réalité.
En effet, le plus grand mal dont souffre notre profession aujourd’hui est bien l’autocensure, essentiellement économique. Libérer la pression économique (en supprimant la pub sur l’audiovisuel public) pour la remplacer par la pression politique est indécent et attentatoire aux principes les plus essentiels de la démocratie, s’agissant d’information.
Celle-ci ne peut être que libre pour permettre un vrai débat citoyen.
Avec la réforme, les rédactions seront d’autant plus assujetties à leur actionnaire qu’elles sont toutes déjà dans une situation statutaire de subordination à leur employeur. Les devoirs d’obéissance, de loyauté et de discrétion professionnelle seront alourdis par la crainte de déplaire à l’actionnaire. Ce qui autorisera toutes les dérives.
Compter sur la seule capacité individuelle des journalistes, et même sur celle, collective, des rédactions, de résister aux pressions même non formulées, c’est compter sur le cri de l’agneau pour effrayer le loup.
Tant que les journalistes et les rédactions n’auront pas les moyens juridiques, et donc structurels, de leur indépendance, l’information télévisée publique sera – quoiqu’on en dise – aux ordres de ceux qui la financent.
C’est toute la société qui en pâtira.