Enquête Liberté de pensée

22 – L’humanisme a besoin de la transcendance, union entre l’unique et l’universel


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

« Après avoir désanimé et mécanisé le monde, devenu un matériau à manipuler et à exploiter, l’esprit humain a fini par déboucher sur sa propre mécanisation ». Cette phrase de la neurologue Laura Bossi sonne comme une invitation à renouer avec ce qui fait l’essence de notre humanité : la transcendance.

BossiDans Histoire naturelle de l'âme, la neurologue Laura Bossi s’étonne : « Les scientifiques se seraient-ils substitués aux philosophes et aux théologiens ? (…) Devant le relativisme des croyances dans les sociétés démocratiques et “pluriculturelles”, face à l’abdication des philosophes et à l’embarras des Églises, les scientifiques semblent être les seuls à avoir cette ambition démodée qu’est la recherche de la vérité. Vérité provisoire – ce n’est pas un hasard si les scientifiques contemporains se nomment “chercheurs” et non plus “savants” –, mais vérité cependant. Il est donc naturel que l’honnête homme se tourne vers eux pour un avis éclairé sur l’âme et les fins dernières. »

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Laura Bossi. (DR)

Et la scientifique poursuit : « Nous confions désormais à la science le soin d’expliquer les questions concernant la vie, la mort et la conscience. (…) Cette surestimation des pouvoirs de la raison de l’homme, raison “pétrifiante” comme la qualifiait Novalis, a en fait aussi conduit à une perte de la subjectivité. Après avoir désanimé et mécanisé le monde, devenu un matériau à manipuler et à exploiter, l’esprit humain a fini par déboucher sur sa propre mécanisation. (…) Dans cette optique purement mécaniste, la biographie humaine, la liberté humaine et l’histoire humaine n’ont évidemment plus de place. »

L’âme humaine est aujourd’hui remplacée par des “modélisations”… Et l’on ne parvient même plus à distinguer l’homme du singe, sauf par quelques détails insignifiants. La transcendance, cette dimension propre à l'homme qui fait de chaque individu à la fois un monde en soi et un concentré de tout l'Univers, disparaît sous l'impérium des seules constatations matérielles.

La pétrification de l’âme

Mais l’humanisme sans la transcendance (que les philosophes de l'Aufklärung identifiaient avec "la liberté"), c’est la pétrification de l’âme. C’est le lit de l’eugénisme et des totalitarismes.

C’est cette négation de l’humanité de l’homme que refusent aujourd’hui nombre d’individus contestataires et de groupes de toute sorte. C’est contre cette relégation de la dimension humaine au rang de simple phénomène naturel et mécaniste que s’organisent notamment les religions et les “sectes”. Pour elles, la vérité des scientifiques est partielle et incomplète. Une autre dimension habite l’homme : celle de l’Esprit, qu’il soit nommé Dieu ou non, et que l'on peut schématiser sous le terme de "transcendance".

Il faut ainsi se réjouir que l’âme humaine, totalement évacuée des discours scientifiques, politiques et médiatiques, fasse de la résistance. Car l’âme, c’est la graine d’Esprit, le germe unique d’Universalité qui habite chacun et qui est irréductible à la mesure ou à la cartographie. Qui, donc, échappe à la science matérialiste.

Tout comme le problème posé par les diverses options spirituelles, religieuses ou thérapeutiques, l’affaire des foulards islamiques rappelle à la démocratie que de nombreux individus veulent une reconnaissance de cette dimension intérieure. Ils souhaitent pouvoir la vivre au grand jour. Même si cette foi contredit certaines des mœurs majoritaires. Même si ces pratiques ne coïncident pas toujours avec les connaissances « scientifiquement établies ». Même si elles paraissent infantiles ou bizarres.

Du moment, bien sûr, que sont respectés les grands principes vitaux comme le respect des personnes et la liberté de penser. Du moment que sont prises certaines précautions de base, comme par exemple, pour un thérapeute “différent”, non reconnu, l'engagement à une pratique éthique et l’interdiction d’interdire à son patient le recours à la médecine d’école.

Ce qui est généralement le fait des minorités de conviction, quoiqu’on en ait.

L'âme humaine n'est pas morte

La preuve en est que, malgré l’énorme arsenal répressif, des lois spécifiques, une surveillance policière et administrative permanente et organisée sur tout le territoire, l’hostilité de la quasi-totalité des médias, l’activisme fortement subventionné d’associations vouées à la dénonciation, la peur d’une grande majorité de gens ignorants des dessous de la lutte antisecte, malgré toute cette vindicte, les groupes (plus ou moins intégrés) sont toujours là, s’exposant moins bien sûr (on comprend pourquoi), mais bien présents. Et même se fortifiant dans leurs convictions et se multipliant.

La méthode répressive pratiquée en France est inopérante. Il faudra bien un jour que nos responsables politiques et médiatiques ouvrent les yeux : l’âme humaine, que l’on a voulu évacuer des sciences comme de notre culture, n’est pas morte. Elle prend confiance en elle et en ce qui la lie à tous et à l'Univers. Personne ne la mettra en fiches ni sous carcan.

Mieux vaudrait acter cette réalité pour mieux l’accompagner et permettre ainsi la réconciliation entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Ceux qui doutent ne sont déjà en guerre contre personne...

FIN

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