La démocratie est fondée sur le principe que chaque citoyen est libre de penser et qu’il pense effectivement par lui-même. Or la réalité est loin de correspondre à cet idéal.
Nulle part ailleurs autant qu’en France, les minorités spirituelles, par principe, sont l’objet de sarcasmes, de peurs, voire de terreurs. Nulle part ailleurs autant qu’en France, tant les médias que les gouvernements successifs développent une réelle haine contre ces groupes spirituels, religieux, philosophiques et thérapeutiques « différents ». Comment se fait-il que le « pays des droits de l’homme » ait tant de mal à accorder une place au soleil à ces groupes, quasiment identifiés à des mouvements terroristes ?
Un élément de réponse se trouve sans doute dans le peu de goût des Français pour l’introspection, pour la connaissance de soi. Une indifférence qui tient peut-être à l’excès de confiance en leur rôle, historique et quasi messianique, d’universalité et d’égalité. Tout particularisme est présenté comme un communautarisme, lui-même considéré comme une incapacité à tenir compte de l’intérêt général, quand ce n’est pas la volonté expresse d'aller contre.
Chacun manipule et est manipulé
D’où, par exemple, le glissement qui s’est opéré dans le concept de laïcité. Celui-ci est passé de laïc = qui s’abstient de tout parti pris religieux ou non religieux, à laïc = athéisme et matérialisme,avec en corollaire : rejet de la dimension religieuse.
La haine française des « sectes » est possible parce la plupart des gens ignorent ou oublient, faute de s’observer eux-mêmes en profondeur, combien ils sont eux-mêmes constamment manipulés (par la publicité, les médias, la politique, son voisin, son cousin, son frère…) et combien ils manipulent souvent à leur tour (par peur, faiblesse, intérêt ou autre…).
Cette haine est possible aussi parce que la réalité concernant ces groupes « différents » n’est jamais présentée de façon objective ou neutre par les médias.
Toutes les conditions sont réunies pour une immense mystification dans laquelle les plus bernés ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Le pouvoir a tendance à se comporter en « maître de la vérité »
Un autre élément pour expliquer le pourquoi de cette « sectophobie » nationale, est la question de la « norme » et de la « vérité ». Que peut-on admettre comme comportement « normal » ou « juste » ? Qu’est-ce qui est vrai ?
On a vu que la répression des « sectes » prétend se justifier par la nécessité de « protéger » les gens contre les « dérives » dommageables. En fait, nous avons vu qu’elle jette par principe l’opprobre sur les minorités de conviction. Elle le fait en suivant quelques idées simples, sinon simplistes : seules les grandes religions sont « reconnues », seule la médecine officielle est la norme, seule l’administration définit ce qu’est une vie juste, etc. Toute ce qui vit et s’exerce en dehors de ces clous est dérive, escroquerie, charlatanisme, emprise, abus de faiblesse, etc.
Certes, il peut y a avoir quelques cas avérés, mais ils sont tellement rares qu’ils ne justifient aucunement les centaines de millions d’euros d’argent public dépensés chaque année pour « lutter contre les sectes ».
Le pouvoir a une tendance fâcheuse, et c’est particulièrement vrai pour la France, nous l’avons vu tout au long de notre enquête, à se comporter en « maître de vérité », alors qu’il n’est dépositaire, au mieux, que d’un consensus, qui plus est temporaire (on constate, par exemple, que les Témoins de Jéhovah sont désormais presque reconnus comme religion).
La « juste persécution au service de la vérité »
Et quand on est sûr d’avoir raison, toutes les dérives sont possibles. En France, on présente souvent les croyants comme des personnes faibles d’esprit, manipulées par des églises qui leur promettent le Ciel après la vie, les détournant ainsi de l’action politique pour changer le monde au présent.
De même, les croyants sont supposés être englués dans des illusions que les Lumières de la Raison n’auraient pas encore dissipées. C’est pourquoi beaucoup pensent que la loi et la force publique sont nécessaires pour libérer « contre eux-mêmes » ces malheureux croyants forcément ignorants. Ce faisant, ils agissent dans le droit fil d’un Saint-Augustin qui parlait d’une « juste persécution au service de la vérité », gouvernée bien sûr par la charité… La contrainte n’est pas alors un viol de conscience mais une libération des hérétiques de leurs conditionnements néfastes et de leurs croyances…
On oublie alors que nombre de “sans-religion” ont cru eux aussi aux “lendemains qui chantent” et croient encore en l’avènement futur d’un “altermonde”. Et les Lumières sont loin d’éclairer l’esprit de tous les matérialistes et athées, qui confondent souvent rationalisme (la raison comme source unique de connaissance) et rationalité (la raison comme moyen essentiel, mais moyen parmi d’autres, d’accès à la connaissance).
Cela n’empêche pas certains non-croyants de se poser comme « libérés » face au fanatisme ou à la naïveté des croyants. À preuve, cette question posée il y a quelque temps, en fin d’interview, par un journaliste de Libération à un chanteur raï : « Croyez-vous en Dieu ou êtes-vous débarrassé de cette superstition ? »
Sans nous étendre sur la pression manipulatrice de la formulation, constatons simplement avec quelle candeur ce “médiateur” prend en fait parti. Car, quoi qu’on dise, nul n’a encore apporté la preuve de l’inexistence de Dieu (ni celle de son existence, d’ailleurs) ! L’inexistence de Dieu, comme son existence, demeurent donc des croyances. A égalité, en terme de probabilité.
L’ennemi, c’est celui qui échappe à la nomenclature
Tout se passe comme si les gouvernements avaient peur de la vie concrète dans sa diversité, son inventivité et dans son étrangeté. Comme s’ils avaient peur de tout ce que l’on pourrait rassembler sous la notion de transcendance (spiritualité, intuition, sensibilité, etc.), car échappant à sa mainmise. Pour se rassurer, et rassurer le bon peuple, on édicte des lois et des milliers de règlements hors lesquels point de salut. L’ennemi finalement, c’est l’individualité, dans sa spécificité unique et son imprévisibilité. L’ennemi, c’est ce qui échappe à la nomenclature.
C’est pourquoi l’Etat cherche plutôt à infantiliser les citoyens. Et on en arrive à ce paradoxe que les pouvoirs publics, mus par l’idéal des droits de l’homme (en général) et au nom de cet idéal, tentent de limer les droits de l’individu (particulier) !
C’est pourquoi il préfère penser à la place du citoyen en édictant moultes normes et règlements, plutôt que favoriser son savoir, sa responsabilisation, sa réflexion personnelle, son originalité, etc.
Le principe du penser librement par soi-même, que l’on croyait à la base de notre société démocratique, est en fait encore un idéal bien loin d’être atteint. Et, comme nous l’avons vu précédemment, le regroupement en entités autour d'une conviction offre aux contestataires de la norme sociale trop lourde un rassemblement d’énergies pouvant ainsi affirmer leurs particularités.
Cela dit, l’homme pensera par lui-même lorsqu’il n’aura plus besoin d’intermédiaire, quel qu’il soit (religion ou « secte », parti ou famille) entre lui et sa conscience, entre lui et sa lumière intérieure, pour guider ses choix essentiels. La conscience parlant autant dans l'intérêt de l'individu que dans celui de l'Humanité toute entière...
> A suivre :
22 (et dernier article de la série) - Pour rendre chaque individu responsable, l’humanisme a besoin de la transcendance
La liberté de chacun finit ou commence celle de ses voisins, or, la multiplication pléthorique des voisins aboutit au déclin de la liberté de chacun.
Cette définition de la liberté, qui finirait où commence celle des voisins, est fausse ou incomplète à mon avis. Je dirais plutôt que je suis toujours libre quand je suis dans l’empathie avec mes voisins. Les limites naissent avec la peur ou le mépris de l’autre.
même si je suis en empathie avec mon voisin (ce qui n’est pas si facile pour certains) il peut arriver que son comportement me gêne, me stresse, m’insupporte, et donc me prive de ma liberté si je ne réagis pas pour faire cesser ce trouble et c’est là que celà devient délicat!..
Penser par soi-même ? Est-ce possible, vu le conditionnement social, les livres qu’on a lu, les personnes qu’on a côtoyé, etc ?
Et le but est-il de penser ? Penser n’est-il pas dépenser ? N’est-ce pas perdre de l’énergie souvent dans des pensées obsessionnelles..
Les seules pensées valables sont les pensées constructives..
Constructives de quoi ? Des Idées. Mais des idées qui ont fait leurs preuves, universelles, bénéfiques, utiles, pragmatiques…