La mort du despote ouzbek risque d’ouvrir la porte à l’islamisme radical


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Après 26 ans de pouvoir sans partage, la mort sans successeur désigné d’Islam Karimov pourrait plonger le pays dans le chaos islamiste. Les pays occidentaux auront encore à s’interroger sur leur part de responsabilité dans cette dérive.

Karimov

Islam Karimov. (Photo : en.kremlin.ru)

A 78 ans, il dirigeait d'une main de fer l'Ouzbékistan, le pays le plus peuplé d'Asie centrale (30 millions d'habitants), ex-république soviétique du temps de l'URSS. Orphelin, Karimov a gravi tous les échelons de l'appareil communiste jusqu'à prendre la tête de l'Ouzbékistan. A l'indépendance, en 1991, il se maintient au pouvoir et élimine tous ses opposants. Réélu en 2015, il a été accusé par des ONG d'avoir régulièrement truqué les élections, arrêté arbitrairement des centaines d'opposants et soutenu la torture dans les prisons. Il sera inhumé aujourd'hui sans sa ville natale de Samarcande.

Le président du Tadjikistan et des diplomates kirghiz et afghans devraient se rendre en Ouzbékistan aujourd’hui samedi pour assister aux funérailles.

Samarcande 2

Le président Karimov était né et sera enterré à Samarcande, ville mythique sur la Route de la soie, et d'où la jeune femme qui a inspiré ce portrait est originaire.

En effet, indique Courrier International, « ces trois pays sont inquiets d’une possible montée de l’islamisme dans la région suite au départ de Karimov. "Les islamistes sont très puissants dans la vallée du Ferghana, estime encore David Gäuzere. Et ces derniers pourraient profiter du vide du pouvoir pour organiser des attentats suicides jusque dans la capitale Tachkent." La plupart des cadres du mouvement islamiste du Turkestan ont prêté allégeance à l’organisation État islamique et sont issus de cette vallée. Le gouvernement ouzbek craint un retour des combattants de Syrie et d’Irak. Selon les services de sécurité russe, plus de 500 Ouzbeks auraient rejoint les rangs des jihadistes ».

Critiques mises en sourdine

Comme trop souvent, les pays occidentaux ont mis un mouchoir sur leurs valeurs affichées pour soutenir indirectement un pouvoir autocratique qui, du fait de sa « stabilité », favorisait leurs intérêts.

« Au fil des années, écrit Human Watch Rights (HWR), les États-Unis et l'UE, compte tenu de l'importance géostratégique qu'ils accordaient à l'Ouzbékistan, ont commencé à mettre en sourdine leurs critiques du bilan de plus en plus déplorable du gouvernement en matière de droits humains, et ont pour une large part abandonné les positions de fermeté qu'ils avaient adoptées juste après le massacre d'Andijan. Dès 2009, les États-Unis et l'UE (en particulier l'Allemagne) avaient renoué des liens étroits avec Karimov, utilisant les infrastructures ouzbèkes dans le domaine des transports pour acheminer du matériel aux forces militaires internationales déployées en Afghanistan, notamment par le Réseau de distribution Nord ».

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