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« État de sujétion psychologique » : dialogue avec le président de la Fédération française de psychiatrie

Les décisions de justice doivent être prises sur des critères de droit, donc de rationalité. Or, l’« état de sujétion » d’une personne dont on abuse de la faiblesse, qui constitue la base de l’accusation de « secte », n’a pas été défini. Pas plus juridiquement que scientifiquement. J’ai posé la question au président de la Fédération française de psychiatrie.

Un article paru sur Ouvertures révèle les réponses de différents acteurs et institutions légitimes à s’exprimer sur la valeur de la notion d’« état de sujétion psychologique », incluse dans loi About-Picard de 2001, dite loi "antisecte". Le 7 septembre 2016, j'ai notamment interrogé Bernard Odier, le président de la Fédération française de psychiatrie.

Mme Picard, à l'origine de la loi qui porte son nom, actuellement présidente de l'Unadfi, et M. Fenech, ex-président de la Miviludes, en 2011, à l'occasion du 10e anniversaire du texte.

Je présente ce dialogue sous la forme d’une interview fictive mais tirée d’un échange réel par mails (septembre 2016).

J-L ML.- Pouvez-vous me dire s’il existe une base scientifique (médicale, psychiatrique, psychanalytique, psychologique, clinique, autre) au concept de "état de sujétion psychologique" (je ne parle pas de la suggestion).

Je n’arrive pas à trouver la moindre référence à ce sujet dans des travaux scientifiques, médicaux ou cliniques.

Je connais les explications de la Miviludes, l’organisme chargé de lutter contre les dérives sectaires. Mais celle-ci ne cite aucune base scientifique pour définir ce concept, hormis les affirmations de quelques psychiatres qui travaillent avec ou pour elle ou qui sont appelés à trancher sur ce point en tant qu’experts devant les juges. Par ailleurs, la Miviludes est un organisme administratif ; ses avis ne peuvent se substituer aux connaissances scientifiques.

Pouvez-vous m’indiquer s’il existe une définition précise de concept, ainsi que les références, études ou avis éventuels ​dont la profession de psychiatre disposerait sur l’état de l’art ?

Bernard Odier, président de la Fédération française de psychiatrie.- Vous posez une question dont les développements psychiatriques sont actuels et à venir. Le terme est administratif, juridique, avant d’être psychologique ce qu’il est aussi. Le terme sujétion décrit plutôt une relation qu’un état, tandis que la clinique psychiatrique est surtout individuelle. Cependant l’intérêt de la psychiatrie pour les aliénations conduit à ce que les psychiatres se penchent sur ces états de soumission, souvent de servitude volontaire.

JL ML.- Je partage le fond de vos remarques. Le problème est que, précisément dans le cas de la loi dont il est question, le terme de sujétion est pris non pas comme une relation mais comme un "état".

Je ne questionne pas sur le problème de "l’abus de faiblesse", qui existe depuis un certain temps dans notre arsenal juridique mais sur l'abus de faiblesse d'une personne en état de sujétion. C’est cette formulation qui me paraît problématique. D’autant plus qu’elle est validée par des psychiatres (les experts des tribunaux) qui vont jusqu’à cautionner l’idée de "captation du libre arbitre" d’une personne par une autre.

​Les problèmes de dépendance, soumission, etc., sont une chose ; autre chose est l’état psychologique d’une personne dont une autre personne aurait annihilé le libre arbitre pour se la soumettre, ce qui me paraît impossible à prouver comme à réaliser.

La loi crée un nouveau crime qui s'appuie sur un concept que les psychiatres et les psychologues sont chargés devant les tribunaux de déterminer, avec toutes les conséquences qu’un jugement peut entraîner sur la vie des personnes concernées.

"L’état de sujétion" d'une personne (ce qui est autre chose, pour la loi et pour les professionnels du psychisme convoqués, que l’état de dépendance) existe-t-il vraiment ? Est-il seulement possible ? Comment déterminer cliniquement cet état, comment le définir ?

Bernard Odier.- Sous réserve que vous ne fassiez pas une interprétation restrictive du terme "état de sujétion" (qui implique implicitement l’existence d'une relation aliénante), vous serez peut-être intéressé par le texte ci-joint [voir ci-dessous] d'une communication scientifique ».

> 2013 colloque de la Miviludes, psychiatre des hôpitaux, Centre psychiatrique du Bois de Bondy au colloque de la Miviludes du 23 novembre 2013.

JL ML.- D’accord avec les recommandations de l’auteur psychiatre quand il écrit : « Je me méfie beaucoup des concepts flous et de leur extensivité abusive. Je comprends donc la méfiance de nombreux juristes autour des notions d’emprise, de perversion narcissique, de manipulation mentale… Il faut à tout prix récuser la toute-puissance de l’expert auquel on confierait la tâche de qualifier à lui seul l’infraction. »

C’est précisément l’objet de [notre] démarche : mettre en question ces notions floues, comme celle d’ailleurs de « l’état de sujétion », et éviter, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui dans les tribunaux, de fonder la décision de justice sur l’avis de l’expert.

Ensuite, [nous contestions] que l’on puisse tenir ce genre de propos : « Il ne s’agit pas simplement de sujets sous emprise, sous influence, objets de manipulation mentale mais de victimes d’asservissement psychique, d’esclavage relationnel, d’emprise totalitaire, de déni d’autonomie, d’exploitation psychique de l’homme par l’homme. »

Et : « Chacun se trouve en position de régression infantile, de sujétion. Ainsi disparaissent la rationalité, la logique, l’intelligence, la capacité critique ou tout simplement l’autonomie de pensée. »

La rationalité, l’intelligence, l’autonomie de pensée ne disparaissent jamais, elles sont, au pire, trompées, orientées, abusées. Cette chosification possible de la conscience de l’homme par un autre que suppose cette notion d’état de sujétion est, [pour nous], une aberration très dangereuse individuellement et socialement parlant.

La conscience (le « je » d’une personne) n’est accessible qu’à cette seule personne (…). Le sujet n’est toujours que sujet [jamais objet], il ne peut jamais être perçu, touché et encore moins manipulé par quiconque.

Tout ce que peut faire une personne extérieure, c’est bien sûr l’influencer, l’effrayer, le contraindre physiquement, le tromper, abuser de lui, etc.

​Tout cela est possible, mais ​EN AUCUN CAS, ​cette personne ne peut lui ôter son autonomie, mettre son moi en esclavage, etc. Il y a toujours de la part du sujet victime une liberté qui adopte ou refuse la proposition extérieure, en fonction de ses critères, de ses connaissances, de ses croyances, de ses illusions, de ses attentes, etc. Car un sujet (une conscience) est une « monade » [au sens leibnizien du terme] maîtresse en sa demeure et intangible DE L’EXTERIEUR.

C’est ce contresens qui est fait par la plupart, y compris par les professionnels du psychisme, et qui est inscrit désormais dans la loi. [Nous pensons] que c’est une très grave et très dangereuse erreur. Et [nous nous étonnons] que la profession n’ait pas plus approfondi sa réflexion sur ce sujet capital. »

> Faute de réponse à ce dernier commentaire, notre dialogue s’est arrêté là.

L’« abus de faiblesse en état de sujétion psychologique » : une manipulation parlementaire ?

La formulation « abus de faiblesse en état de sujétion psychologique » est elle-même le fruit d’une manipulation. Elle a été inscrite dans la loi en lieu et place des termes « emprise » ou « manipulation mentale ». Ces termes-là, pressentis au départ par le législateur, ont été récusés car leur réalité était impossible à prouver et qu’ils pouvaient s’étendre à l’infini sur toute activité humaine.

Or, les parlementaires voulaient n’atteindre que les « sectes ». Mais, autre problème pour eux, le terme de « secte » n’a aucune existence juridique. Il est impossible de l’inscrire dans un texte de loi.

Comment faire pour quand même condamner des groupes de pensée alternative sans attenter à la liberté de penser ? Les antisectes ont trouvé une arme à double détente :

- Un : prétendre ne pas s’intéresser au contenu des enseignements diffusés par ces groupes mais ne réprimer que les actes contraires à la loi. D’où les fameux critères de la Miviludes. Le problème est que ces critères, généralistes, peuvent concerner toutes catégories de citoyens. Un délit spécifique restait nécessaire pour caractériser non plus une « secte » mais une « dérive sectaire » (qui n’a pas plus, soit dit en passant, de définition légale que la « secte »).

- Deux : concevoir un délit spécifique proche de l’idée que se fait l’opinion d’une « secte » : un groupe dont le véritable objectif est de gruger des personnes faibles pour les exploiter financièrement ou sexuellement. Le délit consisterait dans le fait de piloter la conscience d’autrui grâce à des méthodes frauduleuses, de capter son libre arbitre et de se le soumettre entièrement. Cela tombe bien, la loi condamne déjà l’abus de faiblesse. On va donc aggraver ce délit par le fait d’abuser de la faiblesse d’une personne « en état de sujétion psychologique », mais sans jamais définir ce qu’est cet « état » de sujétion.

Ce fut un coup habile, car, jointe à l’abus de faiblesse, cette formulation consacrait la croyance populaire en la maîtrise d’une conscience par une autre conscience. Personne n’a protesté jusqu’à aujourd’hui que cette maîtrise totale était impossible, puisque personne ne peut penser à la place d’un autre : personne ne peut dire je à la place d’un autre je !

On peut tromper la vigilance de quelqu’un (comme le fait le prestidigitateur), on peut profiter de son ignorance ou abuser de son amour du gain, comme dans les pyramides de Ponzi (affaire Madoff, par exemple), on peut l’escroquer en profitant de sa naïveté (personnes âgées…), etc. Tout ça, c’est de l’abus de faiblesse.

Mais affirmer qu’une personne ou une autre est en "état de sujétion psychologique" : impossible ! Et si certains psychiatres ont pu le faire lors de procès, c’est en outrepassant leur prérogative et en cautionnant une croyance qui n’a aucune base scientifique. Il suffit en effet au psychiatre de croire en la fable de la captation du libre arbitre pour orienter le dossier d’un prévenu vers une incrimination d’abus de faiblesse d’une personne en état de sujétion. Tandis qu’un autre, à mon avis, plus rigoureux, se dira incompétent et donc incapable de se prononcer sur ce point précis.

 

Une mission d’enquête parlementaire sur trente ans de politique nationale antisecte

A l’initiative du parti Arc-en-ciel (AEC), les députés ont décidé ce 21 mars 2016 la création d’une commission d’enquête parlementaire sur « la façon dont le pays lutte contre les sectes depuis le début des années 80 jusqu’à aujourd’hui ».

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Séance d'une commission d'enquête parlementaire. Photo : Assemblée nationale.

Décontenancés par les attentats perpétrés par des sectes terroristes en 2015, un certain nombre de parlementaires, interpelés par des parents de victimes et par des articles de presse, ont voulu comprendre pourquoi, alors que la France est « lourdement engagée depuis plus de trente ans dans la lutte contre les sectes, notre système institutionnel n’a pas su prévoir ni endiguer la montée des dérives sectaires djihadistes sur le territoire ». Il faut donc effectuer un « diagnostic sans concession » de ce système pour pouvoir proposer, éventuellement, des « pistes de réforme ».

La commission sera présidée par le député centriste Abou Pikar. Jacques Renard (divers gauche), qui préside le groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée nationale, a été désigné rapporteur.

Une sous-catégorie de citoyens

Dans l’exposé des motifs présenté par Bernard Ammoytier (droite), les députés disent vouloir « mesurer l’efficacité de [cette] politique ». Ils s’interrogeront en effet sur les raisons qui ont motivé la constitution de quatre commissions d’enquête (un record absolu pour une seule thématique), la création de la Miviludes et d’une police spécialisée, le financement public des associations dites « antisectes », le vote de lois spécifiques « visant une sous-catégorie de citoyens », etc. Le tout pour aboutir à la multiplication des groupes sectaires (116 en 1982, 172 en 1995, plus de 800 aujourd’hui), à l’explosion des signalements de dérives sectaires, notamment dans le domaine de la santé, et à l’engagement de nombreux jeunes Français dans le fanatisme islamiste.

Les « sectes » : un problème « mal posé »

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Le sociologue Jacques Pourdieu. Dessin : JL ML.

Selon le sociologue Jacques Pourdieu, la politique française de « lutte contre les sectes » repose sur une base « totalement erronée » : les « adeptes » de ces mouvements, tout comme les jeunes recrues des djihadistes, seraient en quelque sorte « envoûtés » par les groupes manipulateurs qui emploieraient des techniques visant à « annihiler leur libre arbitre ». Leurs comportements seraient ainsi téléguidés ; l’emprise mentale de leurs mentors sur leur conscience serait LA cause de leur dérive et de leur changement de vie.

« Certes, on ne peut nier l’existence de propagandes, de tentatives de suggestion et de séduction, admet Jacques Pourdieu. Mais un sujet humain est et reste un sujet ! Il existe toujours une part de choix, d’adhésion volontaire en tout individu. C’est son désir de donner un sens à sa vie, c’est son besoin de transcendance qui le font opter pour telle ou telle perspective autre. En fait, le peu d’attrait des religions, des schémas idéologiques ou médiatiques entourant le candidat à la conversion face, en contraste, à l’excitation de voies exaltantes parce que semblant absolues, constitue LA vraie faille de tout le système. Donc, en se contentant de diaboliser l’offre « différente », au lieu d’améliorer, d’enrichir et de diversifier l’offre existante, les pouvoirs publics et la presse s’interdisent toute compréhension juste et, par là, tout traitement adéquat du problème ».

Les parlementaires ont tenu, cependant, à souligner « le rôle indispensable d’accueil des angoisses et d’écoute » des familles tenu tant par la Miviludes que par les associations dédiées, affirmant que leur investigation portera surtout « les suites qui sont données à ces signalements ». Nombre d’observateurs, notamment dans le milieu scientifique et à l’étranger, ont en effet critiqué « la partialité, l’agressivité, le non respect de la présomption d’innocence, la discrimination arbitraire et l’abus de pouvoir » des instances qui luttent contre les sectes.

Une information neutre et indépendante

Le président de la commission a évoqué en conférence de presse la possibilité de :

- faire évoluer la politique nationale « du tout répressif vers une meilleure connaissance et une reconnaissance sociale, sous des conditions à définir, de certains groupes et voies thérapeutiques empruntées » ;

- remplacer l’arsenal existant par « une information neutre et conçue par des experts indépendants, [ainsi que par] un dispositif de recueil des plaintes impartial intégrant le principe du contradictoire et adossé à un mécanisme éthique de médiation ».

Les élus devront rendre leurs conclusions à la mi-octobre.

(Rubrique : Infaux)

 

 

16 – Du positif dans la chasse aux sorcières «antisecte» à la française

Bien que discriminatoire et mensongère, la française « chasse aux sectes » comporte certains aspects positifs : une saine alerte sur les dérives possibles de l’influence psychologique et une « bonification » dans le temps des groupes stigmatisés.

Fin 2013, l'Ecole nationale de la magistrature a consacré un numéro spécial sur la situation française.

Fin 2013, l'Ecole nationale de la magistrature a consacré un numéro spécial sur la situation française.

Un point que les groupes mis au pilori et les avocats de la liberté de conscience ne soulèvent pas, c’est l’aspect innovant et positif pour la société que constitue la question des effets potentiellement délétères de l’influence psychologique, baptisée « manipulation » ou « emprise » mentale par les « antisectes ». Il est vrai que, sur ce point, la politique française est originale (quasi unique au monde, si l’on excepte la Chine et quelques petits pays qui tentent de suivre son modèle).

Qu’un gouvernement investisse autant dans ce domaine est le signe d’une conscience des risques que peut faire courir sur le libre arbitre des gens une conviction fortement affirmée et d’une attention à la fragilité des plus faibles. On ne peut que se louer de voir cette préoccupation traduite en actes, en France, par la mise en place de lois, de dispositifs de vigilance et de structures administratives.

De graves dérives

Malheureusement, cette politique est grevée de très gros défauts :

- Au lieu de couvrir tout le champ sociétal, ce qui la légitimerait aux yeux de tous, cette vigilance est strictement limitée aux minorités spirituelles et aux médecines douces (accusées d’être des portes d’entrée pour les « sectes »). Les abus de pouvoir psychologique existant dans les entreprises, les partis, les institutions, les familles, qui font chaque années des milliers de victimes bien réelles (suicides en entreprise, femmes battues à mort, enfants violés, etc.), n’entrent pas dans son champ d’application.

Et les « dérives sectaires » liées à l’islam en sont exclues, on se doute pourquoi.

- La question du vrai et de faux est rarement posée. En outre, elle est tranchée par des personnes et des institutions non neutres, qui ont intérêt à "criminaliser" des pensées/convictions dérangeantes. Les acteurs de cette vigilance/répression n’hésitent d'ailleurs pas à mentir, notamment pour faire croire à un nombre incommensurable de « victimes » des " sectes ".

Sondage MiviludesLa Miviludes se paie elle-même un sondage pour gonfler la "menace sectaire" et affirmer qu'elle est une "réalité concrète" pour un Français sur cinq :  "Plus de 20 %, soit 1 sur 5 (près de 13 millions de personnes) connaîtrait dans son entourage une ou plusieurs personnes qui ont été victimes de dérives sectaires". Facile d'arriver à ce chiffre quand on sait ce que la Miviludes désigne sous ce vocable, le recours à une médecine douce, par exemple.

G. Fenech, son ancien président, proclamait, malgré les démentis sous serment de l’administration, que plusieurs dizaines de milliers d’enfants sont en danger dans les " sectes " dans notre pays. Les antisectes aiment aussi évoquer l'« entrisme » sectaire dans les institutions ou les hôpitaux, etc., simplement parce qu'un scientologue a serré la main d'un président de la République, ou parce que telle ou telle médecine non conventionnelle est testée dans un hôpital...

La principale "association" antisecte est en fait une officine financée, non par les familles ou les victimes de "sectes", mais par... l'Etat.

La principale "association" antisecte est en fait une officine financée quasi exclusivement mais par... l'Etat. Dessin : David Miege.

Le journaliste Antoine Guélaud (TF1) invente un "carnet intime" accusateur d'une malade pour  justifier sa haine et provoquer l'indignation.

Par ailleurs, vu le nombre et l’audience des associations « antisectes » (Unadfi, CCMM, Fecris, etc.), on pourrait croire qu'elles regroupent une imposante masse de plaignants.

Détrompez-vous : elles comportent très peu de « victimes » de sectes et sont financées, non par des cotisations de membres, mais directement par l’Etat.

Le refus de tout débat public

- La continuité de cette politique n’est possible que parce que la presse, dans son immense majorité, reprend ses propos comme paroles d’évangile, sans jamais vérifier ses affirmations ni s’interroger sur ses méthodes. Ainsi, un militant « antisecte » est d’abord reconnaissable à son refus de tout débat public, à toute contradiction exprimée publiquement face à lui. Ou alors, avec la garantie que le média organisateur du débat sera de son côté.

C’est ainsi, par exemple, que La Chaîne Parlementaire (LCP) a conclu une convention avec la Miviludes, ce qui lui assure que tout reportage, enquête ou controverse sera favorable à sa politique stigmatisante.

LCP Miv

Alors que, dans la tradition démocratique, la presse se doit d'être le "poli à gratter" du pouvoir, LCP s'acoquine avec la Miviludes pour favoriser clairement la "répression" des minorités spirituelles. Un manque d'éthique qui ne choque personne...

- Elle agite sans cesse l’épouvantail des suicides collectifs pour geler indument la réflexion par la peur dès que l’on parle d’un groupe « différent », alors que le principal drame évoqué (les morts du Temple solaire) n’a toujours pas été élucidé, alors que l’on ne sait toujours pas s’il s’était agi d’un suicide collectif ou d’un massacre…

Ce que les « antisectes » ne voient pas, c’est que leurs modes d’action irrespectueux du droit et de l’éthique ne peuvent que les desservir. Ce n’est pas en trichant qu’on défend une bonne cause. Or c’est tricher que de dénoncer arbitrairement, de mentir effrontément, d’effrayer sans chercher à comprendre et surtout de fuir toute confrontation publique avec “l’adversaire” ou son avocat.

Cela ne peut que se retourner contre eux, logiquement, à plus ou moins long terme. Précisément parce que le droit finit toujours par s’affirmer, même s’il faut sortir des frontières pour le faire reconnaître. La France est, avec la Turquie, une des plus mauvaises élèves des justiciables de la Cour européenne des droits de l’homme ! Il serait peut-être temps qu’elle fasse son examen de conscience…

Limiter les effets de l’exaltation excessive

Mais tout n’est pas négatif pour les groupes dans cette chasse aux sorcières à la gauloise. En effet, elle a certainement permis de limiter les effets de l’exaltation excessive (la fameuse schwärmerei dénoncée par Kant) qui s’empare parfois des néophytes au contact de l’Absolu ou du divin.

Elle calme les prétentions à détenir LA vérité en obligeant ceux qui croient la posséder à tenter de le prouver par leurs actes et leurs comportements. Elle contraint à un approfondissement des fondamentaux du groupe pour mieux déterminer les attitudes à tenir en rapport avec la société, quitte à réviser certaines d’entre elles, etc.

Les membres de ces groupes sont ainsi incités à intérioriser leurs croyances, à ne plus se contenter de les proclamer et de les répandre. Ils doivent s’efforcer de les rendre plus humaines, plus personnelles, plus réalistes. Ils sont contraints à moins d’affichage et à plus de pratique. Et parfois à s’unir pour défendre la liberté de conscience.

A ce sujet, il faut reconnaître que leur volonté d’union et de collaboration est bien faible, à l’instar de ce qui se passe entre les différentes religions reconnues. La spécialité française d’inquisition aurait fait long feu si les principaux mouvements avaient voulu réagir ensemble aux agressions dont ils sont régulièrement victimes. Mais la peur des “sectes” est telle qu’aucun mouvement, si ce n’est par le biais de certains de leurs représentants (protestants, scientologues), ne veut officiellement porter secours à un autre mouvement vilipendé.

La secte, le diable, même chez les minorités, c’est encore et toujours l’autre.

Il faut dire aussi que le vocable “secte” est affecté tant à de toutes petites structures comptant quelques individus qu’à d’énormes groupes internationaux, à des mouvements spirituels, philosophiques ou thérapeutiques très variés qui n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres… et qui se trouvent tout surpris d’être un jour amalgamés avec les grandes “sectes” classiques qui faisaient la quasi unanimité contre elles !

Enfin, autre intérêt de cette paranoïa française vis-à-vis des mouvements spirituels, c'est l'incitation qui en résulte, pour eux, pour espérer une certaine reconnaissance sociale, de rechercher des voies et des moyens qui soient compréhensibles et acceptables par tous. Ou, du moins, par le plus grand nombre. Une sorte d'invitation à s'élever à plus d'universalité...

Qui désinforme le plus ?

Bref, en raison des campagnes récurrentes des « antisectes », les minorités spirituelles sont incitées à se bonifier. En France, elles sont exceptionnellement calmes, malgré les attaques qu’elles subissent continuellement : pas de bombes, pas de manifestations, pas de destructions de locaux de préfecture, etc.

Pour protester, les plus fortunées d’entre elles utilisent les seules armes restant à leur disposition : le recours en justice et Internet, les médias leur étant systématiquement fermés. C’est alors qu’elles sont accusées de harcèlement judiciaire, de propagande et de désinformation.

Mais qui désinforme le plus ? Celui qui expose ses convictions et proteste des injustices commises à son égard ou celui qui accuse et dénigre en refusant toute confrontation avec ses « cibles » ?

Les petites minorités ou les minorités sans moyen, elles, se terrent en attendant que l’orage passe ; mais il est toujours là, après des décennies. Et les personnes ou les groupes les plus inconscients exercent au grand jour jusqu’à ce qu’ils soient désignés comme suspects par des sycophantes professionnels (comme l’Unadfi). Du jour au lendemain, ils sont alors mis au ban de la société sans pouvoir s’expliquer.

De même, beaucoup de thérapeutes "différents" apprennent la prudence dans leur offre de soins. Ils sont moins nombreux à promettre de tout guérir et à s'opposer à la médecine conventionnelle. Ils sont de plus en plus nombreux à reconnaître les limites de leur art, préparant le terrain pour une future intégration dans le système de santé.

Tentative d'étouffement des contestataires

Certes, la paix sociale y gagne, mais au prix de l’étouffement des contestataires, avec la bénédiction des médias et du public manipulé. Au prix de la mise sous le boisseau d’idées nouvelles qui pourraient être pourtant d’un grand bénéfice pour la société.

Mais la chape de plomb que la France tente de plaquer sur certaines de ses forces vives, malgré tous ses efforts, est pleine de fissures. Les médecines douces, par exemple, malgré le dénigrement, les alertes et les mises en garde des « antisectes », ne cessent de se répandre.

Qu’elle le veuille ou non, beaucoup de Français finissent par accueillir les idées des contestataires dont on tente d'étouffer la voix. Leur méfiance croissante envers les vaccinations en est un clair exemple.

Peu à peu, s'ils savent garder l'esprit ouvert, ils s’éveillent aussi aux valeurs que leur gouvernement, leurs institutions et leurs médias, dirigés par des élites vieillissantes et souvent bornées, s'efforcent vainement d'occulter. Valeurs que portent ceux que l’on appelle les « créatifs culturels » :

- L’ouverture aux valeurs féminines (place des femmes dans la sphère publique, question de la violence faite aux femmes...)

- L’intégration des valeurs écologiques et du développement durable (avec un intérêt pour l'alimentation biologique et les méthodes "naturelles" de santé)

- L’implication sociétale (implication individuelle et solidaire dans la société)

- Le développement personnel (avec une dimension spirituelle, et un intérêt pour les nouvelles formes de spiritualité, l’idée étant : "Connais toi toi-même si tu veux agir sur le monde").

> NB : Le mot "antisecte" ne désigne pas dans notre bouche les personnes ou organismes qui luttent réellement contre les abus de faiblesse psychologique ou l'emprise mentale, mais les personnes ou organismes qui font de la chasse aux minorités spirituelles et des médecines douces leur fond de commerce et interviennent au mépris de l'éthique démocratique.

> A suivre :

17 - Pour un "marché" libre des cultes et des convictions

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