Chapitre 2

Philosophie radicale (2) : Qui suis-je ? Qui est je ?


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Pour la philosophie radicale, la conscience est une. En tant que pure lumière, elle est le je. Quand elle est liée au corps ou quand elle est objet du je, elle est le moi. Comprendre le rapport entre le je, le moi et le monde permet de saisir la véritable nature du sujet.

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Je m’interroge.

Mais qui est ce moi (ce m’) dont j’attends réponse  ? Qui se pose la question  ? Plus encore, qui peut y répondre de façon claire  ?

La philosophie radicale, c’est la philosophie avant la philosophie, avant toute philosophie, écrivais-je dans le chapitre 1. A l’origine de tout savoir, de toute pensée, il y a, en soi, ce rayon de lumière projeté sur les choses et les idées qu’on appelle conscience.

Nous avons le témoignage sensible et certain de cette conscience grâce aux représentations (voir chapitre précédent) qu’elle nous permet de former  : idées, émotions, désirs, sensations, bref, toutes formes de perceptions que nous savons vivre dans notre esprit.

Dans ce chapitre 2, j’invite le lecteur à faire l’expérience de cette conscience en tâchant de la détacher de tout objet qu’elle éclaire (choses ou idées), ce qui nous permettra d’accéder à la « pure » conscience.

L’exercice est difficile. Très peu y parviennent tant la conscience, en nous, est liée, attachée, unie aux objets qu’elle rencontre sur son chemin de lumière.

Je vois la pomme devant moi ou je pense à une pomme. Pour moi, l’objet ou la pensée « pomme » est objectif. Je peux décrire sa forme, sa couleur  ; je peux la humer (ou me rappeler son odeur), la croquer (ou me rappeler sa saveur), la dessiner, etc. Bref, je peux tout entreprendre sur et à propos de cet objet. Mais j’oublie toujours que s’il y a une pomme devant moi, c’est parce que ma conscience l’éclaire  ! C’est parce que « je » la voit (sic).

Jamais objet, toujours sujet

Cela, tout le monde peut facilement le reconnaître. Mais si j’enlève la pomme, que reste-t-il  ?

 ? ? ?

Vous allez peut-être me dire  : le je dont nous venons de faire état. Mais ce je-là n’est pas encore la pure conscience puisque qu’il est, déjà, « objet » de ma conscience qui le voit, qui en a une représentation et qui en parle ici  ! Comme si mon je (qui voyait la pomme) avait fait un saut en amont pour pouvoir « se voir », pour voir le je sans la pomme.

C’est pourquoi j’ai écrit juste au dessus [C’est parce que] « je » entre guillemets et « voit » à la troisième et non à la première personne.

Nous voyons bien qu’à ce jeu-là, nous pouvons régresser à l’infini. Nous sommes toujours obligés de supposer au préalable de toute perception, de toute description, une conscience qui opère.

Il est impossible d’observer la conscience observant la conscience sans détruire immédiatement et absolument, par ce fait même, son caractère de sujet.

Le je ne peut se regarder lui-même sans se dire « il », « tu », « me » ou « moi », pas plus que l’œil ne peut se voir lui-même (sinon dans un miroir, mais alors il n’est plus celui qui voit mais celui qui est vu, reflet).

D’où la distinction que je fais dans le chapô (résumé introductif) de cet article entre le je et le moi.

Le je est ce qui voit.

S’il se regarde, il ne se voit plus comme sujet. D’où l’expression  : je ME vois, « me » étant alors non plus sujet mais complément d’objet direct. Ou « prédicat » selon la nouvelle formulation grammaticale officielle.

Ne pouvant se voir lui-même que sous l’aspect objet, que devient le je sujet  ?

Échappant à l’observation, à l’objectivation, il ne peut pas être analysé de l’extérieur de lui-même. Il n’est donc toujours que sujet  !

C’est là, disons-le en passant, ce qui fait la caractéristique essentielle de l’être humain. Nous y reviendrons plus loin.

En attendant, relevons une première conséquence MAJEURE de ce constat  : nous ne pouvons pas observer cette émergence de lumière, mais nous DEVONS la supposer comme étant à l’origine en permanence de tout ce dont notre esprit prend conscience.

Intuition intellectuelle

Johann Gottlieb Fichte (1762-1814).

Cette expérience d’une réalité intérieure, de l’apparition de notre conscience, cette expérience dont dépend toute connaissance, qu’elle soit subjective ou objective, un philosophe allemand, Fichte, en a fait le cœur de sa philosophie. Il l’a nommée intuition intellectuelle. « Intuition », parce qu’il s’agit de constater ce phénomène, « intellectuelle » parce que ce phénomène n’est constatable nulle part ailleurs que par notre esprit.

L’intuition intellectuelle est ce qui donne du sens à l’expression  : je vois je (et non  : je me vois), dans laquelle sujet et prédicat sont identiques sans se confondre.

Descartes, avec son « je pense donc je suis » l’avait approchée de très près, bouleversant à jamais tant la réflexion philosophique que l’élaboration des sciences naturelles.

Kant avait réservé ce concept d’intuition intellectuelle au domaine moral, religieux (« pratique ») et l’avait dénoncé comme exaltation ou délire  (« schwärmerei ») quand il est appliqué au savoir objectif, scientifique (« théorique »).

Emmanuel Kant (1724-1804).

Pour lui, prétendre voir la Réalité au delà des apparences (des phénomènes) est de la folie. De même, prétendre « observer » Dieu relève de la divagation ou de la frénésie mystique.

De son côté, Fichte, affirmant mieux comprendre Kant que lui-même, avait érigé l’intuition intellectuelle (avec un sens proche mais différent) en premier principe absolu de tout savoir (théorique et pratique, scientifique et moral ou éthique). C’est ainsi qu’il justifia l’unité des trois Critiques kantiennes (« de la raison pure », « de la faculté de juger » et « de la raison pratique »), unité que Kant avait affirmée mais sans avoir pu l’établir formellement.

A l’origine du moi

Derrière cette difficile démarche philosophique, il y a une affirmation de grande portée  : le sujet et l’objet, et aussi donc l’esprit de l’homme et son corps (et l’univers) constituent un ensemble unifié et doté de sens, et non deux mondes hétérogènes séparés par un fossé, un mystère insondable. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

L’expérience intime, j’insiste sur le mot expérience, qui constitue le cœur de la démarche fichtéenne et celle de la philosophie radicale, est donc la vision intellectuelle (et non sensible) de la nature de ma conscience. Et, par déduction, de toute conscience.

Cette vision, toute vision, c’est facile à remarquer, est absolument individuelle. Personne ne peut voir à la place d’un autre. Nul ne fonctionne avec les conditions physiques ou psychologiques de tout autre.

C’est pourquoi le savoir de soi philosophique, c-à-d au delà de son aspect purement psychologique, qui en découle est absolument unique.

Il ne peut être qu’expérimenté, non démontré.

Cependant, s’il ne peut être démontré extérieurement, il peut recevoir une justification rationnelle, philosophique  ; il accepte des explications logiques. Susceptible d’être indiqué, évoqué, partagé par des mots ou des images, il peut en effet être inséré dans une suite cohérente, logique, d’arguments.

Chacun de nous est donc seul, absolument seul, en son for intérieur face à la réalité interne ou externe qu’il peut explorer et qu’il interprète nécessairement selon son désir, ses possibilités, sa propre vision du monde. C’est pourquoi il y a quasiment autant de philosophies, si on creuse leurs contenus, que d’êtres humains. C’est pourquoi, également, il a été impossible de concevoir UNE philosophie acceptable par tous.

Si la philosophie radicale expose le principe unique de toute conscience, elle ne propose pas un système de pensée universel, tout fait, que chacun pourrait étudier, rejeter ou adopter. Elle explore le sens que l’on peut donner à ce moment primitif, à la fois singulier et universel (nous en reparlerons), d’où sourd toute conscience et qui préside à la naissance du moi – et à l'apparition du je.

Nous l’avons vu, le je est toujours en amont – épistémologiquement parlant – du moi, conditionnant ainsi son existence. Il constitue en quelque sorte… le vif du sujet. Il est la vie dans le cœur et l’esprit de l’homme.

Je et moi

René Descartes (1596-1650).

Voyons maintenant comment nous pouvons mieux distinguer le je et le moi. Comprendre l’articulation entre ces deux concepts nous permettra d’apporter une réponse consistante à la question du rapport entre objectivité et subjectivité, entre esprit et matière, entre âme et corps. Rapports qu’un certain nombre de penseurs ont renoncé à explorer tant le mystère leur parut grand et les apories insurmontables.

Depuis Descartes, en effet, qui avait bien distingué et rendus incompatibles la pensée et l’étendue (caractéristique de tout objet matériel), les thèses se sont affrontées entre les tenants de la matière (tout vient d’elle, y compris l’esprit qui n’en est qu’une « sécrétion ») et les partisans du spirituel (tout vient de lui et la matière n’en est qu’une forme phénoménale).

L’opposition entre ces deux conceptions est apparemment irrémissible. Et ceux qui ont tenté de les concilier, comme Spinoza par exemple, ou la pensée indienne, les ont en fait fondu l’une dans l’autre. L’une annihilant l’autre.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770 –1831).

Comment à la fois conserver et dépasser l’une et l’autre de ces thèses  ? Hegel, prolongeant les travaux de Fichte, a conduit sa dialectique ternaire en vue de concilier les inconciliables. Il chérissait particulièrement le verbe « aufheben » dont le double sens de maintenir et de supprimer lui paraissait le summum du travail spéculatif.

Cette notion est effectivement extrêmement féconde. Pour la faire comprendre, Hegel donnait l’exemple du bourgeon qui devient fleur qui devient germe, etc. Aufheben est donc un mouvement et non un état statique qui l’opposerait à un autre état statique. La vie est marche en avant, rien ne peut être conservé définitivement. Toute chose n’est qu’un « moment », autre mot-clé du vocabulaire hégélien, dans le cours de l’Histoire. Et quand nous sommes confrontés à des oppositions apparemment irréductibles, nous pouvons nous avancer si nous ne figeons pas nos idées et nos perceptions dans du marbre.

Chaque pensée, chaque chose, sont à considérer comme réelles, certes, mais aussi évolutives, modulables, non absolues en tout cas.

Matière et esprit

Ce préambule va nous permettre de saisir la synthèse que Fichte nous propose tout au long de sa Doctrine de la science en pas moins de dix-huit ouvrages rédigés autour de la même idée  !

« Le je ne peut se regarder lui-même sans se dire il, tu, me ou moi », écrivais-je plus haut.

Mais si nous voulons être exact, nous devons ajouter « tout en restant toujours unique ».

Le constat de cette dualité interne dans l’unité de la conscience est, après l’intuition intellectuelle (le je), le deuxième temps la philosophie radicale  : au je principiel, sujet, est opposé un objet. Soit pas de S sans O  ; soit encore  : le couple indissociable SO.

Cet objet (O) représenté dans la conscience peut être de deux natures  :

- produit par l’extérieur (la pomme de notre exemple)  ;

- produit de l’intérieur (la sensation, l’émotion, l’idée, le moi ou le je objectivé par lui-même (me), etc.)

Dans les deux cas, et dans chaque représentation, tout est de toute façon produit par le je.

Dans le premier cas, l’occasion de cette production est extérieure à la conscience (la pomme).

Dans le deuxième cas, l’occasion est intérieure à la conscience.

Mais, au sein même de cette unité, un schisme est effectué qui oppose le je, source radicale (S), et le je objet (O) du je (le moi, comme dans  : je m’interroge).

Dans cette configuration, le sujet S et l’objet O ne font qu’un (je = je) – tout en étant distingués absolument l’un de l’autre (moi = SO  ; je sujet + je objet).

Donc, si nous observons bien, dans les deux cas, notre moi est divisé entre sujet et objet, toujours. Et si, dans le deuxième cas, l’objet est en même temps le sujet, il ne se confond pas totalement avec lui.

Conclusion, que l’objet soit occasionné par un objet matière à l’extérieur de la conscience ou qu’il soit occasionné par le sujet à l’intérieur de la conscience, il est toujours à l’intérieur de la conscience et fait toujours face au je de la conscience.

Donc, pour un objet matériel comme pour un objet intellectuel ou spirituel (pensée, sensation, etc.), le schéma est identique.

Donc, dans la conscience, la matière et l’esprit sont de même nature  ! De la nature du sens produit par le je.

Et comme nous ne pouvons jamais échapper à notre conscience (sauf à disparaître dans l’inconscience, le sommeil, etc.), nous pouvons tout aussi bien dire que, pour nous (et non « en soi »), la matière et l’esprit sont de même nature.

Ce constat que nous sommes rationnellement obligés de faire, constat extraordinaire si on y réfléchit vraiment, entraîne des conséquences très importantes, aussi bien en matière de savoir qu’en terme d’action.

« Je » n’est pas moi

Maintenant, revenons à cette distinction entre le je et le moi. Nous avons vu que le je est cet acte qui fait que je suis conscient de moi, que je peux dire  : je suis, etc. Il est au cœur de mon existence et de ma singularité. C’est grâce à lui que puis penser, aimer, sentir, jouir, pleurer, apprécier le monde, les autres… C’est lui qui me permet de faire des choix, de vivre selon mes aspirations, de construire mon projet personnel.

Bref, c’est – après le simple fait d’habiter dans un monde avec mon corps – mon bien le plus précieux  !

Et pourtant, tout en étant le cœur de ma conscience, ce je n’est pas moi.

En effet, il est insaisissable. Il me dépasse sans cesse. Si je tente de le saisir, il me fuit  !

J’ai conscience (1).

Je pense alors à ma conscience d’avoir conscience (2).

Ce je qui fait cette opération (2) n’est déjà plus le même que celui de (1)  : sorti de (1), il est remonté d’un cran pour s’établir en (2).

Et ainsi de suite jusqu’à l’infini si je continue le processus.

Nous l'avons vu plus haut : le je-sujet devient je-objet pour un je-sujet nouvellement apparu et toujours déjà là. Je devient (sic) me (moi) comme dans : je m'interroge.

Conclusion  : je ne peux jamais voir mon je-sujet alors que je suis évidemment obligé de le présupposer en permanence comme lumière de ma conscience  !

D’une certaine façon, il n’est pas vraiment moi, puisqu’il me vient je ne sais d’où et qu’il m’échappe, bien que lui doive tout ce qui fait mon être conscient.

Et si le je m’échappe ainsi, ce n’est pas parce qu’il serait inconscient ni subconscient, ni quoi que soit d’autre, mais c’est parce que le je n’est toujours que ACTE et sujet  ! Avant qu’il apparaisse, et après sa disparition, il n’existe pas, sinon en tant que Je universel, comme nous le verrons plus loin.

Il nous est impossible de lui trouver un antécédent ou une cause, ou quoi que ce soit qui puisse être supposé à son origine. Impossible, non pas parce que notre connaissance du je (ou de la conscience, le je étant la conscience en tant qu’elle est liée à notre corps, la conscience étant la lumière projetée par le je) non parce que cette conscience serait encore trop parcellaire, mais parce que, essentiellement, par définition même, la conscience ne peut être expliquée, ÉTANT CE QUI EXPLIQUE.

C’est pourquoi donner une origine matérielle à la conscience est absurde.

Le « je » est inattaquable

Le je est l’acte qui fait émerger le sens que le moi accueille en lui. Il est la lumière qui éclaire tout, chaque « chose » à l’intérieur comme à l’extérieur du moi. Inexpliqué par la science, le je est ce qui la permet, l’élabore, la conçoit, l'explique.

Pratiquement toujours confondu avec le moi qui est, lui, multiplement déterminé, le est totalement libre, ce qui lui permet de construire originairement le « destin » de la personne qui l’héberge.

La bonne nouvelle, c’est donc que le je est ouverture illimitée sur l’esprit par l'esprit. Rien ne le détermine, étant préalable à toute perception, étant lui-même sans préalable. Il est intouchable de l’extérieur puisque nul ne peut le voir ni le saisir. Il est même intouchable de l’intérieur puisqu’il ne peut pas être « objet ».

De l’intérieur, le seul pouvoir sur lui est lui-même. La seule chose qu’il puisse faire par rapport à lui est de s’orienter lui-même à sa guise, d’éclairer tel ou tel aspect de son choix. C’est lui qui conduit, toujours.

De même, aucun objet extérieur à lui ne peut l’atteindre puisque, de nature immatérielle, il ne réside que dans l’esprit. Il est donc en quelque sorte « protégé » de toute agression quelle qu’elle soit, qu’elle soit physique, intellectuelle ou morale. Il ne souffre pas et rayonne sans cesse. Il ne peut être « capté » ni assujetti par autrui.

Si l’on m’a bien suivi jusqu’ici, on aura compris que je parle bien ici du je et non du moi. Le moi, lui, est sujet aux agressions, il peut être atteint de mille façons.

« Je » désigne ce miracle de la conscience qui se sait elle-même, que la science n’explique pas. Le « je », c’est cette instance éclairante décisionnelle unique dont est dotée la seule personne humaine. C’est ce qui fait sa liberté, sa dignité, sa responsabilité. Comme nul autre être sur cette Terre.

Mais le « je » n’est pas le « moi » (l’ego). Il est en amont du moi, l’habite et l’irrigue, mais se distingue de lui car il est, pour le moi, source d’apparition de toute perception et de toute signification.

« Un en tous  ; tous en un »

Le moi, c’est tout ce dont j’ai conscience d’être et de sentir  : mon hérédité, mon caractère, mon tempérament, mes qualités et mes défauts, mes émotions, mes souffrances, mes intentions, mes valeurs, mes désirs et mes peurs, mes croyances et mon savoir, etc. Généralement, dans l’attitude naturelle, non philosophique, c’est avec mon moi que je m’identifie  : c’est aussi bien mon corps que les sensations qu’il me permet de ressentir.

Le moi, c’est à la fois ma conscience et ce dont j’ai conscience. Mais ma conscience précède mon moi (sans elle, je suis un légume, une marionnette). Il en est sa condition d’existence. Il est, non pas libre (ce qu'il supposerait qu'il soit "quelque" chose qui posséderait la qualité d'être libre), mais liberté, acte sans antécédent ni contrainte. Ne peuvent s’en convaincre que ceux qui, par une voie ou une autre, ont fait l’expérience de l’intuition intellectuelle évoquée plus haut.

Baruch Spinoza (1632-1677).

La plupart des philosophes et des inspirés ont pressenti que l’ego pouvait être un obstacle au bonheur. Certains, par ignorance, ont cherché à le mépriser, à le brider, voire à l’annihiler, ne faisant par là que le renforcer. D’autres (comme Spinoza) l’ont identifié au grand « Je » universel (Dieu, l’Esprit…), se fondant en lui, mais perdant ainsi l’occasion de s’accomplir en s’individualisant.

En fait, l’ego est un trésor s’il est reconnu comme le substrat indispensable et précieux permettant mes libres choix et, par suite, mon accomplissement. Si mes choix sont des choix de vie, c’est-à-dire s’ils sont guidés, non par le seul moi, mais par le « je » universel, par le « nous », ils font du monde morcelé, étranger et antagoniste une sphère unifiée et réconciliatrice.

Le « moi » sépare, le « je » unit. Le moi (l’ego) nous distingue les uns des autres (« je ne suis pas toi et réciproquement »)  ; le je, émanation du Je, nous rassemble dans une seule et même réalité  : « un en tous  ; tous en un ». Du moins si nous avons réunir je et moi dans un même projet de vie.

> Philosophie radicale (1) : Introduction à la philosophie radicale, qui montre la liberté de l’esprit

> Philosophie radicale (3)  : Dans l’ego, le je et le moi, deux composants à comprendre et réconcilier

 

3 thoughts on “Philosophie radicale (2) : Qui suis-je ? Qui est je ?

  1. Deleplanque

    J’ai la réponse à ma question précédente sur l’article 3 !
    « Nous l’avons vu, le je est toujours en amont – épistémologiquement parlant – du moi, conditionnant ainsi son existence. Il constitue en quelque sorte… le vif du sujet. Il est la vie dans le cœur et l’esprit de l’homme. »
    Tout y est passionnant ici !

    Répondre
  2. capri

    Bonjour Jean-Luc,
    Désolé, mais le « je » n’a rien à voir avec la conscience. Une plante se tournant vers le soleil démontre déjà un degré de conscience. Pas besoin de « je ». Le « je » séparé du « moi » est une pure construction mentale, une pure illusion. Il n’existe aucune conscience pure dont l’homme pourrait disposer à sa guise. La conscience s’élargit au fur et à mesure que le « moi » ou, plutôt, l’être, se complexifie.

    Cordialement
    Gérard

    Répondre
  3. Jean-Luc Martin-Lagardette Auteur de l’article

    Gérard, je réponds à vos deux commentaires.

    D’abord acceptez mes félicitations. Vous êtes parmi les rares lecteurs qui aient le goût et l’énergie pour se plonger dans le décryptage de mes propos un peu… arides.
    Cela mérite une distinction que je vous décerne avec empressement : la médaille du mérite spéculatif !

    Ensuite, je vois que je n’ai pas été bien compris. J’en suis le principal fautif : mes explications ne sont pas suffisamment claires.

    En effet, pour moi, « je » n’est pas limité – concrètement à ce que vous me faites dire. Car il est lumière. C’est pourquoi il est libre absolument. Consubstantiel au « JE », mais contrairement à lui, il est inscrit dans un corps auquel il est lié tant qu’il n’a pas conscience de sa véritable Nature (et donc de sa liberté foncière). C’est ce qui fait qu’il est un « moi », qui se croit limité.

    Par ailleurs, le « je » a, dans ma construction, tout à voir avec la conscience.
    La plante, selon moi, ne montre aucune degré de conscience, car elle n’a pas de « je ». En revanche, vivante, elle est entièrement animée par la Conscience, c’est pourquoi elle réagit à son environnement.
    Mais elle n’a aucune possibilité de faire un choix moral, de prendre conscience de sa Nature véritable ni de s’individualiser, contrairement à la personne humaine.

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