Normes

Les journalistes adoptent une nouvelle Charte mondiale d’éthique


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Lors de son 30e congrès, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a adopté le 12 juin 2019 à Tunis la Charte mondiale d’éthique des journalistes. Ce document renforce les normes déontologiques pour les journalistes dans le monde entier.

 

A l’heure où fakenews et autres métastases de l’infox prolifèrent et polluent les rapports entre les hommes sur toute la Planète, 300 délégués issus de plus de 100 pays, réunis à Tunis le 12 juin 2019 pour le 30e Congrès de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), ont adopté une nouvelle version, renforcée, de leur bible professionnelle : la Charte mondiale d’éthique des journalistes.

Ce texte rappelle et renforce les normes définies par le précédent Code de principes de la FIJ sur la conduite des Journalistes, « le seul texte relatif à la déontologie journalistique internationalement reconnu à ce jour ».

C’est au congrès de Bordeaux, en France, en 1954, que ce Code avait été conçu. Après une mise à jour en 1986, le paysage médiatique ayant connu depuis de profonds bouleversements, le besoin d’un nouveau code adapté aux défis actuels s’était fait ressentir.

Les principales innovations sont introduites dans le nouveau préambule qui insiste sur deux aspects importants pour la profession :

- « La responsabilité du/de la journaliste vis-à-vis du public prime sur toute autre responsabilité (je souligne), notamment à l’égard de ses employeurs et des pouvoirs publics. »

- « Le journalisme est une profession, dont l’exercice demande du temps et des moyens et suppose une sécurité morale et matérielle (je souligne), indispensables à son indépendance. »

Plusieurs clauses nouvelles ont été inscrites au long de ses 16 articles (au lieu de 9 précédemment). Elles concernent :

- les nouvelles technologies : « [le journaliste] sera prudent dans l'utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux »

- les conditions d’exercice du métier : « La notion d’urgence ou d’immédiateté dans la diffusion de l'information ne prévaudra pas sur la vérification des faits, des sources et/ou l’offre de réplique aux personnes mises en cause » ; « Le/la journaliste gardera le secret professionnel concernant la source des informations obtenues confidentiellement »

- le respect de la vie privée, de la dignité des personnes et de l’interlocuteur interrogé (le « off » par exemple)

- la discrimination et l’incitation à la haine ou aux préjugés

- la corruption, le conflit d’intérêt, la propagande

- l’indépendance rédactionnelle et la conscience professionnelle, etc.

Le dernier article (art. 16) intéressera particulièrement les confrères français qui estimaient jusqu’à il y a peu qu’ils n’avaient de compte à rendre qu’à leurs pairs : « Reconnaissant le droit connu de chaque pays, le/la journaliste n’acceptera, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction d'instances d'autorégulation indépendantes, ouvertes au public (je souligne), à l’exclusion de toute intrusion gouvernementale ou autre ».

Selon Anthony Bellanger, secrétaire général de la FIJ, « ce nouveau document reprend les devoirs professionnels édictés en 1954, mais on y a également ajouté des droits, dans un monde où la profession est malmenée. Les journalistes du monde entier pourront désormais se reconnaître dans la Charte mondiale d'éthique de la FIJ et l’opposer à des employeurs peu scrupuleux. »

> Un vif regret personnel : la modification de l’article 1 (« Respecter la vérité et le droit que le public a de la connaître constitue le devoir primordial du journaliste ») en cette formulation : « Respecter les faits et le droit que le public a de les connaître constitue le devoir primordial d’un.e journaliste ». La quête de la vérité est à mes yeux un devoir essentiel du journaliste, même s’il est difficile de définir ce qu’est cette valeur suprême. Sans cette exigence que s’impose tout informateur honnête et sérieux, n’importe quel fait, même rigoureusement décrit, peut, s’il n’est pas placé dans une recherche plus haute de justesse et de pertinence, servir l’intérêt masqué (notamment idéologique), le mensonge, l’à peu près voire l’erreur.

- Sur le même sujet :

> Faut-il ou non conserver le mot « vérité » dans la charte internationale des journalistes ?

 

3 thoughts on “Les journalistes adoptent une nouvelle Charte mondiale d’éthique

  1. Martine RAGOT

    Merci Jean-Luc pour ces nouvelles rafraichissantes !

    Question d’une lectrice amoureuse d’une presse éthique…(si tant est qu’il puisse encore y en avoir en ce monde) :

    Que penses-tu de l’affaire « De-Rugy -Médiaparc » ?
    Qui de l’un ou l’autre tente de berner tout le monde par de fausses informations ?

    En général, j’accorde beaucoup de crédit aux journalistes de Médiaparc et je n’apprécie pas les « soit disant » citoyens qui croient que parce qu’ils portent un nom à particule ou parce qu’ils sont « ministre de… » il leurs faut dépenser l’argent public « comme des bourgeois sans foi ni loi »…

    Je n’ai pas employé le mot « Aristocrates » car je pense que
    1) l’on peut porter un nom à particule (comme les aristocrates) et se comporter comme un véritable « imbécile » avec le reste du monde…tout comme celui qui ne porte pas de nom à particule peut se comporter en preux chevalier envers ses semblables et le reste du monde
    2) l’aristocratie n’est pas un mode de vie où l’on dépense l’argent des autres sans retenue, mais une philosophie de vie basée sur le respect des autres, l’entre-aide et la solidarité !
    3) Le véritable reproche que l’on puisse faire à M de Rugy est qu’il ait dépensé l’argent public comme un véritable « gros bourgeois » en organisant des diners (d’affaires ou pas) dans les plus fastueux restaurents en pleine période de crise des « Gillets jaunes » : ce n’est digne d’un « aristocrate » ni même d’un « ministre de l’écologie » !…Surtout si ce même Ministre tentait de réduire les dépenses inutiles au sein du gouvernement en demandant aux autres ministres de réduire leur train de vie !!!

    Aujourd’hui je m’interroge, qui de Médiaparc ou de M de Rugy est de mauvaise foi ? Les infos de Médiaparc sont-elles bien relayées par les autres journalistes ?

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    1. Jean-Luc Martin-Lagardette Auteur de l’article

      Je suis d’assez loin ce genre de polémique. C’est plus un système qui me paraît en cause : M. de Rugis n’est certainement pas le pire des profiteurs autour du fromage que constitue une place de représentant de la République ! Le train de vie de l’Etat en général me paraît scandaleusement élevé. Ainsi, chaque représentant se croit en droit d’utiliser « pour sa fonction » une part de ce qui est excessivement ponctionné dans nos poches. D’où la frustration du public et la facilité avec laquelle Mediapart peut tailler des croupières aux élus.
      Mediapart est dans son rôle, indispensable !, de chien de garde même si je le trouve partial et si ce n’est pas mon genre de journalisme. Il dit s’appuyer sur des faits, mais chaque fait constitue une interprétation d’un événement et tout dépend de la perspective dans lequel on le place.

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  2. Ping : L’exigence de vérité doit rester le 1er principe |

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