Chapitre 1

Philosophie radicale (1) : La liberté de l’esprit


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

La philosophie radicale (ou primitive), c’est la philosophie avant la philosophie. Avant toute philosophie. C’est le savoir initial, préalable à toute pensée qui se voudrait cohérente. Dans ce 1er chapitre, je propose une introduction à cette philosophie de la liberté.

AVERTISSEMENT

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(2)  : Qui suis-je  ? Qui est je  ?

(3)  : Dans le moi, le je et l’ego, deux composants à comprendre et réconcilier

(4)  : Athée et croyant ont chacun raison, ou Dieu sans Dieu

(5) : La clé de toute connaissance possible

La philosophie radicale constate que, totalement déterminé ou non, le monde ne s’impose pas à nous « objectivement ». Il n’existe pas « en soi » (l’affirmer serait absurde, je m’en explique ci-dessous) mais toujours et seulement « pour nous ».

D’où la nécessité de privilégier l’épistémologie (compréhension de soi ; comment savons-nous les choses ?) sur l’ontologie (l’étude de l’être, de la Réalité), même si celle-ci reste indispensable.

Chercher le fondement nécessairement présent dans toute connaissance est utile pour réfléchir et juger chaque fois qu’il sera, par la suite, question de connaître ou de présenter quoi que soit (vie courante, science, médias, etc.)

Dans cette suite de chapitres, j’étudierai la façon dont notre conscience élabore TOUTE connaissance, ce qui nous permettra de mieux saisir notre rapport au monde ainsi que la marge de liberté (totale dans la sphère de la pensée) dont nous disposons par rapport à lui dans ce rapport.

Plus loin, j’approfondirai ce que nous pouvons dire du sujet (le moi) et de la liberté dans le prolongement de cette approche.

J’étudierai également les liens qui peuvent exister entre le sujet et l’objet, l’esprit et la matière, la pensée et le corps.

Enfin, tout au long du parcours, toujours en lien avec la question du « savoir », seront abordés des thèmes ontologiques comme  : Dieu, l’évolution, le rapport homme/animal, le bien/le mal, etc.

Toute connaissance est représentation

Si l’on abstrait le contenu de toute connaissance, de toute affirmation, de toute pensée, on aboutit à ce constat  : elles sont toutes des représentations.

Si l’on cherche ce qui est commun à toute représentation, on aboutit à ceci  :

Dans la conscience, toute représentation (R, image/pensée/savoir) est rapportée à un représentant (S, le sujet conscient) et un représenté (O, l’objet visé) par le représentant et, en même temps, elle en est distinguée par ce même représentant.

Je regarde une pomme sur la table de ma cuisine. Cette représentation (l’image de la pomme) est rapportée à ma conscience (moi en tant que sujet voyant ce fruit et étant conscient d’en faire une représentation) et est en même temps distinguée de la pomme réelle par ma conscience (je sais que l’image que mon cerveau a formée de cette pomme n’est pas la pomme elle-même).

Karl Leonhard Reinhold, philosophe autrichien (1758 - 1823).

C’est ainsi que le philosophe Reinhold avait formalisé le fondement de toute connaissance, le principe de conscience, après Kant et avant Fichte. Ce dernier, nous le verrons par la suite, est monté encore plus haut, à partir du principe de Reinhold, pour chercher le fondement absolument premier de toute connaissance. Ce fondement absolument premier pourra être intégré sans difficulté dans le principe de Reinhold. Celui-ci est efficace pour penser les bases de notre savoir.

Toute représentation (pensée, image, etc.) est donc à la fois liée à et distinguée du représenté et du représentant par le représentant.

Ce dernier point est important  : il met l’accent sur le fait que tout ce qui se passe dans la conscience est le fruit, la production de cette conscience, y compris par rapport à TOUT ce qui touche l’objet représenté. Ce n’est jamais l’objet qui entre lui-même DANS la conscience  : il y seulement une impression engendrée par le cerveau (la conscience) à partir de l’objet. L’objet de toute connaissance quelle qu’elle soit est toujours liée à une conscience.

C’est pourquoi la « chose en soi » n’est qu’un concept et ne peut jamais être pris pour quelque chose d’existant par soi-même en dehors de toute conscience. Mais nous y reviendrons.

Mais, pour l’instant, restons-en au principe de Reinhold. Ce principe, je pense, peut être universellement admis.

Réalisme naïf

Or, ce n’est pas ainsi que le sens commun voit les choses. Dans l’existence habituelle de tout un chacun, le sujet se représente l’objet qu’il pense seulement distingué de lui. S n’est pas O  :

S ≠ O

C’est la position, ultrasimplifiée, de l’attitude naturelle, du matérialisme réaliste (appartenant au sens commun comme au matérialisme scientifique) qui oppose le sujet et l’objet, comme deux objets se faisant face.

Or, en réalité  :

S(RO) ≠ O

Le sujet S contient une représentation R de l’objet O et se pense complètement différent/séparé de O. Dans la tête de Paul, il y a une image (R) de la pomme (O) qui est complètement séparée de la pomme réelle.

Ce réalisme « naïf » conduit à une confusion extrêmement répandue  :

S croit, pense, que R = O. Pour S, dans le sens commun, sa représentation de O n’est pas l’image de O (RO) mais EST l’O « objectif » (S ≠ O). R disparait en quelque sorte de sa conscience des choses.

Paul, sans plus réfléchir que ça, pense qu’il n’y a que la pomme qu’il voit, objectivement croit-il, devant lui. Il ne pense absolument pas à lui-même produisant une image de la pomme. Il s’efface en tant que sujet représentant, en tant que conscience qui produit l’image de la pomme. Il voit la pomme et oublie qu’il n’en a en fait qu’une représentation.

Il ne voit pas, s’il ne réfléchit pas, que l’image ne lui « présente » jamais l’objet (O ne rentre jamais physiquement dans la conscience de S), qu’elle fait une construction de cet objet (avec ses sens, son cerveau et sa pensée), qu’elle le lui « re-présente ».

En fait, S n’a jamais accès à O en soi.

D’où l’impossibilité, évidente, de l’objectivité absolue face à O. S s’en fabrique une image.

Idéalisme transcendantal

A ce stade de notre réflexion, la question des moyens plus ou moins rigoureux ou exhaustifs que S emploie pour faire cette image n’entre pas en ligne de compte. Il s’agit simplement d’observer le fait de conscience qu’est R le plus universellement possible.

Or, la réflexion nous conduit obligatoirement (sur le plan logique) à penser ainsi  :

S ⊇ R ⊇ (S,O) [(S ≠ 0) + (S⇔O)]

Le sujet S contient la représentation R qui contient S lui-même et O, qui distingue S de O et les rapporte l’un à l’autre.

La conscience de Paul contient l’image R de la pomme O, image-représentation qui contient à la fois sa conscience de sujet (S, sans lequel cette image ne saurait être produite) et le contenu O de conscience (la pomme). A la fois S n’est pas O et est lié O.

C’est la position de l’idéalisme transcendantal selon lequel il est nécessaire, si on veut être le plus vrai, le plus juste possible, de toujours tenir compte du fait que, dans toute représentation, le sujet construit cette représentation.

Cette position est dite idéaliste par qu’elle met l’esprit à la base de la perception et de la connaissance des choses. Nous ne connaissons que les phénomènes, ce qui nous apparaît des choses, pas les choses elles-mêmes.

Elle est dite transcendantale, parce qu’elle concerne les conditions a priori de l’expérience des choses. Avant même le contact avec les choses, il y a en S des capacités, des conditions de possibilité d’apparition de O.

Personnellement, je parle d’idéalo-réalisme. Car ­– nous en faisons tous l’expérience – l’objet O (S ≠ O) existe bel et bien  : d’où le réalisme.

Ce réalisme présuppose même un O extérieur à S comme condition de R pour S. Donc, pas de O, pas de S. Mais aussi pas de S, pas de O.

La pomme (le monde extérieur à la conscience de Paul) est condition nécessaire pour qu’il puisse s’en faire une image. Même plus, sans objet (O), pas de conscience (S). Mais aussi  ; sans conscience, pas d’objet.

Cependant, cet objet n’est jamais accessible en lui-même (en tant que O) mais uniquement en S (S⇔O). De ce fait, O n’est toujours pour S qu’un phénomène, une « apparence » (mot qui dit bien ce qu’il veut dire). Il serait abusif de dire, comme on aurait pourtant tendance à le faire  : O existe même si S est absent. Le monde existerait même si aucune conscience ne pouvait l’observer.

O est TOUJOURS pour nous SO et jamais O tout seul : idéalisme. Le monde n’est toujours monde que pour une conscience et jamais monde tout seul.

Il y a là une subtilité capitale à saisir. Je ne dis pas  : le monde n’existerait pas sans une conscience qui l’observe. Je dis  : il est absurde d’affirmer avec certitude que le monde existerait si aucune conscience ne l’observait. Pour nous êtres humains (et pouvons-nous parler autrement  ?), il n’ y a d’objet que lié à une conscience quelle qu’elle soit.

La problématique d’une conscience divine (Spinoza, par exemple) sera traitée plus loin.

Nous sommes donc bien en présence d’un idéalisme réaliste et non d’un réalisme idéaliste.

A noter que le sujet se trouve à la fois contenant – et contenu dans – sa représentation. Ce paradoxe insuffisamment étudié est pourtant capital à affronter. Je l’évoquerai plus loin.

Toute connaissance contient un aspect éthique

Je conclus, en conséquence épistémologique, que O ne s’impose jamais de façon déterministe absolue à S et que tout dépend, au final, des orientations (visions du monde) que S donne à O. Je ne suis pas esclave de la réalité qui s’imposerait absolument à moi, j’ai toujours toute latitude pour orienter ma pensée, comme un volant de voiture, dans un sens ou un autre. Et donc de voir tout objet de mes représentations de façon créative grâce notamment à l’imagination.

C’est pourquoi toute connaissance, y compris scientifique (sur un certain plan), est nécessairement teintée de facteur humain et concerne donc l’éthique (selon la "qualité" de nos choix).

Il n’y pas de savoir purement objectif. En tout savoir quel qu’il soit se glisse un aspect au moins qui fait appel à l’esprit de l’homme, à ses conceptions, ses désirs, bref à sa morale. Tout est éthique pour l’homme dès qu’il est question de « savoir ».

Une fois que nous avons, en amont de tout savoir, creusé ce qu’est une représentation  ; une fois que nous avons mis en lumière ses conditions de fonctionnement, nous pouvons ensuite traiter des moyens employés par la science pour atteindre des connaissances qui, si elles ne sont JAMAIS objectives, n’en sont pas moins, dans des limites à définir, universalisables.

L’autonomie du sujet

Étudions maintenant quelques remarques qui pourraient être faites en rapport avec le schéma que je viens de présenter.

J’ai parlé d’une attitude partagée tant par le sens commun que par une certaine conception de la science matérialiste.

- Sens commun : ce qui est d’emblée immédiatement accessible à nos sens externes : le chien qui passe est totalement extérieur à nous, il est pour tous totalement « objectif ». Pour le sens commun, R = O. Il amalgame R et O, alors qu’en réalité R = S,O.

- La science dite « objective ». L’idée importante est de voir que la « chose en soi » (la « matière » existant indépendamment de nous, par exemple) est une absurdité dont il faut se débarrasser si l’on veut « connaître » le vrai (et non seulement répertorier/classer/organiser dans nos savoirs les éléments de l’Univers).

Un passage peut poser problème  : « …O ne s’impose jamais de façon déterministe absolue à S et que tout dépend au final des orientations que S donne à O ». On peut assez facilement imaginer que S peut orienter R (en regardant mon sujet sous d’autres angles, par exemple), mais il est moins aisé de voir comment il peut orienter O. Je peux changer ma façon de voir un objet, mais j’ai du mal à comprendre que je puisse par ma conscience « orienter » un objet.

Il faut avoir à l’esprit que O est toujours et seulement (pour nous) « produit/traduit » par lui.

O n’a jamais accès direct à S, il est nécessairement produit, recréé par S dans R. Rien ne rentre en S qu’il n’ait lui-même formé (dans R). La pomme réelle n’entre jamais en tant que telle dans l’esprit de Paul. Si Paul en a une image effective, c’est parce que son esprit (grâce au cerveau) l’a construite lui-même à partir des vibrations chromatiques que son œil a reçues.

Emmanuel Kant, philosophe allemand (1724 à 1804).

C’est là que réside l’autonomie (« se donner ses propres lois », voir Kant) de S.

Si S est indépendant de O (S ≠ O), il est en même temps lié indissociablement à lui (S⇔O). Cela signifie que S, tout en étant point de départ « absolu », émergent de lui-même, n’est pas pensable sans O.

En exact et nécessaire miroir, O, tout en étant totalement « extérieur » à S, est aussi dépendant de S puisque sans R, qui est une production de S, impossible de parler de O.

O comme chose en soi est une absurdité.

Gottfried Wilhelm Leibniz, philosophe, scientifique, mathématicien, logicien, diplomate, juriste, bibliothécaire et philologue allemand (1646-1716).

En fait – et c’est un absolu  ! –, S ne sort jamais de S, la pensée ne sort jamais d’elle-même, c’est pourquoi on parle d’idéalisme. C’est ce que Leibniz appelait une monade.

O ne « touche » jamais S directement (ils sont dans deux mondes totalement différents, l’un sensible, l’autre intelligible et sont séparés par un gouffre infranchissable) mais seulement au travers de R.

La façon dont S réagit à O est donc aussi importante que O en lui-même, car ce O n’est pas en soi mais toujours interprété par S.

Constater cette évidence et en tirer toutes les conséquences est le « voir » universel (intuition intellectuelle) à la base de tous les savoirs particuliers. De même, ce voir rend obsolètes et incomplètes toutes les philosophies qui s’attachent à seulement S (spiritualisme, idéalisme) ou à seulement O (réalisme, déterminisme).

La philosophie n’est pas la vie

Une remarque en passant. Pour suivre tous ces raisonnements, il faut comprendre que je parle ici de « savoir » et non d’« Être ». Je m’interroge sur ce que nous pouvons savoir, tenir pour vrai, et non sur la nature de l’Être ou de la Réalité. Je parle épistémologiquement, non ontologiquement.

En effet, la philosophie n'est pas la vie  ! Elle est un discours sur la vie. Elle peut préparer à vivre, aider à bien vivre, mais elle ne remplace pas… l’action de vivre.

L’obstacle principal qui se pose à nous pour comprendre comment O (les choses, la matière, l’univers) peut d’une certaine façon « dépendre » de S est que nous pouvons difficilement nous départir de l’idée de la chose en soi. Exemple  : si l’homme disparaissait, l’Univers existerait forcément  ! La matière existe en elle-même, etc., pensons-nous. Non seulement nous ne pensons pas pouvoir quitter cette idée, mais surtout cette idée est nécessaire à notre vision du monde. Elle en constitue même, selon ce que nous croyons, le socle premier.

Or, la chose en soi est une absurdité. Elle est contraire à la raison quand son existence est affirmée avec certitude. C’est un noumène (une chose uniquement pensée) vide dans lequel il est impossible d’imaginer un contenu : une chose ne serait plus « en soi » si elle venait à être connue.

Certes, on peut dire : « Je n’affirme pas que le monde existe s’il n’y a aucune conscience pour le percevoir, mais j’ai de bonnes raisons de le penser ». Mais alors, il faut garder à l’esprit que l’on peut aussi se tromper ! Il pourrait en réalité en aller tout autrement. Cette formulation n’est – au fond – qu’une supposition, une croyance, même si on peut la défendre avec des « raisons ». Mais elle n’est pas un « savoir » ! La nuance est capitale.

C'est pourquoi je dénie à la science de s’appeler « savoir » alors qu’elle nomme au mieux une croyance étayée de solides raisons (sans compter qu’elle évacue la Transcendance). On peut certes parler de « connaissances » scientifiques qui permettent de prédire beaucoup de choses effectives. Mais, comme le dit si bien le mathématicien René Thom, « prédire n’est pas expliquer ».

On peut penser aussi que, dans un monde sans aucune conscience humaine, il y aurait au moins celle de Dieu (si on croit en Lui). Certes, mais alors, il faut le dire, Le nommer expressément dans le raisonnement, ou parler sub specie æternitatis (en latin « sous l’aspect de l’éternité »), comme le faisaient Spinoza ou Wittgenstein. Ce que la science ne fait pas tout en affirmant, généralement, l’existence de la chose en soi. Ce qui est abusif car contraire à la raison.

La science  : des connaissances, non un savoir

Il est donc impossible de rien savoir ni dire sur la chose en soi, par définition, ni de statuer sur son existence/inexistence. Elle ne peut être qu’un acte de foi, une croyance, même si cette croyance est plausible, même si elle a tous les atours de la vraisemblance, même si elle peut être imaginée ou conçue selon des règles, des lois et des observations (le Big Bang, par exemple). Mais plausible ≠ vrai, ≠ certain (encore moins objectif).

Le plus rationnel que l’on puisse exprimer à propos de la chose en soi est qu’elle est un concept opérateur sur le plan intellectuel. Une chose pensée comme en soi peut certes « fonctionner » dans la pratique, ce n’est pas pour autant qu’elle existe absolument, par elle-même et indépendamment de nous. Et la penser comme un « en soi » (comme le font le dogmatisme et le scientisme) nous conduit inévitablement à des erreurs et des déconvenues.

Un exemple suffira à faire comprendre cette vérité  : parlant de notre habitacle (du monde, de l’Univers), de quoi, de quel objet parlons-nous  ?

Nous avons vu qu’il s’agit toujours d’apparences, dont les concepts et les lois sont engendrés par et dans notre esprit (et dans celui de Dieu pour ceux qui peuvent l’intégrer dans leur pensée).

La réalité (le territoire) que décrivent ces lois (la carte) existe bien en dehors de nous, mais d’une certaine façon seulement, toujours en dialogue avec nous.

Ainsi, ce que nous pouvons savoir de cet/tout objet dépend AVANT TOUT, avant même d’en aborder l’étude, de la façon dont nous l’appréhendons, dont nous cherchons à le savoir. Parlons-nous de l’objet que nos yeux de chair nous montrent  ? De celui qui apparaît sous la loupe  ? Sous le télescope  ? Sous le microscope  ? Sous l’angle de ses atomes, de ses vibrations, de ses énergies, de ses couleurs, de ses éléments chimiques  ? Sous ses innombrables aspects anthropiques  ? Sous celui du passé  ? Et ainsi de suite à l’infini.
On peut donc dire que nous choisissons toujours en amont de toute observation  :
- et le type de monde que nous voulons observer
- et la théorie qui va orienter notre recherche
- et les moyens que nous mobilisons à cet effet.

Donc, pour nous (et on ne peut sortir de soi, nous l’avons vu), O (qui est en fait un OS, O étant insaisissable en soi) dépend en permanence de S et de R.

L’objet, tout objet que nous observons, dépend toujours à la fois de celui qui le regarde et de la représentation qu’il s’en fait.

Par ailleurs, aucun R de TOUS ces aspects de O en une seule fois n’est possible, ce qui serait la science véritable ou l’objet en soi (l’objectivité).

Si nous voulons quand même penser ce savoir omniscient (la chose en soi), il est bien évident que nous devons admettre l’existence de Dieu comme seul capable d’un tel R (même la somme organisée de tous les R de toutes les consciences humaines ne suffirait pas)  !

Alors la discussion s’engagerait sur un autre terrain, celui de notre relation à un Dieu, terrain que j’aborderai également, mais qui constituera le volet « pratique » (au sens de moral) de ma théorie. Pour l’instant, c’est l’aspect seulement théorétique (qui a pour objet la théorie, la connaissance) des choses que j’examine…

L’esprit est toujours premier

La science dite objective est utile, elle construit des savoirs effectifs, mais parcellaires et dépendants de nos outils d’investigation. Elle n’apporte pas LA vérité. Elle est opérationnelle, nous aide à agir, à construire, etc. mais elle nous laisse ignorants de l’essentiel, à savoir s’il y a ou non un sens global au monde (ou une équation unique/ultime, dans le langage des scientifiques) ; quel est le rapport adéquat entre S et O, entre l’esprit et la matière.

La plupart du temps, elle ignore également quelles sont nos visions du monde qui orientent nos savoirs.

Si l’on veut correspondre à la réalité, il nous donc réviser notre façon de voir les choses et abandonner notre vision naïve du réalisme objectif.

Il nous faut dépasser le sens commun et comprendre que la Raison (et non l’objectivité) est première pour nous, pour saisir la nature de l’Univers, comme on l’a fait pour le soleil qui " tournait " autour de la Terre, et pour orienter notre vie.

La Raison est première, l’esprit est premier ; alors l’objectivité absolue disparaît. Alors devient essentielle la vision du monde que je me donne en correspondance avec l’expérience et ce qu’elle m’apprend.

Suis-je libre ? Suis-je déterminé ? La réalité nous dit : c’est selon ce que tu crois  ! En effet, tu es libre totalement par ta pensée, mais si tu ne « vois » pas cette liberté, tu es effectivement déterminé.

D’où la primauté du « sens » sur le « savoir objectif », et donc de l’éthique, sur le constat, en lien avec (mais non en soumission aux) sciences expérimentales. Celles-ci ne doivent pas « dicter » ce que nous devons faire (scientisme, matérialisme) ; elles doivent nous aider à nous orienter en validant ou non la justesse de nos choix et comportements.

La philosophie radicale, accueillant autant le réalisme que l’idéalisme, autant la matière que l’esprit, s’abstient donc de se prononcer sur l’ontologie, sur ce qu’est la Réalité, sur le fond de la nature des choses. Elle affirme même que nous ne pouvons jamais rien en dire de définitivement certain, sinon ceci  : pour nous humains, la pensée la plus adéquate, la plus juste, celle qui correspond le mieux avec ce que nous pouvons savoir du monde, est celle qui, consciente de sa nature, agit en cohérence avec elle.

Cette cohérence se vérifie dans les actes de la vie quand le dire (ou le penser) et le faire coïncident.

Quand on met sa parole en actes et que nous en assumons toutes les conséquences.

Autrement dit, nous ne pourrons jamais concevoir une théorie du Tout, une unification de la physique, qui soient vraies absolument si nous n’intégrons pas la pensée subjective dans cette connaissance et si nous ignorons le rôle premier que celle-ci peut jouer.

Nous ne sommes pas sur Terre pour savoir parfaitement comment fonctionne l’Univers (connaissance « objective ») mais pour se connaître soi-même, pour agir en harmonie avec l’Univers et notre moi pur (conscience/je).

5 thoughts on “Philosophie radicale (1) : La liberté de l’esprit

  1. Jakubowski

    L’objectivité est nécessaire car elle nous oblige à nous remettre en question sur des interprétations erronées , ce qui représente un travail sur soi ( honnêteté intellectuelle ) ; je n’ai pas de problème à être objectif avec la manière dont le monde se comporte, la seule question étant pour moi ( et là je me place en tant que représentant de mes semblables ) d’évaluer au jour le jour de quelle manière je vais exercer ma créativité dans le sens que je souhaite ( selon mon idéal ) afin d’obtenir certains résultats. Et là je participe de la logique de la création, ( soyons objectifs ) puisqu’elle m’a doté de la capacité à intervenir dans le bon sens, si possible; je constate que ce monde m’oppose une certaine résistance ( objectivité encore ) que je dois vaincre pour arriver à mes buts : cette résistance est attribuable à un  » plan  » dans lequel je suis intégré : objectivité encore ; il faut admettre le monde dans ses paramètres constitutifs pour arriver à ses fins, morales bien sûr. Comme quoi l’objectivité mène à tout , puisqu’elle nous conduit à l’optimisation croissante de nos capacités au sein d’un monde reconnu et identifié selon les caractéristiques qu’il nous présente , invariantes , ce dont nous pouvons le remercier, lui et son créateur supposé . Patrick J.

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  2. valabregue

    je viens de prendre le temps de te relire et je partage ce que tu exprimes. Si tu prenais l’hypothèse ternaire comme base tu aurais pu simplifier certaines parties, mais bon … si, O, S, R est un bon ternaire alors on pourrait avancer plus profondément encore. La question que j’aurais envie de te poser est est-ce qu’un sujet qui observe un autre sujet peut le voir comme un sujet et non un objet ? Si oui de quelle façon ? jusqu’à quelle profondeur ? Et là on rejoint l’intérêt du ternaire qui permet de de comprendre la différence entre O/S et S/O ( l’objet du sujet et le sujet de l’objet). En tout cac bravo pour l’effort pédagogique

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    1. debredinoire

      Merci pour ce commentaire !
      Le ternaire est effectivement un concept basique et en même temps tout à fait opérationnel. Il sera abordé dans les chapitres suivants. De même, seront explorées les très intéressantes questions que tu poses sur les rapports entre le sujet et autrui.

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  3. GL

    Est-ce à dire que pour cheminer philosophiquement parlant, la Représentation doit aussi être incluse dans la Représentation du Sujet et de l’Objet ou doit-elle être l’Objet de la Représentation?

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