Quand «Courrier International» prend des libertés avec la déontologie journalistique


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Courrier International a bâti son succès sur une formule originale : le recueil d´articles significatifs parus aux quatre coins du monde. Une originalité qu´il étend également à sa publicité, mais en prenant alors des libertés avec la déontologie journalistique.

 

 

Dans son édition du 11 au 17 juillet 2013, Courrier International présente un dossier de deux pages baptisé " Escapades en Suisse". Il est constituté de quatre articles déjà parus récemment dans d´autres journaux. Le lecteur n´est pas averti que ces textes sont en fait de la publicité déguisée.

 

 

Il faut regarder la deuxième page du dossier pour lire, en haut à droite : "Pages réalisées par l´@gence
Courrier International
pour l´Office du tourisme suisse. Mais il n´est pas plus indiqué là qu´ailleurs qu´il s´agit d´une prestation commandée et
payée par l´OT suisse, et non d´un choix libre de la rédaction comme pour le reste du journal... Il y a clairement tromperie sur la marchandise.

 

Le rêve de beaucoup de patrons de presse  : faire un journal sans journaliste. Par exemple, avec de simples correspondants ou grâce à de la collecte d’infos et de la composition automatique assistée par ordinateur.

 

Mais, dans un journal, il y a aussi le patron du département publicité. Son rêve  ? Faire de la publicité sans publicité. Et le top serait de faire paraître une publicité qui ne ressemble pas à de la publicité mais à de l’information. Car il est évident qu’un article sur une personne, une action ou une initiative est bien plus valorisant qu’une pub payée par le commanditaire lui-même.

 

Un article, c’est une information qui a intéressé et motivé un journaliste, celui-ci conservant en outre toute latitude de commenter cette info dans le sens qu’il souhaite, positif ou négatif. Sans la liberté de blâmer…

 

Pour résumer, un article qu’un journaliste a librement choisi de faire paraître a un impact bien plus fort sur le lecteur.

 

Tous les chargés de pub qui travaillent dans les médias le savent bien. C’est pourquoi, par exemple, ils présentent souvent des pubs sous forme d’interviews, genre plus « noble » que la simple propagande vantant un produit ou une personnalité. Des questions et des réponses, ça ressemble au travail du journaliste…

 

Dans le cas présent, Courrier International s’est servi de sa spécificité éditoriale, le recueil d’articles déjà parus dans le monde entier, pour l’étendre subrepticement à la publicité.

 

Dans son édition n° 1184 du 11 au 17 juillet 2013, il publie deux pages sous-titrées « Escapades en Suisse ». Elles sont présentées comme de l’information. Les quatre articles, présentés comme tels, sont effectivement des articles déjà parus dans d’autres journaux.

 

Le hic, c’est que ces deux pages sont une prestation, payante, fournie par l’@gence Courrier International, un service du magazine, pour l’Office du tourisme suisse. Nulle part, il n’est indiqué, comme la déontologie oblige pourtant à le faire, qu’il s’agit d’une publicité.

 

L’hebdomadaire pourra sans doute arguer qu’il s’agit de « vrais » articles journalistiques « vraiment » parus dans de « vrais » journaux. Mais comme le service est payant, il s’agit bel et bien de publicité.

 

Bien essayé, mais ça ne marche pas, du moins aux yeux des lecteurs avertis.

 

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