Nouveau code de déontologie médicale : Médecins, rentrez dans l´ordre !


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Dans l’indifférence de tous, le code de déontologie médicale vient d’être modifié par un décret. A part des avancées réelles profitables aux droits du malade, ce texte, par l’ajout de neuf petits mots qui changent tout, signe en fait la fin de l’humanisme en médecine. Rien de moins.

Dans l’indifférence de tous, le code de déontologie médicale vient d’être modifié par un décret (n° 2012-694 du 7 mai 2012). A part des avancées réelles profitables aux droits du malade, ce texte, par l’ajout de neuf petits mots qui changent tout, signe en fait la fin de l’humanisme en médecine. Rien de moins.

Le code de déontologie vient d’être « adapté » par le décret n°2012-694 du 7 mai 2012, publié au Journal Officiel du 8 mai 2012. Il comporte, certes, quelques avancées, notamment pour le patient.

Son dossier médical, par exemple, doit lui être communiqué à sa demande (et non plus seulement, « lorsque la loi prévoit qu´un patient peut avoir accès à son dossier ») et son accord est nécessaire accord pour la transmission des informations à un autre médecin. Le patient a également désormais le droit, s’il le souhaite, « d’être tenu dans l´ignorance d´un diagnostic ou d´un pronostic, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination ».

Enfin, « un pronostic fatal ne doit [lui] être révélé qu´avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ».

« Compte tenu des données acquises de la science »

Mais là où les choses dérapent carrément, c’est dans l’article R4127-8 du nouveau décret qui dit : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu´il estime les plus appropriées en la circonstance ». Cette formulation est identique à la formulation du texte en vigueur jusqu’alors, au détail près des neuf mots soulignés par nous dans le texte.

Apparemment, tout le monde pourrait applaudir ce rajout. On trouverait illogique et dangereux que des professionnels de la santé ne s’appuient pas dans leurs pratiques sur les « données acquises de la science ».

Oui, mais en France, cela signifie : tout médecin qui ne respecte pas à la lettre les indications institutionnelles, qui innove (même s’il le fait en conscience) ou adapte sa conduite pour tenir compte des particularités de son patient, tout médecin peut donc désormais être poursuivi par son Conseil de l’ordre et interdit d’exercer. Le praticien doit s’en tenir strictement à la nomenclature des actes édictée par l’Assurance maladie, aux codifications de l’Académie de médecine, aux prescriptions du ministère de la santé.

Cela veut dire que les maladies ont été mise en fiches et que la seule façon de les traiter est de suivre les règles, normes et décrets élaborés par le système institutionnel.

Trois grosses dérives

Je vois trois grosses dérives dans cette mentalité :

1) Le système institutionnel est loin d’être parfait. Il peut être manipulé par les lobbies (ex. l’affaire en cours du Médiator, parmi de nombreuses autres), déréglé par le désir de lucre (ex. dépassements d’honoraires, prothèses mammaires, etc.), faussé par les conflits d’intérêts (cf. l’ex-Afssaps), etc. Il n’assure pas la santé aux patients : il y a toujours autant de malades. Ainsi, 145 000 citoyens meurent du cancer chaque année dans les bras des médecins. Le système médical ne représente donc pas la vérité ultime qui autoriserait à condamner toute autre approche.

2) Il est évident, du moins pour les gens qui réfléchissent, que la « médecine basée sur les preuves » est un critère de sécurité mais pas suffisant pour garantir à lui seul la qualité du soin. Le savoir faire, l’honnêteté intellectuelle et morale, l’ouverture d’esprit, l’intuition, voire la chance, interviennent aussi dans la réussite de toute thérapie. Le corps et l’esprit humain, impossibles à dissocier l’un de l’autre, ne fonctionnent pas comme de pures mécaniques, ce que laisse pourtant supposer une médecine uniquement basée sur « les données acquises de la science ».

3) Cet ajout apparemment logique et légitime représente en fait un tour de passe-passe. Il reflète l´instinct de survie du système institutionnel et sa volonté de combattre les évolutions menées par les médecines complémentaires et alternatives.

La fin de l’humanisme dans le domaine de la santé

Ces médecines non conventionnelles, effectivement, ne sont pas « validées scientifiquement » pour la plupart. Elles peuvent n’en être pas moins très efficaces. Ce qui explique notamment l’engouement des citoyens à leur égard. Mais comme elles échappent au système, il fallait trouver un moyen simple pour les empêcher de progresser. Plutôt que de les étudier honnêtement, on préfère les combattre. Bien pratique pour la Miviludes et le ministère de la santé ! Toute pratique ne respectant pas « les données acquises de la science » (devenues LA Vérité) est de fait condamnable. Pas besoin de prouver sa dangerosité. Il suffit de dire qu’elle est du charlatanisme, qu’elle est à risque sectaire, etc. Sa cause est entendue.

Cette mentalité prétentieuse et totalitaire signe la fin de l’humanisme en ce sens qu’elle consacre l’homme comme un assemblage de mécaniques et de rouages, qu’elle divinise la "science" et cléricalise l’institution médicale, qu’elle ignore la vie et ses mystères (qui demeurent encore nombreux, la preuve de ceci étant fournie par l’impuissance de la médecine face à d’innombrables maux et souffrances), qu’elle criminalise toute attitude contestataire ou simplement créative, sensible, intuitive, ouverte, adaptative, pourtant indispensables pour affronter humblement la complexité de l’humain….

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.