Ne dites pas à ma mère que je suis journaliste, elle me croit dans une secte


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

L’emprise mentale du président de la Miviludes sur les journalistes et, à travers eux, sur la population toute entière, surpasse en envergure et en efficacité celle que l’on pourrait attribuer aux soi-disant « sectes ».

 

Le marronnier du rapport de la Miviludes est l’occasion d’une déferlante d’articles agitant dans les médias l’épouvantail des « risques sectaires » (dont aucune définition légale n’existe, ce qui offre une autoroute à la répression arbitraire) sans aucun recul, aucune réflexion, aucune analyse véritable. A croire que mes confrères sont envoûtés par la sérénité matoise et la beaugossitude de son président, M. Georges Fenech.

 


Robert Ménard, chroniqueur sur iTELE (à droite), pose la bonne question à M. Fenech, président de la Miviludes.

 

Pas un seul article, pas une seule émission (hormis celle, notable, de « Ménard sans interdit » du 15 juin sur iTELE) qui fasse montre d’esprit critique, au moins d’une certaine distance avec les propos du gourou de la sectophobie.

 

Cette année, le rapport de la Miviludes, institution chargée de diffuser le poison de la méfiance et de la haine envers les minorités spirituelles et thérapeutiques, prétend alerter sur les risques de suicides collectifs à l’occasion des prophéties de 2012 et dénoncer les charlatans des médecines naturelles qui exploiteraient cyniquement les malades du cancer.

 

Ne pouvant tabler sur aucune analyse scientifique pour étayer ses mises en garde, M. Fenech nous ressort ce fameux massacre du Vercors qui est l’argument suprême et définitif censé clore immédiatement toute discussion à ce sujet.

 

L’art de crier au loup pour justifier son existence

 

M. Fenech en superman antisecte. Dans un premier temps, il invente des menaces de catastrophe apocalyptique. Dans un deuxième temps, il mobilise ses services et ceux des autres administrations (combien tout cela nous coûte-t-il  ?) pour prévenir de terribles « risques de dérives sectaires ».

Et dans un troisième temps, il s’attribue à l’avance le succès de la non-survenue des dangers qu’il invente  : « Si, par son rôle de mise en alerte des pouvoirs publics et de coordination de leur action préventive, la Miviludes contribuait à empêcher la survenance de telles extrémités, elle aurait pleinement rempli sa mission. Si aucun événement de ce type ne venait à se produire, elle aurait accompli son devoir d’information ».

Conclusion  : si rien ne se passe de terrible en France le 21 décembre 2012, comme c’est vraisemblable, il faudra quand même dire  : « Merci, M. Fenech  ! »

 

Bien évidemment, personne ne peut cautionner une telle horreur. Les journalistes se gardent donc bien de dire quoi que ce soit quand on leur rappelle ce fait, oubliant un détail, mais qui a son importance  : les seize personnes qui ont péri dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, dans une clairière d´un plateau du Vercors, près de Saint-Pierre-de-Chérennes (Isère), ont été immolées par le feu. La démonstration du suicide n’a jamais été apportée par la justice. Or la campagne menée aujourd’hui par M. Fenech repose essentiellement sur ce supposé « suicide collectif » qui lui permet de stigmatiser sans être contredit par personne, et en toute illégalité, les groupes spirituels minoritaires dont il a une « sainte » horreur.

 

Aucun journaliste ne relèvera ce détail, M. Fenech le sait, lui qui refuse toute discussion contradictoire, toute confrontation loyale et toute information seulement neutre ou impartiale sur le sujet.

 

Mais cette année, l’indigence journalistique atteint des sommets avec les accusations de charlatanisme portées par la Miviludes contre les médecines naturelles utilisées en traitement du cancer, accusations reprises les yeux fermés par tous les journalistes. Si le terme de « manipulation mentale » a un sens, c’est bien celle qu’exerce M. Fenech en effrayant sans discernement tant la population que mes confrères sur ce sujet.

 

Dans la partie consacrée au cancer dans le rapport de la Miviludes, et parmi les critères qui sont censés indiquer une dérive sectaire, il y a cette phrase : "Si l’on vous propose d’agir à la fois sur le mental et sur le physique".

 

Pour moi, c´est criminel de parler ainsi. Criminel d´affirmer, avec toute la force de persuasion et la légitimité théorique d´une mission interministérielle et d´un ministère (celui de la santé) que le cancer ne peut avoir que des causes physiques et que son traitement ne peut donc être diligenté que par des moyens physiques.

 

En effet, c´est priver les malades d´une dimension majeure, celle de l´influence du moral et de la pensée sur l´organisme humain. Ce n´est pas parce que cette dimension est encore mal connue et mal explorée qu´il faut officiellement la diaboliser et la bannir  !

 

Bien évidemment, je ne conteste nullement qu’il y ait des charlatans et des profiteurs de la détresse des malheureux pris dans les pinces du « crabe », mais il y en a aussi, et en nombre, parmi les patentés de l’Académie de médecine dont plusieurs d’ailleurs sont condamnés tous les ans.

 

Jeter l’opprobre sur tous ces militants de la médecine alternative ou complémentaire est grave et contreproductif. Car, dans leur immense majorité, ces défricheurs ne détournent pas leurs patients de la médecine conventionnelle. Ils accueillent bien souvent des personnes déçues voire effrayées par les méthodes classiques de traitement du cancer. Ils les accompagnent en tentant d´atténuer leurs souffrances. Fuyant des pratiques déshumanisées, ces personnes recherchent de l’écoute, de l’attention, voire de la tendresse. Et elles en trouvent, ce qui rend furieux tous ceux qui ont suivi les parcours classiques et qui craignent que cette dimension sensible du rapport avec les malades, offertes par d´autres, les privent de leurs prérogatives.

 

Quand donc en France, sera-t-on capable de parler avec intelligence de ces sujets, en se basant sur des chiffres et des faits validés, en écoutant honnêtement tout le monde, et non en diffusant des rumeurs et des peurs  ? Quand donc cherchera-t-on sincèrement l’intérêt des personnes et des malades, au lieu de vouloir protéger des places fortes et des sources de revenus  ?

 

Quand donc sortira-t-on de la prétention, du manichéisme et du mépris pour avancer, l’esprit ouvert et vigilant, vers l’inconnu  ?

 

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