L´OMS recommande les médecines traditionnelles et douces


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Médecines douces et médecines traditionnelles peuvent aider les systèmes de santé, y compris dans les pays industrialisés, et favoriser partout la reconnaissance des communautés autochtones. À condition de lutter contre les préjugés qui sévissent à leur égard.

 

L´OMS recommande les médecines traditionnelles et douces

Le Conseil économique et social de l’ONU (Ecosoc) plaide, dans un communiqué publié le 12 février dernier, pour une meilleure reconnaissance et une intégration des médecines douces et traditionnelles dans les systèmes de santé. «  La médecine traditionnelle peut contribuer à l’amélioration de la santé dans les pays industrialisés ainsi qu’à une reconnaissance des communautés autochtones », ont déclaré les participants à une table ronde, organisée par Ecosoc, sur « l’apport de la médecine traditionnelle à la réalisation des objectifs internationaux de développement liés à la santé publique mondiale ».

La médecine traditionnelle, ont-ils dit, constitue une source d’espoir pour les efforts visant à améliorer la situation sanitaire dans le monde.  Elle est pratiquée par tous les pays de la planète, 80 % de la population des pays d’Asie et d’Afrique y recourant régulièrement, ont fait observer les intervenants.

 

"Réorienter la vogue des médecines douces"

Les pays industrialisés pourraient tirer parti de l’expérience des pays en développement et réorienter « la vogue des médecines douces dans le sens d’une revalorisation des relations entre le monde occidental et les communautés autochtones, principales détentrices des savoirs médicaux traditionnels ». 

La plupart des plantes utilisées à des fins thérapeutiques se trouvent dans des territoires autochtones. C’est pourquoi, les participants ont demandé que le rôle joué par « les peuples autochtones pour protéger ces ressources soit renforcé par des mesures politiques prises au niveau international ».

Mme Xiaorui Zhang, coordonnatrice pour la médecine traditionnelle, au département médicaments essentiels et politiques pharmaceutiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a expliqué que l’objectif de l’OMS était de « promouvoir l’intégration de la médecine traditionnelle dans le contexte du renouvellement des politiques de santé publique des États membres ».

Prenant l’exemple de l’acupuncture, « thérapie traditionnelle chinoise de soins primaires », Mme Zhang a noté qu’elle était désormais largement utilisée dans les pays occidentaux, en tant que médecine alternative ou complémentaire. Elle a souligné qu’en 2003, les ventes en Europe de plantes médicinales avaient généré plus de 3 milliards d’euros de bénéfices.

Mme Zhang a ajouté qu’en vue d’intégrer la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé conventionnelle, il faudrait d’abord que le savoir et les praticiens dans ce domaine soient reconnus. Elle a estimé que l’accent devrait être mis sur l’élaboration de lois et réglementations pour contrôler le commerce des produits et pallier le manque de ressources dans le secteur de la recherche et de la formation.  «En 2007, 48 États membres indiquaient qu’ils avaient adopté une stratégie d’intégration», a précisé Mme Zhang, alors qu’ils n’étaient que cinq en 1990.

 

Le mésusage commercial des plantes

Anthony Taubman, directeur de la division des questions mondiales de propriété industrielle et du programme des sciences de la vie de l’Organisation mondiale de la propriété (Ompi), a estimé que la question de la protection des savoirs médicaux n’avait pas que des aspects juridiques : « C’est un respect envers des connaissances et même des systèmes de pensée vastes, et envers un patrimoine vivant et d’authentiques gardiens de types de médecine qui ont beaucoup à nous apprendre ». 

Il a appelé à la protection des droits des autochtones, à la mise en œuvre de mesures de sauvegarde contre le mésusage commercial des plantes et de mécanismes légaux réglementant la diffusion de ces dernières. M. Taubman a indiqué que l’Ompi se référait à l’article 31 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dans le cadre de sa réflexion sur les principes devant guider la protection des savoirs médicaux traditionnels. Un document international juridiquement contraignant pourrait être adopté dans les années à venir.  

 

Un bien commun potentiel

Myriam Conejo, coordonnatrice du Centre de santé « Jambi Huasi » et représentante autochtone équatorienne, a déclaré que, pour pouvoir revaloriser la pratique de la médecine traditionnelle aux côtés des soins de santé plus conventionnels, il fallait poursuivre la lutte contre les préjugés, ajoutant que son propre peuple considérait la personne malade dans son entièreté. Elle a indiqué que son centre, après des années de lutte, fonctionnait à présent grâce à l’action conjointe des médecins conventionnels et des sages autochtones, «en particulier dans le domaine des soins obstétriques».

La représentante de la Chine est intervenue pour demander que la communauté internationale, par le biais des Nations Unies, accorde une meilleure attention à la médecine traditionnelle, objet de rejets et suspicion.

Le représentant bolivien a souhaité que la feuille de coca, élément de base de la médecine traditionnelle de son pays, ne soit plus assimilée à un stupéfiant. En l’état, cela revient à nier la portée des usages naturels de la feuille de coca, a-t-il estimé.

De son côté, le délégué du Brésil a préconisé de faire en sorte que la médecine traditionnelle, «un bien commun potentiel», ne devienne pas, par le jeu des brevets, la seule propriété de la médecine occidentale.  Un débat sur cette question doit être intégré et soutenu politiquement, a-t-il dit, appelant à une coordination accrue entre l’OMS et l’Ompi.

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