Contre les risques de dérapages journalistiques : « La meilleure façon est de faire preuve d´empathie »


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Dans la Tunisie libérée, la presse peut enfin s’adonner à l’investigation. Des dizaines d’affaires sortent, mais comment sont-elles traitées  ? Comment surmonter les risques de manipulation ou de règlements de compte  ? Dans ce billet anonyme, l’auteur propose une attitude simple mais pas facile, psychologiquement, à mettre oeuvre.

 

Voici le texte publié le 19 novembre 2012 sur leaders.com.tn, sous le titre  : « Pour que justice passe »  :

 

« La presse tunisienne s´est mise depuis la révolution au journalisme d´investigation. Désormais, il ne se passe pas un jour sans qu´on nous révèle une nouvelle affaire. Pour le moment, il s´agit essentiellement, de documents fuités que les journaux se procurent par leurs propres moyens ou qui leur sont remis dans le but de discréditer un adversaire politique et non d´enquêtes diligentées par la rédaction. Dans tous les cas, le secret de l´instruction qui est la pierre angulaire d´une justice équitable et sereine est violé et foulé aux pieds. C´est le monde à l´envers puisque le prévenu est condamné avant d´être entendu et jugé par la justice sur la foi d´éléments partiels et partiaux. 

 

Sans vouloir jouer les donneurs de leçon, on gagnerait à faire preuve de plus de circonspection en pareilles situations, car ce genre de fuite n’est jamais innocent et obéit souvent à un souci de recadrage de l´accusation au profit de l´une des parties. Généralement, la manipulation n’est pas très loin. On peut comprendre le souci du journaliste de publier son scoop le plus tôt possible pour ne pas être « grillé » par ses confrères. Mais, il ne doit pas être dupe du rôle qu´on veut lui faire jouer. Et puis, a-t-on pensé  à l’accusé lui-même, à sa famille, à la possibilité de commettre un déni de justice à son égard sur la foi d´informations unilatérales et qui au surplus, fleurent le règlement de comptes à mille lieues ?

 

La meilleure façon de ne pas céder à la tentation est de faire preuve d´empathie. Faute de quoi, on risque d´exercer une pression intolérable sur la justice qui se voit parfois dans l´obligation de tenir compte d´une opinion déjà mise en condition par les médias .La vigilance est d´autant plus requise que les affaires révélées ont souvent un caractère politique inavoué, or comme le dit le dicton quand la politique entre dans le prétoire, la justice en sort. Certes, il faut que justice passe, mais dans la sérénité et dans le respect des droits de tous les justiciables. »

 

 

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