Enquête Liberté de pensée

5 – Les mauvais comportements des croyants éloignent les « gentils » de Dieu


Par Jean-Luc Martin-Lagardette

Grâce à l’Edit de Tolérance (voir article précédent), un grand pas est fait sur le plan de la liberté de penser. Et ce, grâce à la “secte ” protestante qui a tenu bon et qui a, elle aussi, évolué. Mais celle-ci connut aussi les errements de l’intolérance.

Dès l’origine de leur mouvement, les protestants s’illustrèrent également par des actes d’intolérance. Actes qui suscitèrent à leur tour de véhémentes protestations et des dissidences !

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Michel Servet, brûlé vif pour blasphème.

Castellion

Sébastien Castellion, réformateur humaniste protestant, chantre de la tolérance.

Ainsi, Michel Servet, théologien (il se disait chrétien) et médecin d'origine espagnol, fut brûlé vif pour ses idées à Genève (Suisse) en 1553, sur ordre du Grand Conseil contrôlé par le protestant Calvin. Servet croyait en un Dieu « auquel l'homme peut s’unir » et refusait la Trinité . Il faut dire qu’il n’y allait pas de main morte puisque, pour lui, la Trinité était un « chien des Enfers à trois têtes, signe de l’Antéchrist » !

En réaction au « brûlement » de Servet, Sébastien Castellion, humaniste, bibliste et théologien protestant français, et ses amis de Bâle, adversaires de Calvin, firent paraître l’année suivante le Traité des hérétiques. Ils entamaient ainsi une longue polémique sur la tolérance qui allait vite s’envenimer. En 1560, en effet, s’allumait la première des huit vagues successives de guerre religieuse en France.

« Qui s’efforce de vivre en ce monde, saintement, justement et religieusement ? »

Dans la préface de cet ouvrage, les auteurs fustigent les querelles d’interprétation sur les textes bibliques auxquelles les hommes s’adonnent avec passion, au lieu de convaincre les esprits par l’exemple de leur comportement et de leur foi véritable :

« Qui est celui qui s’efforce avec toute sollicitude de vivre en ce monde, saintement, justement, et religieusement ?... On ne se soucie de rien moins. La vraie crainte de Dieu, et la charité est mise au bas, et du tout refroidie : notre vie se passe en noises, en contentions, et toutes sortes de péchés. On discute, non pas de voie par laquelle on puisse aller à Christ (qui est de corriger notre vie), mais de l’état et office de Christ, à savoir où il est maintenant, ce qu’il fait, comment il est assis à la dextre du Père, comment il est un avec le Père. Item de la trinité, de la prédestination, du franc arbitre, de Dieu, des anges, de l’état des âmes après cette vie et autres semblables choses : lesquelles ne sont grandement nécessaires d’être connues, pour acquérir salut par foi, et ne peuvent être connues si, premièrement, nous n'avons le coeur net, en tant que voir ces choses, c’est voir Dieu, lequel ne peut être vu sinon d’un coeur pur et net, suivant ce qui est écrit : « Bienheureux sont ceux qui ont le coeur net car ils verront Dieu. (…) Les hommes étant enflés de cette science, ou plutôt de cette fausse opinion de science, “méprisent” hautainement les autres... ; et s’ensuit, tantôt après, cet orgueil, cruauté et persécution ; en sorte que nul ne veut plus endurer l’autre, s’il est discordant en quelque chose avec lui, comme s’il n’y avait pas aujourd’hui quasi autant d’opinions que d’hommes.
Toutefois il n’y a aucune secte, laquelle ne condamne toutes les autres et ne veuille régner toute seule. »

« L’Evangile est blâmé chez les gentils par notre faute »

Castellion montre combien les comportements aberrants des religieux ne pouvaient que faire fuir les « gentils » [païens] loin de Dieu : « Car cependant que nous combattons les uns contre les autres par haine et persécution, il advient qu’en ce faisant nous allons tous les jours de pis en pis et ne sommes aucunement soutenants de notre office. Cependant que nous sommes occupés à condamner les autres, l’Evangile est blâmé, entre les gentils, par notre faute. Car, quand ils nous voient courir les uns sur les autres furieusement, à la manière des bêtes, et les plus faibles être oppressés par les plus forts, ils ont l’Evangile en horreur et détestation, comme si l’Evangile faisait les hommes tels ; et ont Christ en détestation, comme s’il avait commandé de faire telles choses. »

Comme quoi, les disciples d’un sage ou d’un Envoyé du Ciel sont souvent les premiers à le trahir. Plutôt que de vivre concrètement l’enseignement apporté et ainsi d'attirer par l’exemple, ils préfèrent encore et toujours guerroyer contre ceux qui ne partagent pas leurs vues...

> A suivre :

6 - La liberté de penser ? Un droit « chimérique et monstrueux » !

> Déjà parus :

4 - Ce que tout Français et les catholiques doivent aux protestants

3 - Christianisme et protestantisme, deux ex-sectes aujourd'hui "fréquentables"

2 - Les « sectes », symptômes des maux et lacunes de notre société

1 - Sectes, religions et liberté de pensée : Une question éminemment politique

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